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Re:Re:Sélection naturelle, partie I


R: Re:Sélection naturelle : que disent les faits ? -- Julien
Posté par Platecarpus , Jan 15,2003,16:04 Index  Forum

C’est ça, essayé de recycler votre erreur comme une « intention » aux fins du calcul.

Vous n'allez quand même pas me dire que je croyais mon calcul valable ? Vous pensiez sans doute que je refusais d'admettre l'existence du système immunitaire ?

Or, c’est COMPLÈTEMENT faux. Le « genre » de protéines est celui de la famille des immunoglobulines et elles ont à priori la faculté de se lier à une variété d’antigènes. Cette « information » est présente AVANT toute mutation.

Le mot important ici est « variété ». La séquence préexistante ne contient absolument pas l'information lui "dictant" à quel antigène elle devra se fixer - et c'est là le point important de ma démonstration. La lutte contre l'agent pathogène fait intervenir des anticorps très spécifiques, qui semblent à priori "conçus" intelligemment pour se fixer aux antigènes de celui-ci et pas d'un autre (ils sont en effet d'une efficacité déconcertante dans ce rôle) : or, c'est une illusion. Les anticorps sont fabriqués par mutations aléatoires à partir d'une séquence préexistante : le point important est là. Or, le fait qu'il existe déjà une séquence au préalable et que les variations soient canalisées par la sélection naturelle garantit que les calculs de probabilité ne s'appliqueront pas. La même chose est vraie de l'évolution.

Deuxièmement point qui fait que votre exemple est non-valide : le processus de mutations qui permet de faire varier une partie de l’anticorps est PRÉVUE. C’est-à-dire qu’il se déclanche au bon moment et n’atteint qu’une partie PRÉDÉTERMINÉE (optimale pour la fonction que l’antigène DEVRA accomplir) de la protéine.

Une partie de votre affirmation est erronée : ce processus ne se déclenche pas "au bon moment". Il fonctionne en permanence - et pas seulement quand il pourrait se révéler utile.

Quant au fait que certaines parties de la protéine soient nettement plus sujettes aux mutations que les autres (c'est la "partie variable"), j'ai déjà expliqué qu'il avait un analogue dans le cas des mutations. Certains "points chauds" du génome mutent extrêmement souvent, alors que les autres le font beaucoup plus rarement. Il n'y a donc pas de différence fondamentale à ce niveau entre évolution et système immunitaire ; ceci dit, même si cette différence était réelle (ce qui n'est pas le cas), cela ne changerait rien au fond de mon argumentation. Le point capital est que les mutations sont aléatoires : les séquences variables varient au hasard. Elles ne possèdent aucune information sur l'antigène qu'elles devront rencontrer - mais cette information émerge grâce aux jeux des variations aléatoires et de la sélection déterministe. C'est un concept qui n'est pas des plus faciles à appréhender (nous sommes suffisamment biaisés pour avoir tendance à voir un "programmeur" derrière chaque "programme"), mais qui est d'une importance capitale dans toute la biologie.

Vous me donnez ensuite une série de caractéristiques qui devraient réfuter définitivement la pertinence de l'analogie entre le système immunitaire et l'évolution. La plupart d'entre elles relèvent d'une simple méconnaissance tandis que les autres résultent d'un problème de compréhension de certains points de la théorie de l'évolution.

Ces caractéristiques font que votre exemple ne s’apparente pas à l’apparition de nouvelles séquences (nouveau gène) où la « futur » fonction est inconnue

Or, ce n'est vrai que partiellement : je l'ai déjà expliqué, la fonction finale de tout gène est de se répliquer. Ce que nous appelons "fonction" au niveau de l'organisme ne sont que les "moyens" utilisés par le gène pour parvenir à cette "fin" (je n'ai jamais été un fan de la métaphore du gène égoïste, mais je dois reconnaître qu'elle présente un certain intérêt dans ce type de cas).

La même chose est vraie des anticorps : leur fonction finale (se fixer à un antigène) est prédéterminée, mais pas les moyens par lesquels ils y parviendront (la séquence d'acides aminés qu'ils adopteront, et la manière dont elle agira sur l'agent pathogène). Dire que la fonction est "inconnue" est donc un raccourci facile, mais finalement erroné.

et où les mutations touchent n’importe qu’elle base ou séquence de bases sur le gène

Comme je l'ai précisé plus haut, ce point est lui aussi erroné : des recherches biologiques ont montré depuis quelques années que certains gènes mutaient beaucoup plus fréquemment que d'autres, au même titre que les parties variables des anticorps. On ne peut donc pas dire que les mutations touchent "n'importe quelle base" du génome.

et où le moment des mutations N’EST PAS RELIÉ à un événement de sélection naturelle simultané.

