Prefacé par Remy CHAUVIN professeur a la sorbonne PARIS
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Aimé Michel ou la quête du surnaturel
quantique l'assise théorique consistante dont elle avait grand
besoin dans le cadre d'une reconnaissance`scientifique au
moins implicite...
Nous n'en sommes pas tout à fait 1à. Mais foin de
théories puisque 1es faits, eux, sont explicites! Voici, rapportée
par Aimé Michel, une expérience od 1es facultés de Gérard
Croiset pulvérisent nos concepts d'espace-temps, de hasard,
voire de libre arbitre...
Une expérience scientifique sur la voyance
(Planète no 4,1962. Extraits)
De toutes les propriétés du monde matériel, celle qui contredit
le plus violemment notze aspiration naturelle et spontanée est
indiscutablement le temps. Que le passé soit comme s'il n'avait
jamais été, que chaque seconde de notre enfance ait; été vécue
une seule fois, puis effacée à jamais, que nous tombions dans
l'avenir comme dans un trou noir, voilà, si l'on cherche bien, la
source de toutes nos angoisses, et de tous les mythes que nous
avons inventé pour les conjurer.
A cette intuition vieille comme les hommes, la physique
cartésienne est venue ajouter l'idée que le temps est une ligne
droite od le présent est représenté par un point d'une infime
fugacité. Ce qui était il y a un milliardième de seconde n'est
déjà plus, et ce qui sera dans un intervalle de temps
infinitésimal, n'est pas.
Mais ce qui donne à l'énigme du temps sa mystérieuse
épaisseur, c'est que quelque chose en nous refuse d'accepter
l'idée d'un présent sans durée. Nous soupçonnons (mais sans
savoir sur quoi fonder notre soupçon) que le passé n'est pas
véritablement aboli, et que le futur existe déjà. Et parfois, en
effet, par le truchement de ce qu'il est convenu d'appeler
l'esprit, le passé et l'avenir se manifestent dans le présent
exactement comme s'ils existaient dans quelque abîme
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Aimé Michel ou /a quéte du surnaturel
parallèle où seule notre infirmité nous empêche de les
percevoir.
Un savant s'est fait une spécialité de l'étude de ces
exceptionnelles occurrences : c'est le professeur W.H.C.
, g
Tenhaeff, directeur de 1 Institut de Parapsycholo ie de
1 Université d état d Utrecht, dans les Pays-Bas (...)
Le passage non reproduit ici correspond à ce que nous
connaissons déjà de Gérard Croiset depuis 1e chap.2
Springwed, no 5 : dans une petite rue calme de la vieille ville
savante d'Uuecht, l'Institut de Parapsychologie dresse ses murs
de brique aux fenêes blanches, sans volets, à la flamande. Au
premier étage, au sommet d'un de ces périlleux escaliers dont
les architectes hollandais ont le secret, les personnes que je
viens de citer [professeurs. Tenhaeff, Bretschneider et Smit
.
physiciens, Mlle Louwerens, assistante de l'institut] sont
rassemblés le 6 janvier 1957 dans le laboratoire de l'institut. I1
est deux heures de l'après-midi.
On montre à Croiset le plan d'une vaste pièce où sont
disposées trente chaises numérotées de 1 à 30. On l'avertit que
le premier février suivant, à La Haye, dans une maison inconnue
de lui, trente personnes, également inconnues de lui, seront
réunies, chacune assise sur l'une de ces chaises, et on lui
demande s'il peut donner quelques précisions sur l'une de ces
personnes à son choix. Croiset mone aussitôt la chaise no 9 et
déclare ce qui suit (tous ses propos étant enregisés mot pour
mot) :
1- Le premier février, dans la maison en question, sur la
chaise no 9, sera assise une femme entre deux âges, d'un
caractère gai, actif, très sensible aux rapports sociaux, et
monant un vif attachement aux enfants .
2- Cette femme a beaucoup fréquenté vers les années 1928-
1930 les environs du cirque Kurhans et Strassburger, à
Scheveningen.n
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Aimé Michel ou la quëte du surnaturel
3- a Étant petite fille, elle a beaucoup fréquenté une région où
l'on fabrique du fromage. Elle allait souvent dans les fermes, où
elle voyait la fabrication du fromage. Je vois un incident où une
ferme a pris feu, et où des animaux périssent brûlés.
4- a Maintenant, je vois ois jeunes hommes. L'un d'eux me
ressemble; il exerce une fonction quelque part outre-mer, il
semble que ce soit dans un territoire britannique.
