1- Je ne peux accepter ton argument, me demandant si je connais un meilleur moyen de déterminer l’intelligence que le test de QI, puisqu’il n’existe actuellement aucune manière de déterminer l’intelligence. Je suis donc opposé à toute tentative de le faire. Le test de QI aurait dû rester ce pour quoi Binet l’avait créé : un moyen d’évaluer le retard ou l’avance des enfants dans l’apprentissage, et de prédire leur performances scolaires. Prédictions de plus très médiocres, puisque actuellement les résultats des tests de QI ne permettent d’expliquer qu’environ 25 % des performances (la corrélation est entre 0,4 et 0,6).
Au delà de la scolarité, les tests de QI sont inutiles, il ne mesurent plus rien - si ce n’est la capacité à passer le test, ce qui est une savoureuse tautologie. A l’âge adulte la corrélation entre les résultats aux tests de QI et les performances professionnelles sont de 0,3 - ce qui explique 9 % des performances, c’est à dire presque rien. Si le test de QI mesure l’intelligence, alors il faut en conclure que l’intelligence ne sert à rien sur le plan professionnel. On peut légitimement douter de cette conclusion, donc la prémisse est certainement fausse : le test de QI ne mesure pas l’intelligence.
De toute façon avant de prétendre que le test mesure l’intelligence, il aurait fallut commencer par prouver qu’il existe une capacité nommée “intelligence”, dotée d’une certaine intégrité et mesurable, ce qui est très contestable. Ces dernières décennies, les psychologues ont été de plus en plus nombreux à pencher plutôt en faveur de l’hypothèse opposée, celle d’un ensemble d’aptitudes cognitives très différentes, qui ne peuvent absolument pas être réduites à une évaluation globale quantifiée.
2- Les biais culturels sont bien loin d’avoir été éradiqués des tests actuels. D’ailleurs ils ne peuvent pas l’être, puisque ce que nous nommons conventionnellement “intelligence” n’a rien d’une réalité objective mais est un jugement que nous portons sur les aptitudes d’une personne à s’intégrer et à être efficace dans notre environnement social, professionnel, etc. Les aptitudes cognitives nécessaires à cette efficacité sont très différentes d’une culture à l’autre. Par exemple des recherches (de Michael Cole à l’université de San Diego en 71) ont montré que sous certains aspects les tests sont totalement inadaptés aux cultures primitives : notamment on trouve dans les tests certains exercices en rapport avec la classification d’éléments du vocabulaire, mais on sait bien que certaines culture utilisent des classifications très différentes des nôtres, qui nous paraissent certes absurdes mais qui sont mieux adaptées à leur environnement. Les individus de ces cultures obtiendront des résultats catastrophiques aux tests, alors que leurs aptitudes correspondent parfaitement à ce qui est considéré comme l’intelligence dans leur culture.
3- Dernièrement, ce que je trouvais “idéologiquement douteux” (et je le maintiens) dans ta démarche, c’est le fait de vouloir démontrer que la croyance est le fait de la paresse intellectuelle. C’est une manière polie de dire que les croyants sont des abrutis et que c’est pour cela qu’ils sont croyants.
C’est de l’intolérance. Une forme de rejet de l’autre très basique, qui consiste à lui refuser le statut d’être intelligent qui pense différemment, pour préférer expliquer la différence en terme d’attardement mental par rapport à notre propre manière de penser, qui elle est forcément meilleure et plus “normale”... Tu veux prouver que l’autre n’est pas différent mais inférieur. Et je crois qu’on peut dire que cette approche est plus que douteuse.
Wittgenstein disait à ce propos dans “De la certitude” (excellent petit livre réunissant ses dernières réflexions, que tout sceptique devrait lire) :
“Des gens très intelligents et cultivés croient à l’histoire de la création que donne la Bible, d’autres la tienne pour fausse de façon avérée et les raisons de ceux-ci sont connues de ceux-là”
J’ai trop souvent l’impression que cette intelligence et cette culture, beaucoup de sceptiques ici sont incapables de l’attribuer au croyant, et partent du principe que la foi est forcément le fait de la stupidité ou de l’ignorance. Cela me semble être une immense erreur.
Comme le disait Ch. Bertrand dans sa réponse d’hier, il vaut sans doute mieux interpréter les croyances en terme sociologiques et culturels.
|