Ben voyons. Hélas, cette affirmation est contredite par l'histoire : l'observation objective des fossiles a mené à la découverte du fait de l'évolution. Ah oui, pardon, j'oubliais que cette découverte n'a été le fait que de quelques paléontologues fanatiques qui cherchaient à confirmer leurs présupposés philosophiques, n'est-ce pas ? Le fait que la majorité d'entre eux aient été chrétiens ne vous dérange pas ? (le nombre de noms qu'on pourrait citer est impressionnant : Dozbhansky, Haldane, Owen - qui était antidarwinien mais évolutionniste, Piveteau...)
> Objectivement, on y voit deux espèces complètement différentes : une créature plate et ovale dont certaines atteignent ½ mètre de longueur VS un poisson authentique de 2-3 cm avec nageoires doubles, fentes brachiales, queue, crâne cartilagineux
"Un poisson authentique" ? Les spécialistes de la question sont unanimes pour dire qu'Haikouella est le fossile transitoire que nous cherchons depuis si longtemps entre Céphalocordés et poissons. La définition stricte d'une forme transitoire entre deux groupes est "être vivant possédant certains caractères spécifiques à un groupe et certains caractères spécifiques à un autre groupe" : Haikouella la vérifie parfaitement. Il a des caractères propres aux céphalocordés (notochorde sans squelette interne...) et d'autres propres aux poissons (tête bien définie, nageoires, branchies...)
Quant à Dickinsonia, vous nous répétez depuis des mois que cette créature vous paraît "bizarre" (effectivement, elle l'est) à cause de sa forme ovale et de son épaisseur faible. Ce sont des caractères intéressants, mais je ne vois pas en quoi ils l'empêchent d'être considéré comme un fossile transitoire. Avez-vous besoin que je répète la définition ? Avez-vous besoin que je répète en quoi Dickinsonia la vérifie ? Alors oui, effectivement, on ne peut pas prouver que c'est l'ancêtre direct des Chordés plus récents. Simplement, on constate que son étude a vérifié une des prédictions de la théorie de l'évolution : on devait trouver des êtres vivants ayant quelques caractères de chordés, mais pas tous. Par ailleurs, on devait les découvrir :
- à l'état fossile
- dans des gisements ayant été datés préalablement comme ultérieurs aux premiers animaux et antérieurs à tous les chordés découverts
- dans des gisements où ne vivaient que quelques embranchements, très peu différenciés les uns des autres, et où seuls quelques éléments du plan d'organisation permettraient de distinguer un Arthropode d'un Chordé ou d'un Mollusque. Les prédictions évolutionnistes ne concernent pas seulement les organismes eux-mêmes, mais aussi l'environnement dans lesquels on les trouvera. Non seulement on avait déduit l'existence passée d'un animal ressemblant à Dickinsonia (c'était une conséquence logique de la théorie de l'évolution), mais on avait prévu que ses contemporains seraient eux aussi des formes intermédiaires du même type.
Cette particularité n'existe que dans la faune où on a trouvé Dickinsonia : les représentants de tous les embranchements y sont très semblables, tant par l'aspect général (qui est un caractère plutôt superficiel) que par leurs différentes particularités morphologiques. N'importe qui serait capable de différencier, aujourd'hui, un ver de terre d'un insecte ou d'un vertébré : le fait qu'il ait existé une faune où les représentants des embranchements actuellement différenciés n'aient acquis que quelques-unes des caractéristiques de leur groupe et soient assez semblables les uns aux autres est une évidente prédiction de la théorie de l'évolution. On trouve même de plus en plus de formes intermédiaires entre les embranchements. C'est un autre fait, que personne ne peut nier. En revanche, on peut en contester l'interprétation : il n'est pas interdit de débattre sur la manière dont ces formes sont apparues, et sur celle dont elles ont donné naissance aux formes ultérieures. Vous pouvez choisir de plaider pour la sélection naturelle, pour telle ou telle modification du développement, pour un rythme lent et continu, pour un rythme plus rapide et discontinu - voire pour l'évolution théiste (comme le font les partisans de l'Intelligent Design), ou pour une combinaison quelconque de ces propositions. Une telle attitude participe du fonctionnement normal du débat scientifique ; par contre, vous ne pouvez pas débattre les faits. Vous pouvez toujours affirmer que la théorie de Newton est erronée (en fait, elle l'est), mais vous ne pouvez pas nier que la Terre tourne autour du Soleil. Vous pouvez penser ce que vous voulez de l'évolution (qu'elle a été dirigée par Dieu, qu'elle s'est faite principalement grâce à un mécanisme prévisible de sélection naturelle ou grâce à des forces plus imprévisibles comme la dérive génétique et la contingence historique), mais vous ne pouvez pas la refuser.
Les premiers évolutionnistes du XIXe siècle (il y en avait quelques-uns avant, mais très peu) ont pris des risques énormes en faisant des prédictions aussi précises. En particulier au niveau des formes intermédiaires : à l'époque de Darwin, on n'en avait aucune. Aujourd'hui, nous en avons des centaines - tous les paléontologues l'admettent - et nous continuons à en trouver à un rythme soutenu. Il n'est pas difficile de comprendre avec quelle facilité l'évolution aurait été falsifiée si elle avait été fausse.
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