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Continu vs discontinu. Pas naturel vs autre chose.


Re: dérapage irrationnel -- Stéphane
Posté par Denis , Dec 22,2002,20:30 Index  Forum

Salut Stéphane,

Tu dis : "C'est faux, et un peu facile de dire que son opposant n'est pas rationnel parce qu'il refuse d'adopter une éthique naturaliste ou déterministe. " (le gras est de moi)

D'abord, je n'ai jamais parlé de déterminisme. Je pense que tu confonds peut-être cette enfilade avec une autre.

Ensuite, as-tu un mot de remplacement pour le "rationnel" qu'il faudrait biffer? Une sorte de synonyme moins loadé. Je précise aussi que ce n'est pas "parce qu'il refuse d'adopter une éthique naturaliste" que je questionne la rationalité de Kraepelin. Il n'est question que de l'opposition continu~discontinu. Je n'ai rien à objecter à ceux qui ont une vision surnaturaliste de l'animalité. Ce que je n'aime pas, c'est d'introduire une discontinuité entre une animalité (naturelle) et une humanité (± surnaturelle). Ce que je n'aime pas, c'est qu'on nie la continuité psychologique tout en admettant la continuité physiologique. Grosso modo.

Bref, ce n'est pas un débat "naturel vs autre chose", c'est un débat "continu vs discontinu". Que le tout soit naturel ou pas est un autre débat. Ce qui me paraît irrationnel est de supposer que, disons du poisson à l'homme, un bout est naturel et l'autre bout ne l'est pas alors que, d'un bout à l'autre de la chaîne, chaque maillon est pratiquement équivalent à tout point de vue à ses deux maillons voisins. C'est là que je trouve que le modèle discontinu coince d'aplomb.

Stéphane : "Il est parfaitement rationnel de dire que puisque l'adoption d'une évaluation quantitative des êtres humains a mené, mène et mènera sans doute à des débordements, nous décidons d'élever au niveau d'axiome l'idée que l'être humain a une valeur qu'un mathématicien dirait «infinie» mais que nous dirons «absolue»." (le gras est de moi)

Je suis tout à fait d'accord avec toi là-dessus. Moi aussi j'y tiens beaucoup à cet axiome socio-éthico-politique. Sans lui, gare aux débordements. C'est une convention civilisatrice nécessaire. Et tant pis si les gorilles, les éléphants, les dauphins, les chiens, les chats, les cochons et les poulets n'ont pas eu la chance de naître du bon côté. Ils n'avaient qu'à se forcer.

Je suis pour ton axiome espèciste. Comme toi, je tiens à pouvoir manger des côtelettes et des gigots. Et je tiens à ce qu'il soit interdit de me tuer. L'axiome me convient tout à fait. Mais je ne peux pas ne pas estimer que, côté "richesse mentale", le gorille Koko est à peu près équivalent à un enfant de 3 ans. Je ne peux pas, non plus, ignorer que ma chatte a des émotions, des souvenirs, des habitudes, des sensations, des désirs, des projets, etc., qui, en plus petit, sont de même farine que les miens.

Tous les matins je bénis la disparition des espèces intermédiaires entre les australopithèques et nous. S'ils étaient encore dans le décor (ayant survécu sur un continent isolé, par exemple), notre axiome chéri serait beaucoup moins discriminant. Es-tu d'accord avec moi là-dessus?

À ma courte honte, je n'ai strictement rien compris à ton dernier paragraphe. Pourrais-tu le reformuler autrement? Merci. ;-)

Denis


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