Postée par Yves Lever , Mar 11,1999,12:54 | Index | Forum |
«Quoi qu'en science génétique, je dois douter qu'il y à beaucoup de matérialiste. En physique, 50% des chercheurs sont croyants... En génétiques soit doit rapprocher les 10% si c'est pas moin!»
Je lui demande des preuves de ce qu'il avance. Personnellement, je connais plusieurs professeurs ou chercheurs de ces matières, j'ai aussi lu pas mal sur ces sujets, et aucune connaissance ou auteur n'est croyant. Ou s'il l'est, c'est en acceptant de vivre dans deux mondes à part, celui de la croyance et celui de la raison. Je sais que c'est possible, et même facile, puisque j'ai vécu cela durant quelques années.
Je constate souvent que ceux qui tiennent les opinions de Doucet n'ont presque jamais lu d'ouvrages scientifiques sérieux, ou même d'ouvrages de bons vulgarisateurs. C'est une grande ignorance des sciences qui les pousse à affirmer une synthèse ou une complémentarité possible. Ils évoquent souvent des événements comme l'acceptation par Stephen Hawkings d'un prix des mains du pape Jean-Paul II, sans savoir que le soir même, Hawkins s'en est moqué en disant quelque chose comme: «Le pauvre lui, personne au vatican n'est foutu de comprendre que tous ce que j'ai écrit est absolument contradictoire avec leurs croyances...».
Pour ma part, c'est après toute la formation de jésuite, après des études supérieures en théologie et en spiritualité, que je me suis réellement intéressé à l'univers scientifique. J'ai rapidement constaté qu'il n'y a pas de complémentarité intellectuelle possible, seulement un possible partage de valeurs, dont finalement on n'a pas besoin de la religion pour les pratiquer (la plus grande partie ont d'ailleurs été créées en dehors du cadre religieux ou même parfois ont dû lutter contre les religions pour s'affirmer). C'est pourquoi j'affirme que la meilleure façon de devenir athée et de se libérer des religions est de les étudiers avec une rigueur universitaire... comme on le fait quand on aborde l'univers scientifique. Ca fait qu'on reste tout à fait libre devant les unes et les autres. Je parle de rigueur universitaire parce que je ne connais encore aucun substitut pour développer une pensée articulée qui fouille ne profondeur et qui se méfie des supposées évidences.
Pour des lectures relativement faciles, la «Brève histoire du temps» de Hawkins, bien sûr, «Patience dans l'azur» de Reeves, «Le hasard et la nécessité» de Jacques Monod, qui date de presque trente ans, mais qui se voit confirmé d'une façon remarquable par tout ce qu'a écrit Stephen Jay Gould, le paléonthologue de Harvard, dont je recommande particulièrement «L'éventail du vivant» et «La vie est belle». Ce qui est encore plus facile à lire, c'est «Les vrais penseurs de notre temps», de Guy Sorman, qui présente un panoramique assez intéressant sur l'univers des sciences physiques et humaines et qui met sur la piste de multiples lectures importantes.
Évidemment, quand je dis que c'est relativement facile, j'ajoute que ca ne se lit pas avec la facilité du livre si pute de Jean Guiton, «Dieu et la science», si populaire chez les croyants, ni avec la facilité d'un roman Harlequin...
Il y a quelques mois, j'ai commis un petit livre de caractère un peu anthropologique parsemé d'expériences personnelles, qui montre comment les religions sont nées, à quels besoins psychosociaux elles ont apporté des éléments de réponse divers selon les lieux et le temps. C'est pas dur à lire, mais c'est pas du roman policier. Ca s'appelle «Petite critique de la déraison religieuse», publié chez Liber. Je le mentionne, car je vois souvent des sujets dans ce forum sceptique qui touchent de près ce que j'ai écrit.
Ceci dit, je n'ai rien contre la vie intellectuelle dans toutes les voies qu'elle peut prendre. Y compris celle de la «méditation». Je répugne à utiliser le mot «spiritualité», qui devrait convenir dans ce contexte, parce qu'il est piégé par celui de religion, ou bien par l'animisme, ou par la pensée magique (comme celle des sacrements chez les catholiques), ou encore par les attitudes devant les gourous de toutes espèces comme ce qu'on appelle les «spiritualités orientales» en offrent de désolants exemples, ou par les imbécilités du Nouvel-âge... (Je suis méchant et radical, je le sais, mais toute bêtise m'horripile, et puis je suis rendu à un âge où je n'ai plus de raisons de dissimuler ce que je pense).
Yves Lever
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