BILL :
«Il semble y avoir des écoles opposées à ce sujet. J'admets être de l'école la plus conservatrice, celle qui limite le mot "fait" aux réalités et aux mesures qui peuvent en être faites.»
ÉVARISTE :
Ainsi, pour vous, l’ensemble des faits possède deux sous-ensembles, celui des réalités et celui des mesures. Bon. Mais on pourrait objecter qu’une mesure est une réalité, il me semble. Pas simple ;-)
On peut faire des mesures sur des grandeurs. On peut présumer qu’il serait impossible de mesurer un objet (au sens large) qui n’aurait pas de réalité. Mais cette réalité doit-elle être matérielle ? Si je mesure le degré de préférence de consommateurs pour tel produit, je pourrais obtenir un nombre. Cette préférence pour un produit A (par opposition à un produit B) pourra se concrétiser par des gestes (des achats du produit A), mais cette préférence ne me semble pas avoir de réalité matérielle. J’ai du mal à m’en sortir :-(
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ANDRÉ :
«On ne peut observer un atome directement. Pourtant à force d'accumuler de l'information sur ses propriétés, on s'en est fait un modèle comportant certaines caractéristiques définies incontournables ne laissant aucune place à l'interprétation. À ce titre, on peut considérer qu'un tel modèle correspond si étroitement à la réalité qu'il peut être considéré comme factuel.»
ÉVARISTE :
Mais alors, quelle est la différence pour vous entre un FAIT et une RÉALITÉ ?
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BILL :
«Votre exemple est une excellente démonstration de mon point de vue. Diriez-vous que l'atome de J.J.Thomson est un fait? Et les atomes de Rutherford et de Bohr?»
ÉVARISTE :
J’aime beaucoup cette remarque. Elle montre, il me semble, la relativité (sorry, Einstein) de la notion de FAIT. Ce qui est un fait pour une personne ne l’est pas nécessairement pour une autre. Ce qui est jugé comme un fait aujourd’hui par une personne pourra être jugé comme une illusion ou une fraude plus tard par la même personne. Ce qui est jugé comme un fait par un peuple peut n’être qu’une légende pour un autre peuple. De même, ce qui est jugé comme un FAIT par la communauté scientifique mondiale à telle époque pourrait ne plus être jugé comme tel à une époque ultérieure.
Dans le cas de l’atome de J.J. Thomson, on pourrait dire : c’est un fait que la conception que se faisait JJT de l’atome était un modèle atomique, mais cela ne prouve pas que l’atome soit un fait.
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DENIS :
«Les mots "fait", "réalité", "vérité", "certitude",... sont de quasi synonymes.»
ÉVARISTE :
C’est bizarre mais il me semble qu’il soit plus facile de s’entendre sur le sens à donner à un mot abstrait (qui recouvre une «réalité» immatérielle) comme <certitude> qu’à un mot qu’on suppose concret comme <fait>. Je m’explique.
Il me semble que le mot <certitude> s’applique à notre plus haut degré de conviction sur un sujet. Quant à la notion de FAIT, j’ai dit tantôt ce que je pense de ce concept et de sa relativité selon les individus, les peuples, etc.
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DENIS :
«Tu voudrais réserver le mot "fait" aux seules observations? Si tu veux. Disons donc que l'évolution des espèces est une vérité plutôt qu'un fait. Ça te va comme ça? :-) »
ÉVARISTE : Pour moi, non, ça ne va pas. J’y reviendrai.
ÉVARISTE : je suis de retour ;-)
Selon Jean Fourastier (Les conditions de l’esprit scientifique), la phase la plus difficile dans la méthode scientifique serait justement la première, l’observation. Dans cette hypothèse, le fait ne se laisse pas facilement circonscrire...
Cela me rappelle l’enfilade au sujet des neutrinos. Je suis allé voir les messages du présent forum sur le sujet.
https://forum-sceptique.com/archives/17945.html#17945
Le neutrino, par Asimov [Évariste, 31 août 2001]. Voici un extrait :
Début de la citation :
Il y a je ne sais plus combiens [sic] de lustres, j'ai lu un petit livre d'Isaac Asimov sur les neutrinos et leur histoire. je ne me souviens plus du titre si ce n'est qu'il contenait le mot NEUTRINO(s)...
C'est dans ce livre que j'ai puisé le peu que je sais sur les neutrinos.
Je me souviens que, EN SUBSTANCE, il disait ceci :
«On s'est rendu compte que pour vérifier telle équation, il fallait qu'existe une particule (qu'on a appelée NEUTRINO) ayant telles et telles caractéristiques.
Alors on s'est demandé comment la détecter. Puis un physicien à eu l'idée très simple d'aller voir aux archives les milliers de plaques déjà existantes qui avaient servi pour étudier les traces de certaines radiations.
Alors, à sa grande surprise, les traces des neutrinos étaient là, sur toutes les plaques... et n'attendaient que d'être vues [Évariste brode un tipeu] Oh ! ces traces n'étaient pas en gros traits noirs, mais visibles tout de même pour un oeil averti. Il est étrange que ces particules nous soient devenus [sic] visibles uniquement à partie du moment que nous étions certains de leur existence.»
Fin de la citation.
Si cela s’est passé comme cela, imaginons l’entretien suivant :
Évariste :
«Bonjour Monsieur le physicien. Vous qui avez observé des milliers de plaques pour y déceler des traces de particules dites élémentaires (neutrons, protons, électrons), avez-vous trouvé des traces que vous n’attendiez pas et qui seraient celles de <particules> inconnues à ce jour ?»
