Re:multiple
Re: Un vs multiple -- Gaël
J'ai bien pris note des éléments que tu crois devoir intervenir dans un essai d'analyse d'une section des débats du forum.Il ne faut pas hésiter à essayer de m'influencer ( pour reprendre tes termes) , non seulement je trouve cette démarche naturelle, mais elle enrichit forcément la matière à étudier.
Je ne peux pas intervenir longuement aujourd'hui, je vais seulement suggérer quelques pistes , et ce avec l'intention d'attendre de voir si d'autres participants voudraient y faire quelques pas : j'ai pris très au sérieux une remarque de Jean-François à propos de duel et de spectateurs.
La discussion entre l'Un et le multiple est bien un classique remontant très loin, et tu as évidemment tout à fait raison de le rapprocher de ce que je suggérais avec le global et le détail : ce débat classique ne peut pas être négligé si, d'une façon générale, on se place entre mythe et science, entre ésotérisme et positivisme, entre religion et observation expérimentale, entre cosmos organique et cosmos machine, etc etc : le paradigme est vaste. Tu cites Plotin , mais on peut penser à tout un monde de néo-platoniciens, jusqu'à aujourd'hui , et dans l'autre direction on peut penser au divorce entre Platon et Aristote , succédant lui-même à la coupure Présocratiques-Platon ... bref, c'est toute une histoire de la philosophie que nous pourrions convoquer.
Mon propos était plus ponctuel, plus modeste . Ce lien , je l'avais toutefois évoqué , mais seulement pour rappeler une prétention à la synthèse qui a court dans un pan important de l'herméneutique .
Mais on peut aussi se diriger dans une toute autre direction , et rapprocher cette fois ce entre global et détail des rapports entre une théorie scientifique et, d'une part la façon dont elle rend compte d'un phénomène local, d'autre part l'expérimentation . Là s'instaure naturellement me semble-til ce va et vient que j'évoquais, et qui est repoussé par l'herméneute , selon un mécanisme qu'au passage on retrouvera tel quel en idéologie : ici la démarche naturelle est d'enchâsser le détail dans le paysage global, sans dissonance ; on sait que pour régler les cas décidément par trop contrariants, les herméneutes que nous évoquions auront recours soit, en utilisant des productions de l'histoire récente des sciences , à une notion de complémentarité, soit, en utilisant un principe plus traditionnel, à la coïncidence des contraires, parfois en disant que celle-là confirme celle-ci , que la science est donc venu confirmer le savoir de la Tradition...( et je ne parle pas des logiques du contradictionnel ( belle expression n'est-ce pas ? ) insiprées de S. Lupasco) etc etc. Il y a donc un va et vient entre le global qui ne peut être qu'engrangement et confirmation , celui de l'herméneute dont nous parlons ( il n'est pas question ici d'un jugement universel sur l'herméneutique) , et un autre qui est essentiellement épreuve permanente, celui du scientifique . Si on ne trouve pas cette autre formulation faite avec une disctinction par trop tirée par les cheveux, je proposerai que la hantise première de l'un est d'avoir raison , alors que celle de l'autre est de ne pas se tromper : c'est cette seconde hantise qui pourrait définir un sceptique...?. A propos d'Eliade , je te suggère de reprendre ta phrase faisant intervenir l'historicité , et de nous confirmer qu'elle peut être maintenue , car pour ce que je peux en savoir -- je l'ai quand même pas mal étudié, mais cela n'empêche pas les erreurs -- ce qui définit Eliade ce n'est pas une prétention à l'historicité, mais tout le contraire : une prétention à révéler de l'an-historique , du trans-historique . Mircea Eliade a oeuvré dans le plus grand mépris des analyses historiques ( de même que sociologiques, psychologiques (son ami Jung mis à part évidemment) , etc , son " herméneutique créatrice" -- c'est son expression-- conduisant aux synthèses foudroyantes.
De même -- mais les autres diront peut-être: les y revoilà -- , il est très difficile de considérer que Cioran et Heidegger n'avaient aucune prétention à l'éthique . Du reste, tu signales une référence à Nietzsche , et le thème du Par delà le Bien et le Mal ( Eliade voudra nous le faire lire chez des mystiques de l'Inde, en particulier en tantrisme) , c'est bien une intention éthique . Evidemment, je n'ai pas employé le terme de morale , ce qui rendrait les choses moins claires.
C'est avec raison que tu introduis l'esthétique en ces parages, mais ces esthétiques précisément s'incarnent dans, d'une part une représentation du monde ( une << vision du monde>> était l'expression consacrée) , d'autre part mais indissociablement, un type de présence à ce monde : et c'est un "souci" ( pour employer l'une des traductions de Dasein) de concordance de cette présente et de cette représentaion qui constitue, en lui-même, une éthique . Plus simplement encore mais je crois avoir montré par ailleurs que c'était peu discutable , cette présence au monde ( variable évidemment selon les auteurs que nous avons ici rassemblés) se traduit par le geste , et en fait c'est le cas de le dire : une Geste ; et les critères décidant de la beauté du geste constituent, à proprement parler, une éthique, comme en bien d'autres lieux classiques du reste réinvestis souvent dans les lieux dont nous parlons , chevalerie, aristocratie ..que sais-je encore .
Je devais être court, je ne l'ai pas été .
A bientôt.
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