1) faire une sociologie de quelque chose ne fait pas de présupposé sur l'existence physique de cette chose. L'auteur a raison sur ce point. Noter qu'il existe un côté sociologique au phénomène ovni ne permet aucunement de conclure que les ovnis n'existent pas. Personne n'a argumenté ça ici, si je me souviens bien. Ce qu'on vous a dit c'est quand il y a seulement une explication sociologique, ou quand l'explication sociologique est la meilleure (ou la moins stupide), il est raisonnable de conclure que le fait observé n'existe pas.
2) Vice-versa, le fait qu'on puisse faire une sociologie de quelque chose ne prouve certainement pas que cette chose est réelle. On a bien fait la sociologie des sorcières.
3) Faire une sociologie d'une science c'est pas comme faire une sociologie d'un phénomène. Si j'étudie la façon dont un astronome fait son travail j'ai sous les yeux une pratique, un savoir, un contexte social précis. Au contraire, en étudiant «les ovnis» je ne suis plus localisé; j'ai sous les yeux une mer d'idées contradictoires, d'opinions flottantes et extêmement variables, sans structure ni organisation, etc. Au point que la comparaison entre la socio des sciences et les tentatives sociologiques de rendre compte du phénomène ovni est entièrement irrecevable.
4) Si «La sociologie des sciences étudie donc les faits scientifiques sans les réduire» c'est qu'elle n'a aucune compétence pour le faire. Le sociologue ne peut juger de la validité des observations astronomiques, par exemple. Pour le faire, il faut changer de chapeau et vérifier les observations dans un contexte astronomique.
Pour le sociologue faisant ses observations empiriques, il ne fait aucune différence que le phénomène ovni soit i. entièrement faux; ii. basé sur d'autres faits mal interprétés; iii. basé réellement sur des visites de véhicules extra-terrestres.
Au moment de passer au volet explication/compréhension, il devient relativement (mais pas crucialement, ça dépend de la «tradition» sociologique à laquelle adhère le chercheur) important de savoir si toute l'histoire provient du vent, de mythes, des médias, de phénomènes réels mais non-extraterrestres ou effectivement de soucoupes volantes bien réelles. Mais c'est pas à travers la socio qu'on arrivera à départager tout ça.
5) «Au lieu d'expliquer que les témoins sont influencés par un mythe extraterrestre, il faut montrer qu'ils ne sont pas plus influencés qu'un chercheur étudiant des faits scientifiques.»
Ceci n'est pas une démarche scientifique, mais un agenda politique. Le travail du sociologue est de vider les faits sociaux. Point. Il n'a pas à «montrer» quoi que ce soit -- et certainement pas des choses qui ne sont même pas du ressort de la sociologie. C'est une démarche à la Tessier qu'on nous propose: faire de la sociologie pour «prouver» l'existence d'un objet physique.
6) comparaison ovnis-astronomie: rien de bon là-dedans. l'auteur oublie de mentionner que lorsqu'un astronome fait une observation, il l'inscrit dans une catégorie avec d'autres milliers d'observations rigoureuses, mesurées, précisément et universellement décrites, et liées par la logique blindée de théories scientifiques solides. Le contraste avec le «témoin» moyen d'ovni est absolument aveuglant.
7) Le dernier paragraphe est d'une profonde stupidité. L'auteur argumente, pour l'essentiel, que puisque les objets sont par définition non-identifiés, il est aussi naïf de supposer qu'il s'agisse de satellites que de soucoupes volantes. Il y a donc dans ce seul paragraphe i. un homme de paille (pas tous les ovnis sont expliqués par des satellites); ii. un argument par l'ignorance (on ne sait pas, donc); iii. une conclusion non sequitur (pas de rapport avec la socio); iv. un rasoir d'occam brisé (les satellites ont plus de chances d'exister que les soucoupes, tout de même); v. une attaque ad hominem (les sceptiques sont naïfs).
Ce texte est «ésotérique» au sens le plus profond du mot: réservé à ceux qui y croient déjà.
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