Bien au contraire, ma critique concernait directement la psychanalyse, et par deux biais. Premièrement, Brissonnet, dans son texte, argue que la recherche de pointe disqualifie la théorie psychanalytique en montrant qu'elle est fausse*. Il prend comme exemple l'étiologie de la schizophrénie. D'après lui les recherches longitudinales auraient montré que la cause de la schizophrénie ne serait pas psychogénique comme le prétendaient les psychanalystes, mais uniquement biologique. Malheureusement, Brissonnet n'a pas mis le nez dans un article scientifique sur le sujet depuis le milieu des années 80. En effet, la recherche de pointe montre justement le contraire. Ce n'est pas un débat ouvert. C'est une chose bien établie depuis Cannon et al. (1990). Les travaux de recherches indépendants ne finissent pas de reconfirmer ce fait: la qualité de la relation parent enfant est la clé de l'étiologie de la schizophrénie à prédominance de symptômes positifs.
Cette partie de la recherche longitudinale montre que cette hypothèse psychanalytique est fondée. Ici, il n'y a pas de hasard. Les auteurs de ces recherches longitudinales n'ont pas pris une mesure de "l'indice de stabilité dans l'environnement familial précoce" pour rien, simplement comme ça par hasard!!! Ces chercheurs pistaient l'étiologie de la schizophrénie à partir d'hypothèses. Les hypothèses qu'ils ont retenu ne venaient pas de la chronique astrologique de La Presse. Ces hypothèses provenaient de théories spéculatives faites à partir d'études de cas. Ces auteurs (anti-psychanalystes notoires) cherchaient donc indirectement à vérifier l'hypothèse psychanalytique. Heureusement pour nous, il s'agit de gens de grande valeur. Même si leurs résultats ne confirmaient pas leur conviction d'origine, ils ont publié sans restriction. Dans un article récent un groupe de ces chercheurs a d'ailleurs fait amande honorable en soulignant très correctement le travail de leurs précurseurs psychanalystes. C'est très rare ce genre de politesse dans un milieu aussi antipsychanalytique.
Deuxièmement, je ne sais pas ce qu'il en est en neuropsychologie, mais en psychologie clinique, en étiopathologie et en psychologie du développement, le fait que des hypothèses fondées sur des études de cas soient vérifiées secondairement par des recherches expérimentales sur des grands groupes n'est pas rare. Ça n'a rien de contraire aux bonnes pratiques. Ça na rien d'inusité. C'est bêtement ça la science pour nous. Votre théorie à l'effet que la psychanalyse constituerait une autre discipline en soi se défend. Je dirais même que je la partage. Mais si la biologie peut vérifier des hypothèses chimiques ou la chimie des hypothèses biologique … pourquoi pas?
La psychanalyse dans son ensemble ne sera pas prouvée. Personne n'espère ça. Personne ne cherche à faire ça. Comme tout psychologue, je suis content chaque fois que l'on peut confirmer ou infirmer empiriquement une hypothèse psychanalytique. Content pourquoi? Parce que çà veux dire que la méthode avance, qu'elle permet de vérifier des choses jusque-là invérifiables. La vieille psychanalyse est dépassée dans plusieurs domaines (surtout en psychologie du développement). Elle tient le haut du pavé dans quelques autres (surtout en clinique). Malgré ses efforts de développement, un jour s'en sera fini d'elle. La méthode l'aura rattrapé sur tous les terrains. Bravo! Mais est-elle pour autant une imposture et un délire?
Les gens qui ont "fondé" la psychanalyse à partir de quelques études de cas (moins 500 dans le cas de Freud), n'étaient pas des imbéciles ni des fous. Leur démarche était bien expliquée. Contestable, mais assez clair pour être compréhensible. Leurs constructions spéculatives ne sont pas de nature scientifique, mais elles n'on rien a voir avec la caricature qu'en fait Brissonnet**. Connaissant bien ces théories et en regard de mon expérience clinique, je ne les trouve pas bête du tout. À mesure que la méthode expérimentale avance en rigueur et en ingéniosité, je ne serais pas surpris que se vérifie plusieurs autres hypothèses de cette théorie réputée jusqu'ici infalsifiable (n'en déplaise à Poper).
*Ce qui m'a fait rire d'ailleurs étant donné qu'il affirme simultanément que la psychanalyse est infalsifiable. Les contradictions ne sont pas rares dans le texte de Brissonnet, hi hi ! .
**Si Brissonnet n'a pas mis le née dans les revues scientifiques depuis le milieu des années 80, il n'a pas mis le né dans des revues de psychanalyse depuis ... Il n'a vraisemblablement jamais étudié sérieusement la psychanalyse.
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