Ensuite, j'ajoute que d'affirmer que «le meurtre est toujours un crime» est tautologique, parce qu'à chaque fois qu'on veut définir un acte consistant à tuer un autre être vivant (eh oui, on l'emploie avec des animaux également, tu vois déjà où je veux en venir) comme étant mal, interdit et punissable, cad «criminel», on dit que c'est un meurtre. Dire que le meurtre est toujours criminel est donc un pléonasme, voilà pourquoi ça ressemble à un absolu.
Il reste donc l'acte de tuer. Les gens s'entendent-ils, dans notre société (a fortiori dans le monde entier), pour condamner l'acte de tuer? Absolument pas. Dans le monde on tue sa femme (à l'occasion son mari), sa soeur, son ami, son voisins, des étrangers, des meurtriers, etc. avec l'encouragement de la population et du gouvernement. Nous définissons donc constamment un champ d'exception énorme, souple et flou à cette belle règle absolue.
Je répète donc, le concept d'absolu moral s'explique bien mieux par le désir ou la nécessité d'imposer ce qu'on croit être juste que par un présumé mais inobservable contact avec un objet réel.
Peut-être devrais-je préciser que quand j'affirme que le crime est «socialement construit», je ne veux pas dire que c'est de la frime.
_____________
2) Évidemment qu'il y a toute une série de suppositions de base dans les sciences exactes. Pourtant, la comparaison est boîteuse pour trois raisons:
2.1) premièrement, je ne crois pas que la saveur d'«absolu» dont il s'agit est tout à fait la même. Quand on dit que l'uniformité est absolue ou universelle (remarque déjà qu'ici c'est la même chose, donc il doit bien y avoir anguille sous roche) on veut simplement dire qu'«on peut théoriser comme si». Ça n'implique aucun jugement normatif, et ce n'est pas basé sur une interprétation locale de l'histoire. C'est un outil méthodologique.
2.2) De plus, l'uniformité, ainsi que tout autre concept du genre, se démontre indirectement par la non-falsification des théories qui en découlent. Ceci est parfaitement hors de portée dans le cas de la «morale absolue» dont tu postules l'existence.
2.3) Enfin, ces principes existent seulement s'ils sont *absolument* nécessaires à la théorisation, pas seulement parce qu'on les trouve beaux.
Conclusion: je reste sceptique. Alors, suis-je moralement défectueux, ou est-ce que la morale ne serait pas tout autre chose? Enfin, je note qu'on est pas mal avancé dans notre échange, et que je n'ai toujours pas le 1-800 (ou serait-ce 1-976?) où appeller pour entrer en contact avec la morale absolue :-)