Le physicien :
«Non, pas du tout. Tout s’est passé conformément à la théorie.»
Alors aujourd’hui, le 3 mars 2002, on peut se poser la question suivante : «Était-ce un fait (une réalité ?) qu’il n’y avait pas de traces sur les plaques du physicien de ce qu’on appelle aujourd’hui des neutrinos ?»
Je pense que c’était un fait ou la réalité d’alors POUR notre physicien et la communauté scientifique d’alors. Ce qui me laisse croire que la notion de fait et de réalité est relative et non pas absolue.
APARTÉ.
André a mis un bémol à l’histoire que j’ai racontée selon mes souvenirs [31 août 2001] : le neutrino, par Asimov :
https://forum-sceptique.com/archives/17965.html#17965
ANDRÉ :
J'ai un livre d'Asimov, L'Univers de la Science (InterEditions), qui parle des neutrinos(pp.344-347).
«Puis un physicien à eu l'idée très simple d'aller voir aux archives les milliers de plaques déjà existantes qui avaient servi pour étudier les traces de certaines radiations.»
Je n'ai pas trouvé trace de ce que tu mentionnes ci-dessus dans la partie consacrée au neutrino, bien que j'aie déjà lu quelque chose de semblable au sujet d'une autre particule (j'ai oublié laquelle).
Asimov mentionne qu'on a du confectionner un détecteur spécifique constitué essentiellement d'un composé de cadmium dissout dans l'eau qui permet de détecter indirectement (au moyen d'émission gamma) la production de neutrinos (ou plutôt, d'antineutrinos) lors de la fission nucléaire. On a pu ainsi confirmer la production de ces particules par un réacteur nucléaire. Pour détecter les neutrinos cosmiques provenants de la fusion nucléaire, on a conçu un détecteur constitué d'un composé de chlore 37 qui se transforme en argon 37 par capture d'un neutrino.
Sur quoi j’ai répondu [premier septembre] :
https://forum-sceptique.com/archives/18037.html#18037
André, nous n'avons pas lu le même livre. Le mien était style plaquette et tout consacré aux neutrinos.
https://forum-sceptique.com/posts/18017.html#18017
Évariste
Sortant des ténèbres de l’enfer ou de la lumière du ciel, Isaac Asimov lui-même, personnellement en personne, m’a envoyé un message [31 août] :
https://forum-sceptique.com/posts/17996.html#17996
«ISAAC ASIMOV» :
Dans votre message:
https://forum-sceptique.com/posts/17945.html#17945
Vous faisiez référence à un ouvrage d'Asimov paru en 1966 (The neutrino). L'édition de ce livre est épuisée.
Voir le lien:
http://homepage.mac.com/jenkins/Asimov/Books/Book070.html
Puis Évariste de répondre [Asimov, Évariste et le neutrino] :
https://forum-sceptique.com/posts/18017.html#18017
Cher Isaac, votre URL me sera utile pour autre chose que les neutrinos.
Quand j'ai lu votre livre - du temps que vous étiez sans doute encore de ce monde - il me semble que ma pauvre mémoire a enregistré le passage où vous disiez qu'aussitôt que le neutrino avait reçu une existence mathématique, les chercheurs en ont trouvé la traces dans des plaques anciennes qui avaient servi à autre chose.
Or, voilà ty pas que de nos jours quelqu'un vous prête d'autres propos :
«The first half of the book is dedicated to the philosophical foundations of science and why physicists were certain the neutrino existed decades before it was actually detected».
«decades before» ?
I want to be shown ;-)
Je vais entreprendre des démarches pour retrouver la trace [tiens ! encore ?] de votre merveilleux petir livre.
Je vous en donnerai des nouvelles.
Sioux Léteur... much léteur ?
Évariste
En fait, j’avais oublié ça. Je n’ai donc pas donné de mes nouvelles.
Tout de même, il importe assez peu que l’histoire que j’ai racontée se soit produite ou non, n’est-ce pas ?
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GAËL :
«Pour concilier les deux camps et respecter la sémantique pointilleuse de Bill, pourrait-on dire que l'évolution n'est pas un fait, mais une réalité attestée par les faits ?»
ÉVARISTE :
Il semble que les raisons scientifiques de CROIRE à l’évolution soient nombreuses et puissantes, si bien d’ailleurs (ou d’ici) que la THÉORIE de l’évolution ressemble fort à une certitude scientifique. Mais est-elle un FAIT ? Pourra-t-on jamais le savoir ?
De par sa nature, la science a-t-elle les moyens de pouvoir affirmer que telle théorie n’est plus une théorie mais plutôt un fait et qu’il n’y a plus à revenir sur cette question ?
Peut-il y avoir des CERTITUDES en sciences ailleurs qu’en mathématiques ?
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ALAIN LE RAÉLIEN :
«Supposons que les faits sont indiscutables.»
ÉVARISTE : Indiscutables ? C’est aller un tipeu vite en besogne ;-)
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Je répète la conclusion de mon message précédent :
Il me semble qu’il ne soit pas possible de discuter de la notion de FAIT sans en passer par d’autre [sic] notions, par exemple :
illusion / culture / idée préconçue / théorie / ad vitam écoeuram ;-)
P.-S. :
Mille excuses à ceux dont j’aurais oublié les textes et qui mériteraient un meilleur traitement que le silence.
Sioux Léteur ... non ! JE NE VEUX PAS DISCUTER AD VITAM ÉCOEURAM ;-)
Évariste
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