5- N'a-t-elle pas regardé le pomait d'un maharadjah? En ce
moment, je vois quelqu'un en Inde. Ou tout au moins qui est
vêtu comme un hindou, avec un turban portant un gros joyau.
6- a Je vois un griffonnage, avec, en haut, le nombre 6. ll y avait
d'abord un 5, puis un peu après elle a raturé et mis un 6. C'est
arrivé récemment, et ce raturage a donné lieu à une vive
discussion. p
7- a A-t-elle récemment sali ses mains après une vieille boîte à
peinture? Je veux dire contenant de petites tablettes de couleur,
ayant un couvercle avec des creux? Par conséquent, ce n est pas
une bofte avec des tubes de couleur. Ne s'est-elle pas blessé
légèrement la main avec cet objet? Le majeur de la main
droite? p
8- u N'a-t-elle pas reçu récemment la visite d'une dame de ses
amies, âgée d'environ 44 ans, pas très grande, bien prise,
vigoureuse, avec des cheveux noirs, et portant une robe ayant
par-devant deux plissés assez larges? La dame ne l'a-t-elle pas
enetenue de problèmes sexuels? N'a-t-elle pas conseillé à cette
dame d'aller voir un psychiae?
9- u N'a-t-elle pas éprouvé une puissante émotion à l'occasion
de l'opéra Falstaff? Lequel opéra pourrait êe le premier qu'elle
ait vu?
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Aimé Michel ou la quête du surnaturel
10- K Son père n'a-t-il pas reçu une médaille d'or pour services
rendus? Ce pourrait êue quelque aue vieux monsieur, pas son
père, mais il me semble bien que c'est son père.
11- N'a-t-elle pas conduit récemment une petite fille chez le
dentiste ? Et cette visite n'a-t-elle pas provoqué une forte
commotion? je dirais presque que cela se produira le vendredi
1 er février prochain.
Tout cela se passait le 6 janvier 1957. Le 7, Tenhaeff avertit le
professeur Tuyter, un physicien d'Utrecht, que la première
partie de l'expérience était achevée, sans lui donner aucune
précision sur les détails dictés par Croiset. Tuyter, à son tour,
avertit Mme C.V.T., de La Haye, d'avoir à lancer trente
invitations chez elle pour le vendredi 1 er février à 18 heures
Notons au passage ce surcroft de précaution : de même que
Tuyter ignorait tout de ce qu'avait dit Croiset, de la même façon
toutes les personnes présentes lors de la première séance
ignoraient jusqu'à l'identité de l'hôtesse, Mme C.V.T., et
naturellement de ses invités, qui n'étaient pas encore choisis.
Les jours suivants, Tenhaeff tira les déclarations de Croiset à
quarante exemplaires, nous verrons tout à l'heure pourquoi.
Le 31 janvier, on prépara à l'Institut deux paquets de trente
cartes numérotées de 1 à 30. Un de ces paquets fut
soigneusement battu, puis les ti-ente cartes furent glissées dans
une enveloppe que l'on scella.
Le lendemain, vendredi 1 er février, Tenhaeff, Tuyter, les
demoiselles J. et N. Louwerens, et le psychologue finlandais
J. Falher, de passage en Hollande, arrivaient à 18 heures chez
Mme C.V.T. qu'ils voyaient pour la première fois.
Au premier étage, dans un vaste salon, six rangées de cinq
chaises étaient disposées. Les demoiselles Louwerens
procédèrent à l'aide du paquet de cartes qui n'avait pas été
scellé au numérotage de ces chaises, conformément au plan
moné à Croiset le 6 janvier.
Pendant ce temps, les invités, qui arrivaient les uns après les
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Aimé Michel ou la quéte du surnaturel "
autres, étaient rassemblés au rez-de-chaussée. Quand ils furent
tous là, Tenhaeff leur expliqua brièvement le but de la réunion
et la technique de l'expérience. Puis on leur distiibua une copie
polycopiée des détails donnés par Croiset, avec prière à chacun
d'eux de les lire soigneusement et de noter à droite, dans
l'espace laissé à cet effet, tous les points ,qui semblaient le
désigner, lui personnellement.
Notons qu'à partir de ce moment, chacun des uente invités
était en mesure de dire : a c'est moi p ou ce n'est pas moi b ; or,
les places n'étaient pas encore distribuées.
Quand le professeur Tenhaeff me relata son expérience,
j'avoue avoir frémi pour lui, pour Croiset, et pour tous les
organisateurs de cette fantastique et téméraire soirée. Car, enfin,
même si Croiset avait deviné quelque chose, même si la dame
ene-deux-âges décrite en onze points se ti'ouvait dans la salle,
il susait encore que le hasard l'aiguillât sur une chaise qui ne
fût pas le no 9 pour que tout s'effondrât!
