"Puisque" fait partie de la famille des "donc", famille fascinante.
D'abord, le premier juif qui est né après l'apparition du concept de trinité lui est, c'est sûr, postérieur.
Ensuite, c'est à l'intérieur même du judaïsme qu'est apparu ce concept, même si les formules canoniques n'apparaîtront que plus tard, dans la grande période de fixation de l'hortodoxie catholique - et donc de l'hérésie, l'un ne va pas sans l'autre -, passablement au grè des empereurs romains.Ce qui reste, c'est que cette époque permettait tout, les conceptions religieuses fusaient de partout, aussi bien à l'intérieur du judaïsme avec ses multiples sectes qu'avec le vis à vis des orphismes. Bref, ce sont des juifs qui d'abord se sont répartis entre monothéisme d'arithmétique ordinaire où 1=1 et monothéisme d'"arithmétique transcendantale" où 1=3 et réciproquement (à ce niveau, il n'est plus évident que l'égalité soit réflexive...).
Et lorsque naît l'islam, c'est un choix qui se pose au Prophète, parmi les exemples proposés par son contexte : mazdaïsme, judaïsme, christianisme (mais un christianisme typé, nestorianisme peut-être mais à cette heure ci je ne suis plus certain). Apparemment (pour tout cela il faudrait que je révise), il laisse tomber le christianisme ,se joignant au judaïsme -- qu'il accusera néanmoins d'abord falsifié la parole divine en produisant l'Ancien testament, ne serait-ce que pour remplacer Isaac par Ismaël, ce qui est de bonne guerre évidemment-- -- pour repousser le dit faux monothéisme chrétien, et adoptant la radicalité dualiste du mazdéisme (ou zoroastrisme: le judaïsme était lui-même né , quelque mille ans auparavant, dans ce contexte perse: on finirait par douter de l'imagination de l'histoire ...). Alors la chronologie n'interdirait pas l'application du critère, et du reste la recomposition d'un déjà là est bien plus courante en histoire des religions que l'innovation ex nihilo.
Bon, mais c'était pour contrarier, car en fait je pense que tu as raison, pour l'application du critère le judaïsme ferait exception.
" Obéir est aussi un choix et une décision, n'est-il pas ? "
Eh bien : c'est toute la question.
Laissons tomber le terme de décision, puisque tu as un terme bien plus conséquent: le choix. Décision n'entraîne pas aussi automatiquement un temps de suspension de l'action,-- on peut prendre une décision mais aussi être pris par elle-- alors que choix le suggère davantage, en ce qu'il laisse place à une éventuelle hésitation, et comme chacun sait la réflexion conduit à l'hésitation, inconfort génétique de la pensée doutante, d'où son peu de clientèle ...Le doute est souvent l'ennemi public n°1 des religieux, d'où la fréquente diabolisation de Descartes dans ces milieux...
S'il n'y a aucun doute sur l'absolu du Guide, du Chef, du Commandement, obéir n'est plus un choix, en tout cas pas plus que de respirer. Les religeux le disent souvent eux-mêmes : ils sont pris par Dieu, ils sont envahis, submergés, ils sont des instruments, etc., ce vocabulaire est significatif.
Bien sûr, il est commode pour nous de considérer que l'individu a toujours une liberté de choix,parce que sans cette liberté que nous lui attribuons comment pourrions-nous le condamner? Le criminel reconnu fou n'est pas condamné pénalement par nos tribunaux, et que dit-on dans ces cas sinon qu'il n'avait pas la capacité de libre choix? Pourquoi n'y aurait-il pas de même des folies religieuses, y compris -- et peut-être surtout, par définition du religeux-- collectives? Si nous rencontrons le cas, alors ne serons-nous pas obligés par notre propre logique à dire : irresponsables ?
N'y a-t-il pas des imprégnations mentales humaines équivalentes au réflexe du chien de Pavlov? Et alors, l'obéissance au stimuli, au signal, n'est plus un choix.
Mais en fait voici ce qu'il y avait derrière ma remarque : dire c'est mal ne peut être efficace dans ces cas, car les acteurs, à leurs propres yeux, agissent par très haute vertu, ils en sont sincèrement convaincus (la sincérité est communément reconnue comme une qualité, mais elle peut donc être une véritable tare ... ?). Et pour reprendre ton exemple, des parents qui auront refusé la transfusion et qui se retrouveront avec le cadavre de leur enfant pourront avoir la même souffrance que d'autres parents perdant leur enfant dans un accident: cette souffrance même leur dit qu'ils n'ont rien fait de mal, que la vie de leur enfant leur était aussi précieuse qu'à n'importe quels autres parents, voire même si l'opprobe générale ne leur prouvera pas qu'ils sont encore meilleurs, puisqu'ils l'avaient acceptée à l'avance. Il ne sert à rien de répéter : "c'est Mal", il faut démontrer que : c'est "Faux".
J'ai été affirmatif, mais c'est pour faire plus vite, en fait il ne s'agit bien sûr que de suggestions-questions.
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