Moi, je pense que tu as une vision des qualia un peu trop formelle. Tu en fait quelque chose de "concret" alors qu'ils ne le sont pas du tout. Ce n'est pas parce que tu ressens quelque chose que ce quelque chose est concret, à moins que tu ne considères une hallucination (qui est un quale, dans ton acception) comme quelque chose de concret?
Ton exemple des lunettes montrent, à mon avis, que les qualia visuels sont le produit de l'analyse visuelle. Il atteignent ta conscience parce que ton cerveau analyse la perception visuelle et est capable de la mettre en relation avec un "sentiment de toi" basé sur ton histoire sensorielle et mnémonique. Si tu changes la perception visuelle en quelques ms tu changes le quale, comment expliques-tu ça si tes qualia sont des choses?
Puisque tu es d'accord que le système nerveux est essentiel à l'émergence des qualia, que sont les qualia sans le système nerveux? Je pense que Stéphane a vu juste quand il dit que tu veux absolument qu'il y ait sépration entre l'explication d'un phénomène et le phénomène. Oui, d'accord, mais dans ce cas l'explication ne sert à rien. Tes qualia, si tu les détaches totalement du substrat neural, ils deviennent parfaitement inutiles.
Mais, personnellement, je trouve ton discours inutilement tiré par les cheveux et grandement théorique. Probablement parce que je suis neurobiologiste et plus axé sur la matière avant tout. Je ne vois toujours pas comment tu fais la démonstration que les qualia existent par eux-mêmes. D'ailleurs, tu ne réponds jamais à mes remarques selon lesquelles ils sont plus un éléments de réflexion qu'une réalité observable. Rien que le fait qu'un quale particulier soit constamment changeant (une impression de rouge varie constamment quand tu regardes quelques chose de rouge), montre bien que cette notion ne correspond à rien de fixe, de tangible. De plus, les cas de dérèglements cérébraux montrent bien que les qualia ne peuvent absolument pas être séparés de la physiologie neuronale. (C'est pour cela que je dis qu'ils résultent de l'activité cérébrale: sans elle, il n'y a pas de qualia. Appelle ça "épiphénomalisme des qualia" si ça t'amuse - je ne connais pas cette terminologie.)
Mikaël: "Mais qu'entends-tu donc par "impression purement théorique", tu me laisses perplexe..."
Oui, je n'ai pas été clair. Ce que je voulais dire c'est qu'elle se sera créé une "impression de rouge" à partir d'autre éléments sensoriels (que la vision en couleur). Un peu comme Helen Keller a "appris" les couleurs par le toucher. Le "quale rouge" de Mary est une aberration si on le compare à celui d'une personne "normale", n'empêche qu'elle à forcément développer une "impression de rouge" pour devenir la "spécialiste mondiale de la vision en couleur".
Mikaël: "Or ces perceptions et cette conscience que l'on a des choses est qqch de concret, tu es d'accord ?"
Si tu entends "concret" dans le sens de "qui a une réalité propre", "qui est réel/tangible/etc.", je ne suis absolument pas d'accord! Les hallucinations, les problèmes de perception, les dérèglements du comportement, etc. etc. etc. sont là pour nous rappeler que les phénomènes de "dans notre tête" ne sont absolument pas concrets. Prend les gens qui pensent dire un mot (par exemple "rouge") mais qui en disent un autre ("jaune") alors qu'ils sont parfaitement capables d'écrire "rouge". Ils sont parfaitement convaincus d'avoir dit "rouge". Où se niche le concret là-dedans? Il y a quelque chose, mais de trop flou et d'équivoque pour être qualifier de concret.
Contrairement à toi, dans le cas du problème posé par Stéphane (le neurologue qui cause le quale "rouge"), ma conclusion serait que la perception de rouge ne peut absolument pas être détachée d'"un certain processus/état physique du cerveau". Et que de voir une absolue l'hétérogénéité entre "perception de rouge" et "activité cérébrale" ne débouche sur rien d'intéressant.
Jean-François
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