A mon avis, ce que tu offres avec ce critère, c'est une reprise à zéro du sujet.
Ce critère est d'une telle généralité qu'il ne comporte aucune détermination, ce qui fait que l'objet n'étant pas suffisamment défini, le critère devra être réduit dès les premiers pas. Autrement dit, il faudra opérer un réductionnisme immédiat, mais sans réductionnisme, impossible d'avancer .
En effet la capacité d'atteindre un but englobe tout comportement ayant une finalité , avec quelque succès ; alors, tropismes et automatismes divers répondent au critère. D'une certaine manière, le comportemnt de la fourmi se révélant sans erreur, la fourmi est dotée de l'intelligence absolue.
Il se trouve que tu renvoies par ailleurs vers l'animal -- animal non-humain...-- , et avec ce critère tout comportement animal est intelligent (soit dit en passant, je cherche moi-même à ancrer toute anthropologie en animalité) . Je pense que tu as raison, mais que dans l'état nous ne pouvons rien en faire, sauf à établir des comparaisons qui permettront de choisir à partir de quelle réduction de ton critère nous parlerons d'intelligence (il en irait autrement si notre but était de rechercher une genèse de l'intelligence : une phylogenèse irait étudier l'intelligence animale, une ontogenèse irait étudier le développement du cerveau de l'enfant..., mais alors, c'est pas fini...). Par ailleurs tu parles de la difficulté à savoir ce qu'il y a dans la tête de quelqu'un, homme ou animal : tu as tout à fait raison, mais c'est une autre question; remarque bien que la citation que tu donnes place le point de basculement essentiel : le langage, que l'auteur considère comme le moyen d'exprimer ce qui se passe dans la tête, d'où impossibilité face à l'animal, possibilité face à l'homme; mais pour ton propos, il faudrait encore préciser ce qui n'est là qu'implicite : en toute rigueur il ne s'agit pas de ce qui se passe dans la tête, mais de ce que produit la tête en conséquence de ce qui s'y passe : ceci non pas dans le sens où les productions du cerveau ne seraient pas elles-mêmes des configurations matérielles du cerveau, mais dans le sens où elles sont disponibles à l'extérieur, pour un autre cerveau ; quant aux configurations matérielles , à mon avis ce sont les neurosciences qui peuvent y accéder, et rien d'autre : je suggère par là que toute discussion en dehors des données de cette science risque fort d'être assez vaine : alors il faut les "apprendre", ou rien. En résumé, nous pouvons bien débattre des comportements, mais plus difficilement de la machinerie interne : nous sommes depuis le début en phénoménologie, pas en ontologie.
Tu évoques par ailleurs les guerres de religion, retenons en d'une façon générale l'idée de violence : la force qui permet une violence efficace est aussi une capacité à atteindre un but : donc violence = intelligence, selon ce critère . Je viens bien sûr de caricaturer ta pensée, mais plus sérieusement le problème à mon avis est le suivant : sur n'importe quel ensemble on peut toujours définir une opération d'équivalence, mais la question est : elle sert à quoi ? Cette remarque peut peut-être rejoindre une autre de tes réflexions : génies et petit dieux derrière les choses et eucharistie, c'est "kif-kif", vais-je traduire. Certes, mais le rouge est une couleur, le noir est une couleur, donc le rouge et le noir c'est la même chose. Encore une fois , c'est vrai, et on peut y joindre toutes les formes d'ondes électromagnétiques, en deça et au-delà du visible, mais on va en faire quoi, pour notre propos ?
Puisque tu as titré animisme-christianisme, pour poser cette équivalence, n'est-il pas plus intéressant de se demander par quel processus l'intelligence fait passer de l'un à l'autre ? Et alors ce n'est plus la ressemblance qui est intéressante, mais la différence. Par exemple, c'est ce qu'essaie Emile Durkheim dans "Les Formes élémentaires..." : la notion de force, telle que l'on peut la déceler dans l'animisme, est aussi bien liée à la future notion scientifique qu'aux futures notions religieuses. A telle enseigne que devant les premiers énoncés de la gravitation universelle, il y aura autant d'opposition rationaliste que religieuse : dans cette action à distance, des rationalistes verront une résurgence des forces occultes ( on a cru jusqu'à l'aube des temps modernes que des anges propulsaient les planètes...) .
Animisme et magie sont tous deux à mon avis des productions intellectuelles qui contiennent aussi bien des germes de science future que de religion future , et je vais remettre en cause uneidée que nous avons touqs partagée, y compris donc moi-même : c'est vrai qu'il y diversité d'intelligences, mais nous n'avons pas eu l'occasion d'être précis sur ce point : y-a-t-il des intelligences différentes par nature d'un cerveau l'autre, où y a-t-il divers aspects de l'intelligence dont seulement la répartition est différente d'un individu à l'autre ? Dans le second cas, nous pouvons avoir en même temps 1) l'impossibilité de définir univoquement l'intellignece ; 2) la possibilité que cette intelligence que nous ne pouvons définir existe bel et bien. ( Avoeu : je suis très admiratif de Claude Lévi-Strauss.)
Je vais arrêter pour l'instant, mais tu auras compris que ta réflexion est à mon avis très motrice. Alors en conclusion provisoire je propose :1) non pas la capacité à atteindre un but, mais une capacité particulière à atteindre un but. 2) néammoins l'intelligence ne se réduit pas dans une définition finaliste, instrumentale, etc., car elle est déjà à l'oeuvre dans la perception , en préalable à toute intention d'action : devant un même spectacle, - précisons : un même donné -, des intelligences différentes verront des choses différentes, se poseront des questions différentes, etc.
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