Et ce hasard, impossible de l'aider, car bien entendu la dame
entre-deux-âges sait que Croiset l'a devinée, mais elle ne sait pas
quelle chaise doit lui être attribuée pour que l'expérience
réussisse !
Voyons la suite, c'est-à-dire le moment décisif de la
disibution des chaises. L'enveloppe srellée contenant la pile de
trente cartes si soigneusement battues est tirée d'une serviette
et montrée aux assistants. Le sceau est rompu, et mademoiselle
N.G. Louwerens, à mesure que les invités se présentent en bas
de l'escalier (à leur gré, c'est-à-dire au hasard), donne à chacun
d'eux la carte du dessus de la pile, de la première à la trentième.
En haut de l'escalier, l'autre demoiselle Louwerens accueille
les assistants et les dirige un à un vers la chaise qué le hasard lui
a attribué. Après quoi, tout le monde étant assis, les
organisateurs de l'expérience entrent eux aussi (à l'exception de
Croiset, introduit plus tard). J'imagine, malgré son flegme, que le
professeur Tenhaeff eut un moment d'émotion en voyant, assise
sur la chaise no 9, une femme : et que cette femme paraissait
âgée d'un peu plus de quarante ans; qu'elle avait un visage vif,
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Aimé Michel ou la quéte du surnaturel
des yeux rieurs, et qu'elle s'agitait comme quelqu'un qui brûle
de dire quelque chose.
Et en effet, Mme D.M., l'invitée de la chaise no 9, s'était sur le
champ reconnue dans la description de Croiset.
Voici, toujours recueillis dans les Proceedings, les
commentaires de la dame de la neuvième chaise sur le pomait
en onze points dessiné par Croiset.
Point 1
Elle est âgée de 42 ans, plutôt petite, gaie, vive, active. Quand
elle était fillette, elle rêvait d'avoir un château plein de
centaines d'enfants et de bêtes. Elle a encore la passion des
enfants.
Point 2
Pendant son enfance, elle habitait La Haye. Ses parents étaient
divorcés. Son père vivait aux Indes néerlandaises et venait de
temps à aue en congé en Hollande. Pour elle, c'était plutôt un
éanger, et sa femme refusait de le rencontrer. Quand il venait
la voir, il l'amenait souvent au cirque Strassburger à
Scheveningen. Le père et la mère de Mme D.M., chacun de leur
côté, vivaient maritalement avec un autre. Son père était un
homme d'une vive sensibilité.
Point 3
Étant enfant, Mme D.M. visita souvent des fermes où l'on
produisait non du fromage mais du beurre. Elle n'y eût jamais
d émotion particulière. Son fils aîné vécut longtemps chez un
fermier. un jour, la ferme voisine fut frappée par la foudre, et le
cheval tué, L'enfant en éprouva une profonde impression, qu'il
garda longtemps.
Point 4
Mme D.M. ne put d'abord trouver aucun rapport entre les
trois jeunes hommes et elle. C'est son mari qui lui fit remarquer
qu'il avait deux frères, que l'un s'était engagé pour l'Indonésie,
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en 1945, qu'il avait suivi son entraînement en Angleterre, qu'il
était actuellement à Singapour; et que l'autre frère avait péri
pendant la guerre dans un camp de concenttation. Ce dernier
ressemblait en effet à Croiset.
Point 5
Quelques jours avant la séance du premier février, Mme D.M.
avait lu un livre de Paul Brunton dont une illustration
représentait un yogi. Elle avait eu avec son fils une discussion
sur le yoga et la magie indienne.
Ici, rapporte Tenhaeff, se situe un très curieux incident :
Croiset interrompt Mme D.M.
Croiset : a Je crois que cette illustration vue dans,un livre n'est
qu'un aspect mineur de ce qui m'est apparu n.
Mme D.M. : a Comment? Je ne comprends pas u.
Le mari de Mme D.M. : a Ma femme m'a fréquemment
rapporté, ces derniers temps, avoir rêvé la nuit d'un protecteur
mystérieux, d'une sorte d'esprit bienveillant...
Mme D.M. : a Mon Dieu, c'est vrai! C'esf stupéfiant! Car cet
êe bienveillant m'apparaissait vêtu en hindou!
