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Re:Re:Re:Effectivement.


R: Re:Re:Effectivement. -- Julien
Posté par Platecarpus , Jan 26,2003,15:47 Index  Forum

Julien : Pourquoi ? Je vous avais répondu :

« Pourquoi ? Parce qu’il existe 10E600 possibilités et que dans le génome d’une espèce, les gènes ont des séquences qui ne diffèrent pas seulement que par une ou deux bases. »

et vous avez répondu :

« Non, et alors ? Ils ne différent souvent que par une proportion de bases relativement faible. »

Pourrais-je savoir d’où vous sortez ça ??

Bien sûr. Les gènes d'un individu sont regroupés en "familles de gène" (c'est le terme qu'on utilise) ayant de longues séquences communes. Les gènes d'une même famille ont souvent des fonctions très différentes tout en étant très proches sur le plan de la séquence nucléotidique. C'est ce que l'on observe, et c'est à l'opposé de ce que vous affirmez : en biologie, vous êtes dans un monde imaginaire. Dans la réalité, oui, les gènes des êtres vivants ont souvent quelques bases de différences tout en accomplissant des fonctions différentes.

Jean-François a déjà cité l'exemple de certains ligands (https://forum-sceptique.com/archives/43136.html et https://forum-sceptique.com/archives/43309.html#43309 ). Il y en a bien d'autres : je crois avoir déjà évoqué les gènes homéotiques à ce propos (il suffit de quelques substitutions de bases pour transformer un gène qui va coordonner la formation d'une aile en gène qui va coordonner la formation d'une patte). Jean-François avait également cité l'exemple de l'hémoglobine. C'est une molécule qui varie moyennement chez les Vertébrés tout en conservant sa fonction de transport de l'oxygène. Apparemment, il n'y a pas de différence fonctionnelle entre l'hémoglobine d'un poisson et celle d'un être humain, bien qu'elles aient une centaine d'acides aminés de distance. Cela s'explique : la majeure partie des acides aminés reste malgré tout conservée. De plus, la structure finale tridimensionnelle est tout simplement identique entre les deux molécules.

Mais une autre donnée, tout aussi intéressante, est que cette même molécule d'hémoglobine, en conservant une séquence d'acides aminés à 80 % identique et une structure tridimensionnelle invariante, accomplit un nombre stupéfiant de fonctions différentes dans le vivant. On la connaît pour celle de transport du dioxygène, mais il suffit de quelques mutations pour la faire passer à des fonctions différentes. Chez les plantes légumineuses, elle a une fonction de réductrice de l'azote. Chez d'autres plantes, elle protège la cellule contre les effets toxiques de l'oxygène. Chez les vers nématodes, elle sert au contraire à le stocker. Chez les invertébrés vivant près des sources hydrothermales, elle permet de métaboliser l'hydrogène sulfuré. Chez le ver nématode Mermis nigrescens elle joue le rôle d'obturateur d'une cellule photosensible. Chez le némertéen Cerebratulus lacteus, elle protège le système nerveux. Il s'agit dans tous ces cas de la même molécule, à quelques mutations près. Lors d'une expérience récente, des chercheurs ont soumis l'hémoglobine de mammifère - dont la fonction est de se fixer à l'oxygène - à une pression sélective ; rapidement, suite à une série de mutations, elle a acquis la capacité de métaboliser l'hydrogène sulfuré. Chacune des étapes intermédiaires a correspondu à un petit changement de fonction : toutes étaient fonctionnelles. Ils ont conclu, dans un papier récent à ce sujet* : "Il suffit parfois d'un très petit nombre de mutations pour faire apparaître une nouvelle fonction".

Ceci dit, ce constat n'est vrai que pour certains gènes. D'autres ont des séquences très distinctes les uns des autres. Cela n'implique évidemment pas qu'ils ne puissent pas être reliés par une série de séquences également fonctionnelles aux autres séquences : encore une fois, vous affirmez que la complexité de ces séquences est irréductible, mais sans en apporter la moindre preuve. Le fait que le nombre de séquences fonctionnelles soit très limité n'est évidemment pas une preuve : d'abord, on ne sait pas dans quelle mesure il l'est. Nous ne savons rien de ce chiffre, sinon qu'il est inférieur à celui des séquences possibles (qui est déjà astronomique). Il ne fait également guère de doutes qu'il est nettement supérieur à l'ensemble de toutes les séquences fonctionnelles existantes : affirmer que les différents intermédiaires évolutifs que l'on peut reconstituer entre elles ne seraient pas valables est donc une supposition gratuite. Il faut que vous en apportiez une démonstration.

*H. Wacjman & L. Kiger, C. R. Biologies 325 : 1159-1174 (2002)

Ce que je soutiens, c’est que les gènes d’un génome de bactérie (disons) sont significativement différents. Il n’y a pas que 4, 5 ou 10 bases de différence seulement. Autrement dit, les gènes ne « tournent » pas autour de la même séquence.

Encore une fois, c'est faux dans de nombreux cas. Mais même si ça ne l'était pas (et on peut très certainement trouver des cas de gènes significativement différents de tous les autres), cela ne signifierait en aucun cas que les séquences utiles ne peuvent pas être reliées entre elles dans l'océan des 10 puissance 600 séquences possibles.

Ceci nous mène à conclure que les 10E20 séquences « utiles » sont distribuées assez uniformément parmi les 10E600 possibilités. Ceci entraîne inévitablement la conclusion qu’il faut passer par une multitude de stades « inutiles » pour passer de la fonction X à la fonction Y (totalement différente).

Pas du tout. Le génome d'une bactérie ne peut pas être une bonne image de l'ensemble des séquences fonctionnelles : il n'en représente que quelques membres - souvent les plus efficaces pour une fonction donnée. Aucune donnée ne nous permet de conclure que les intermédiaires entre les séquences connues ne seraient pas fonctionnels et n'ont pas pu exister. Au contraire : toutes les données relatives au fait que de petits changements d'acides aminés puissent permettre des "glissements de fonction" progressifs de la protéine, ainsi que le fait que différents gènes aux fonctions distinctes puissent souvent être regroupés en familles de gène ayant de longues séquences communes (exactement comme s'ils étaient issus de la duplication d'un ancêtre commun) plaide pour la thèse adverse.

Encore une fois, le seul moyen de prouver ce que vous avancez est de trouver un exemple de complexité irréductible - qui n'aurait pas pu être construit par une série d'intermédiaires. Vous n'en avez proposé aucun et il n'y en a pas un seul qui ait resisté à l'examen (même si ce ne sont pas les prétendants qui ont manqué : l'essai récent de Michael Behe - qui est évolutionniste mais pense que l'évolution a dû être dirigée par une forme d'intelligence - était très sérieux, mais a échoué).

Et bien, il est clair que la cause de la fonction d’une protéine est sa propriété chimique spécifique et utile dans l’organisme. Donc, si sa propriété chimique change significativement (qq substitutions, délétions ou insertions d’aa seront suffisantes), la fonction n’est plus la même dans cet organisme.

Vous ne répondez pas complètement à la question. Qu'entendez-vous par "significativement" ? C'est une notion subjective. Tout comme l'est celle de "fonction" : en fait, le simple fait que la fonction puisse changer "significativement" implique qu'elle puisse changer un peu moins. Autrement dit, un changement de fonction est un phénomène continu - impliquant une série d'intermédiaires. Encore une fois, la théorie darwinienne est d'une efficacité redoutable en théorie - et cela se vérifie en pratique. Les exemples de changements de fonction observés sont nombreux.