Le concept de «cause première» nuit également à la compréhension logique parce qu'il force à confondre «première» chronologiquement et «première» dans le sens de «nécessaire et suffisante». Or, il faut absolument redécouper tout ça si on veut se retrouver.
Vous avez raison, le big bang se trouve, *pour l'instant*, être le phénomène le plus reculé (donc, «premier» chronologiquement) qui soit dans l'histoire de l'univers. Scientifiquement, personne ne peut à l'avance décréter qu'il en sera toujours ainsi. De plus, comme la question «temps» devient problématique à l'horizon du «début» de l'univers, «premier» a beaucoup moins de sens que vous semblez le croire; on pourrait tout aussi bien dire «dernier» (fin de l'état «précédent» de l'univers, tout ça arrivant au même moment). Mais de toute façon, le big bang n'est pas une chose unique et homogène, c'est le résultat d'un mécanisme encore mal connu mais découpable en termes de facteurs, d'interactions et, de causes et d'effets. Le fait que les théories physiques qui expliquent l'univers «normal» s'y appliquent mal ne permet pas d'y coller n'importe quelle conclusion.
Enfin, si le big bang (en supposant la théorie correcte) est à l'origine de tout, c'est donc une cause nécessaire, ou un préalable sine qua non à notre existence. Mais ce n'est pas une cause suffisante. Le big bang n'explique pas tout; en fait, il explique extrêmement peu, dans un domaine bien spécifique (l'expansion, la radiation de fond, et autres choses du genre). Si le big bang est une cause première, c'est seulement dans une définition bien spécifique du terme.
Pour ce qui est d'Aristote, ne nous y attardons pas, mais je dirai simplement que le «premier moteur», sa version de «cause première», est également une cause «finale» en ce sens que pour parler de moteur il faut faire implicitement ou explicitement référence à un mécanisme spécifiquement conçu pour être entraîné par ce moteur (la mécanique céleste, dans son cas). Le concept de «cause première» est foncièrement téléologique puisqu'il empêche de concevoir la chronologie subséquente comme aléatoire ou non-déterminée. Or, il se trouve que le big bang n'«entraîne» rien du tout. Le big bang, c'est une explosion, mon vieux. Ça n'a pas de direction, d'intention ou de stratégie. Ça pète. Puis advienne que pourra. Ce qui se passe après le big bang n'est pas explicable par lui, seulement rendu possible. Le big bang n'oblige pas que les première particules légères produites aient la forme qu'elles ont eue. La théorie du big bang ne dit nulle par: BANG! *DONC* 36 sortes de quarks. Et plus vous avancez dans le temps, moins l'explosion initiale a d'impact déterminant donc explicatif sur le détail. Quelque secondes après le big bang, l'univers commence déjà à prendre une structure «mousseuse». Pourtant, une explosion devrait donner un univers uniforme, homogène. Il doit donc y avoir un autre facteur, ou une nuance à apporter: le bang est complexe en lui-même. Ainsi de suite. Lisez.
«Cause première» ne rime à rien en astrophysique; pas plus que «don» en pédagogie, d'ailleurs. Si vous voulez voir la main de dieu quelque part il faudra chercher ailleurs.
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