Point 6
Du 26 janvier au 1 er février (c'est-à-dire après la séance du
6 janvier), Mme D.M. a fait ses comptes mensuels. Ils étaient
d'abord en équilibre, mais, en refaisant ses additions, elle a
trouvé une erreur très grosse : un 5 qui aurait du être un 6. d'où
d'abord un gribouillage, et ensuite un gros ennui d'argent, et des
discussions avec M. D.M.
Point 7
Un jour, au début de janvier, les enfants s'amusaient à gâcher
de la peinture avec une petite bofte contenant des tablettes de
couleurs. Le couvercle comportait des creux pour mettre de
l'eau. Mme D.M. voulut le nettoyer, se salit les mains et gâcha
une serviette. peu après, elle se blessa le majeur de la main
droite avec une boîte de conserve.
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Point 8
Mme D.M. déclare qu'elle a eu une discussion sur des
problèmes sexuels avec deux dames de ses amies. L'une d'elles
est en effet bien faite, pas très grande, vigoureuse, avec des
cheveux noirs, et porte &équemment une robe ayant par-devant
deux plissés assez larges. Mme D.M. conseilla à cette dame
d'aller voir un guérisseur.
Point 9
Mme D.M. déclara que l'opéra Falstaff est le premier où elle
ait tenu un rôle, et que, de plus, elle était à cette occasion
tombée amoureuse du ténor.
Point 10
A sa retraite, son père avait été fait chevalier d'un ordre, et
avait reçu un étui à cigarettes en or.
Point 11
Le matin même, ce premier février, Mme et M. D.M. avaient
conduit chez le dentiste leur petite fille, qui avait été très
ef&ayée. Mme D.M. était encore tout émue de cette visite.
L'expérience des chaises a été inventée et réalisée pour la
première fois vers l'année 1925 par le Dr Osty, opérant avec le
u voyant François-Pascal Forthuny. Mais on ne retranche rien
au mérite du Dr Osty, dont les études de matérialisations sont
admirables, en disant que Tenhaeff et Croiset ont poussé cette
expérience à son plus haut degré de signification. Il suffit de lire
attentivement le compte rendu que nous venons de faire pour y
découvrir (mais cette fois réalisés dans les faits, et non plus
fictivement, comme dans l'oeuvre poétique de Borgès, par
exemple) tous les paradoxes du temps.
Sans doute est-il inutile d'insister sur l'évidence de la vision
prophétique de Croiset. On peut certes traiter Tenhaeff, Tuyter,
Breitschneider, Smit et tous les organisateurs de l'expérience de
menteurs. Et, dans ce cas, nous aurons à choisir entre
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l'honnêteté de ces savants, tous professeurs d'Université, et celle
de leurs accusateurs. Bien entendu, il est toujours plus facile de
suspecter quelqu'un que de reconnaître l'existence d'un
problème : cela épargne de réfléchir [c'est moi qui souligne].
Pour nous qui connaissons l'Institut de Parapsychologie
d'Utrecht, son directeur et ses travaux, le doute est hors de
question.
Sur ces divers points, Croiset a donné le 6 janvier des
précisions concernant des événements qui n'étaient pas encore
survenus. A cette date, Mme D.M. n'avait pas encore rêvé de son
protecteur vêtu à l'indienne, ni feuilleté le livre de Paul
Brunton; elle n'avait pas encore reçu la visite de la dame aux
problèmes sentimentaux; elle n'avait pas encore conduit sa
petite fille chez le dentiste.
Mais c'est dans le déroulement de la seconde séance, celle du
ler février, que nous touchons vraiment du doigt le mystère du
temps. Car, enfin, supposons qu'au moment de distribuer les
places, Tenhaeff ait demandé à l'invité qui s'était reconnu de le
faire savoir, et qu'il ait délibérément conduit celui-ci vers la
chaise no 3...
Que se serait-il passé lors de la séance du 6 janvier, au
moment ol Croiset, regardant le plan de la salle, dit : Sur la
chaise no 9, je vois etc. p?
Dira-t-on que Croiset savait aussi que Tenhaeff ne ferait rien
de tel? Mais cela ne revient-il pas à affirmer qu'après les
premières déclarations de Croiset, Tenhaeff perdait la liberté de
changer son comportement? Voilà qui semble inconcevable. On
reconnaft au passage le célèbre argument théologique sur la
prédestination.
Seulement, il est loisible au croyant de s'en remettre à Dieu
pour la solution d'une difficulté théologique : il ne sait rien de
Dieu, Dieu est tout puissant, etc.
Au lieu que, dans l'expérience des chaises, le problème se
noue dans notre esprit, au coeur de notre conscience
psychologique, dans ce que nous croyons avoir en nous de plus
limpide, de plus lumineux, et d'où procède même toute espèce
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