Re:Re:multiple
Re: Re:multiple -- decroix rené
Tu as raison de me reprendre à propos d’Eliade, je me suis mal exprimé. En parlant de sa prétention à l’historicité, je ne voulais pas faire référence à un historicisme qui, étant généralement relativiste, est bien sûr très éloigné du monde éliadien. Je voulais plutôt parler de sa tendance à présenter comme des réalités historiques certaines déductions qu’il tire sur les religions préhistoriques, déductions pourtant d’autant plus douteuses qu’elles se fondent largement sur la méthode comparative, appliquant aux religions de la préhistoire des modèles analogues à ceux des peuples sans écriture. Or appliquer cette méthode en histoire des religions, c’est nier toute l’anthropologie de ces 40 dernières années. Mais nous sommes là face à la plaie ouverte de la controverse qui revient encore souvent entre les historiens et les anthropologues, celle de l’opposition entre les approches diachroniques et synchroniques; c’est un problème complexe sur lequel, par manque de compétence, je préfère ne pas m’étendre.
Dans le même esprit, on retrouve trop facilement des correspondances entre les idées d’Eliade sur la préhistoire et les théories très spéculatives et encore plus douteuses d’une Marija Gimbutas ou d’un George Dumezil, et de tous les milieux indo-européanisans, dont le moins que l’on puisse dire est que dans l’ensemble ils font rarement preuve d’une rigueur à toute épreuve. Dans ces milieux la tendance serait plutôt à profiter de la pauvreté des faits pour multiplier des interprétations fondées sur des modèles très fragiles.Je suis totalement d’accord avec ton dernier paragraphe et ta manière de présenter les esthétiques dont nous parlons comme s’intégrant dans une weltanschauung et un type de présence au monde, et de relier tout ça au Dasein. Sous cet angle je comprends beaucoup mieux ton constat de la génération spontanée d’une éthique à partir de cette problématique, et je le trouve bien moins contestable. A vrai dire j’ai parfois manqué de rigueur dans mes messages, et j’ai souvent parlé d’éthique là où je pensais plutôt morale. Etant donné que pour beaucoup de gens, l’éthique reste forcément liée à une morale, j’ai tendance à les employer comme des quasi-synonymes. Mais si tu veux parler une éthique qui ne se base que sur des valeurs esthétiques, sans lien avec une quelconque morale, nous nous entendrons beaucoup mieux. A ce titre, ton analogie avec la chevalerie et l’aristocratie est éclairante, ainsi que ce que tu dis sur le/la geste. Accepterais-tu de placer des choses comme la galanterie, la cérémonie du thé ou la corrida dans la même catégorie de phénomènes ?
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