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Pseudoscience : le phénomène de société - L'incapacité à établir des séries


Postée par Ch.Bertrand , Aug 20,2000,10:53 Index  Forum

Je visionnais hier le film Deep Impact, ce film avec Morgan Freeman dans le rôle du président des États-Unis et qui raconte l'écrasement d'une comète sur la Terre.

Vers la fin, quand il n'y a plus rien à faire pour éviter l'impact, le président des E.-U. fait un discours télévisé où il décrit les effets qu'aura cet impact. À un certain moment, il parle d'une vague, la vague d'un raz-de-marée. Il en dit d'abord, quant à sa hauteur, qu'elle fera 30 mètres, puis, une minute plus tard, il parle d'une vague qui, « selon la hauteur des plateaux » ou quelque chose comme ça, fera entre 300 et 1000 mètres...

J'ai revisionné ce segment trois fois. Est-ce moi qui ai mal compris ? On dirait bien que le président parle d'une même vague qui fera d'abord 30 mètres, puis entre 300 et 1000 mètres !

Si c'est là l'incohérence ou l'invraisemblance qu'il me semble voir, on a ici l'illustration d'un autre phénomène concourant à la popularité du discours nouvelâgeux et pseudoscientifique : l'incohérence dans le discours et la difficulté de plus en plus aiguë des gens d'une instruction disons moyenne ou de gens sans culture générale profonde, à percevoir cette incohérence.

Imaginons un peu : si cette incohérence de Deep Impact est réelle, combien de gens l'auront relevée ? Et si l'inattention générale peut permettre à une aussi grossière et invidente incohérence, grossière et évidente parce qu'en appelant au gros bon sens et à des référents communs, de passer comme dans du beurre, que cette inattention générale peut-elle donc encore laisser passer lorsqu'on lui présente un discours ésotérique (ésotérique dans les deux sens) montrant peu de référents communs ?

Mais nous sommes à l'ère où l'on développe peu cette capacité à relever des incohérences de la sorte.

Ainsi : les gens lisent moins qu'avant, ou de moins longues oeuvres, ou encore avec un tel besoin d'évasion facile qu'ils en sont moins attentifs au système du texte et à ses sous-systèmes ; le « clippage », ou « saucisonnage » aurait Jacques Parizeau, du discours atrophie peu à peu la capacité des gens à ÉTABLIR DES SÉRIES (mes majuscules remplacent les italiques, comme d'habitude), et au besoin, à établir l'incohérence d'une série.

Autrement dit, caricaturalement et très schématiquement, sachant que 2 + 3 = 5, on savait aussi que, pour connaître l'aboutissant 5, 1 + 1 + 3 égalait aussi 5. De nos jours, on sait toujours que 2 + 3 = 5, mais de plus en plus de gens sont incapables de soupçonner ou se souvenir que, s'ils ont remarqué 5 et qu'ils connaissent déjà 3, la différence peut venir non seulement de 2 mais aussi de 1 + 1, parce que la décomposition de 2 en 1 + 1 rend la série trop longue à mémoriser...

Évidemment, des gens parfaitement capables d'établir des séries et de percevoir, à tout le moins, leurs incohérences s'il s'en trouve, seront eux aussi des partisans du nouvel âge et des pseudosciences, mais j'imagine que ce sera pour des raisons toute autres – complaisance, mercantillisme.

Ch.Bertrand



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