Dash a écrit : 21 sept. 2020, 05:33Oui, mais plusieurs te rétorqueront que ce n'est pas « toi » qui réfléchis, mais l'organisme, et donc qu'il demeure illusoire de considérer que c'est toi qui agis.
Pour moi, c'est un peu comme si, revenant trempé au retour d'une petite promenade ou du travail parce qu'il a plu des trombes d'eau (et que je n'ai pas pris la précaution de prendre un parapluie), je disais à mon épouse :
"j'ai été mouillé par une pluie battante",
mon épouse me rétorquant alors :
"Mais non ! Tu n'as pas été mouillé par de la pluie ! Tu as été mouillé par de l'oxyde de dihydrogène (mélangé à un peu de poussière)."
C'est pas faux, certes, mais qu'est-ce que ça change ?
Par ailleurs, est-ce que la pluie :
- réfléchit avant de tomber (pour protéger de l'humidité d'innocents promeneurs imprudents par exemple) ?
- décide, selon les résultats de cette réflexion, de tomber ou pas et décide où elle doit tomber avant de le faire ?
- sait, une fois sa "décision" prise de tomber :
- où elle est tombée ?
- dans quel but elle est tombée ?
- et quelles en sont les conséquences prévisibles ?
Sauf hypothèse hyperspéculative, non.
La pluie n'a donc pas de libre arbitre
au sens défini par les 3 propriétés implicitement évoquées ci-dessus.
On peut, certes, choisir de définir une notion de libre arbitre permettant de garantir son inexistence. Les possibilités d'obtenir une définition garantissant son inexistence sont extrêmement nombreuses. D'une façon générale, on peut créer des tas de notions qui n'ont pas de contrepartie réalisable. Il suffit pour cela de rajouter à la définition d'une notion donnée (que ce soit celle du libre arbitre ou une autre notion) des propriétés supplémentaires garantissant sa non existence...
... mais quelle est l'utilité d'ajouter à la définition du libre arbitre proposée ci-dessus des propriétés garantissant (grâce à cet ajout) sa non existence ?
C'est un peu comme si je disais, une bonne purée contient :
- des pommes de terre,
- un peu de lait et un peu de beurre,
- une quantité de sel égale, en masse, à la quantité de pomme de terre.
Évidemment, grâce à l'addition de cette propriété supplémentaire arbitrairement rajoutée relativement à la quantité de sel, je suis en mesure d'affirmer qu'une bonne purée ça n'existe pas !
Grâce à l'énoncé ainsi choisi pour définir une bonne purée, l'affirmation selon laquelle une bonne purée n'existe pas est juste...
...mais à quoi sert de choisir la définition d'une bonne purée de façon telle qu'elle ne puisse pas exister ? Quel but cela sert-il ?
Rajoutons un point sur le déterminisme. Cette question revient souvent dans les discussions sur le libre arbitre (1).
Le déterminisme est un outil de modélisation souvent commode et pertinent en physique dans de nombreux cas (en termes d'aptitude à la prédiction des modèles concernés), mais ce n'est pas la base de la science. La base de la science n'est pas le déterminisme, mais l'
inférence statistique, la possibilité d'
observer des régularités et de pouvoir en tirer des prédictions fiables et précises (via des modèles mathématiques prenant en compte, de façon toujours un peu idéalisée, ces régularités).
Concernant le déterminisme, un point de vue à ce jour très largement majoritaire parmi les physiciens, c'est qu'il n'est pas respecté. Dire qu'il n'est pas respecté "
en physique quantique" est parfois présenté (par des non physiciens comme, par exemple, des ingénieurs) comme une restriction
alors que ça n'en est pas une.
Notre physique actuelle
est quantique. La physique classique de nos grands parents (bien que toujours très très utiles de nos jours, tout particulièrement pour une très large majorité de nos ingénieurs) n'en est qu'une
approximation. On n'est même pas capable de prévoir de façon sure un évènement pourtant hyper macroscopique tel que celui du résultat de la prochaine élection présidentielle des États Unis. Quant à ce que deviendra notre climat dans 20 ans, étant donné que cela dépend des décisions que nous prendrons et de celles que nous ne prendrons pas, il n'est pas possible non plus, et ne le serait même pas non plus avec une machine hyper puissante hyper bien alimentée en informations, de le prévoir de façon fiable, précise et complète.
De toute façon, la quantité maximale d'
information (2) qu'il est possible :
- d’enregistrer irréversiblement dans un système donné,
- c'est à dire sous une forme stable (3)
est très, très, très inférieure à la quantité d'information requise pour caractériser et prédire son évolution (en fait, inférieure par un gros multiple de 10^23, l'ordre de grandeur du nombre d'Avogadro pour en donner une idée chiffrée. L'information est, par nature,
statistique).
(1) Bien que le libre arbitre ne doive rien au déterminisme ni à l'indéterminisme si l'on veut bien adopter une définition du libre arbitre minimale en 3 points comme celle que j'ai proposée ci-dessus.
(2) Une notion d'information capitale quand on s'intéresse aux considérations de déterminisme/indéterminisme et de réversibilité/irréversibilité/écoulement irréversible du temps, des notions identiques, au sens d'écoulement du temps près et directement liées à la difficile question (mais peut-être mal posée, c'est à dire peut-être en fait non scientifique en dépit des apparences) de conservation/non conservation de l'information.
(3) Cette
stabilité de l'information
irréversiblement enregistrée (c'est un pléonasme en fait) est une condition requise à la reproductibilité de la lecture de cette information à différents moments par différents observacteurs. C'est la base de l'intersubjectivité sans laquelle on ne sait pas (pas encore ?) faire de science.