Ce point est en théorie exact pour l'évolution, mais il l'est tout autant pour le système immunitaire. Les séquences variables des anticorps produits par les lymphocytes T varient en permanence, et pas seulement quand il y a un agent pathogène (la présence de l'agent en question provoque bien entendu une augmentation du nombre de ces lymphocytes, mais le taux de mutation chez eux reste le même).

Donc, tout est du pur hasard contrairement à la réaction immunitaire.

Malgré les réserves que l'on peut émettre (sur le fait que certaines portions du génome mutent à un taux plus élevé, par exemple) on peut affirmer raisonnablement que les mutations se font "au pur hasard". Mais cela ne suffit évidemment pas à évacuer le fait que cette variation aléatoire (bien qu'elle ne le soit pas totalement) est canalisée par la sélection naturelle, qui elle n'a rien d'aléatoire : elle évalue la capacité des gènes à accomplir une seule et même "fonction", celle de se répliquer (au risque de me répéter, je rappelle que les moyens utilisés ne comptent pas). Cette évaluation ne nécessite aucune information préalable, aucune connaissance, aucun programme : la sélection naturelle n'est même pas un objet concret, tangible. C'est un processus mécanique de survie et de reproduction différentielles, qui se trouve être d'une efficacité déconcertante pour sculpter des structures semblant avoir été conçues intelligemment.

En grande partie oui puisque les anticorps sont des séquences pré-sélectionnées (ou pré-programmées). La partie qui varie est elle aussi pré-déterminée. Toute cette « programmation » ne peut s’expliqué que par une source d’intelligence. Je ne connais pas d’autres processus OBSERVÉ qui peuvent engendré une programmation aussi complexe qui réglemente précisément le rôle de chaque intervenants et « construit » un langage chimique aussi complexe.

Encore une fois, la clé est la sélection naturelle : à partir de petites variations aléatoires, elle construit petit à petit des mécanismes plus efficaces, plus fonctionnels - permettant ainsi la construction d'adaptations optimales. Souvent, il suffit de changer légèrement une séquence d'ADN pour que les molécules produites (à court ou à long terme) acquièrent la capacité d'accomplir de nouveaux mécanismes utiles à la survie - pour provoquer un "glissement de fonction", en quelque sorte (ce qui engagera la séquence en question dans un engrenage sélectif jusqu'à ce qu'elle produise une adaptation optimale).

C'est très théorique, je ne le nie pas. Mais la sélection naturelle a déjà été observée, c'est incontestable. Sa capacité à produire des adaptations optimales est une conséquence logique des mécanismes mêmes que l'on voit à l'oeuvre en permanence sur le terrain - elle ne peut pas être niée. L'intelligence n'est pas plus nécessaire pour construire un éléphant, une bactérie ou un séquoia qu'elle ne l'est pour provoquer la chute d'une pomme ou la formation d'un flocon de neige - malgré les conclusions trompeuses auxquelles pourraient nous mener une intuition mal maîtrisée (le fameux "argument du dessein", selon lequel il n'y a pas de conception apparemment intelligente sans concepteur - qu'on formule souvent, depuis Paley, sous la forme "si vous trouvez une montre, il y a un horloger").

Nous passons maintenant au mécanisme d'acquisition de fonctions par duplication de gènes dont les deux copies divergent ensuite par mutations et sélection naturelle. C'est un processus qui a déjà été observé (l'exemple des moustiques que j'ai déjà cité est opérant, mais le plus impressionnant est sans doute celui de ces bactéries ayant acquis de nouveaux équipements enzymatiques complets pour métaboliser des substances chimiques introduites accidentellement dans leur environnement) ; donc, toutes les critiques théoriques que l'on pourrait formuler à son encontre sont difficiles à accepter. Ceci dit, il est plus intéressant de faire abstraction de toutes les exemples pour se placer sur le terrain de la pure logique : la sélection naturelle est un mécanisme qui a longtemps été uniquement théorique et dont l'efficacité est facilement démontrable par les seuls raisonnements. Autrement dit, même sans avoir besoin de recourir à la pratique pour les réfuter (et les exemples abondent), les objections contre l'évolution ne sont déjà pas valables en théorie.

(la seconde partie du message suit)


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