Bonsoir René, Bonsoir Jean-François. L'éthologie est une discipline à la mode, du moins pour ce que j'en sais en France, et commence à attrirer sérieusement l'attention, même d'écoles aussi traditionnelles que la célèbre Ecole Nationale d'Equitation (Saumur). C'est excellent à mes yeux, car cela fera régresser certaines pratiques qui tendaient à considérer le cheval plus comme une mécanique qu'on conduit qu'à un être intelligent et doté de sensibilité, auquel on demande son concours. J'attaque le sujet en parlant des chevaux, car ce sont des êtres que je commence tout doucement à connaître, et que j'aime beaucoup. Je trouve, personnellement, qu'ils peuvent constituer un sujet d'observation privilégié, car ce sont des animaux grégaires à la base (à l'état sauvage), et qui "ritualisent" très vite au contact de l'homme. (Entre nous, et dans le langage de tous les jours, ma fille, mon épouse et moi disions plutôt qu'ils étaient routiniers. Mais c'était une facilité de langage). Lorsqu'on vit près de ses chevaux, et qu'on les considère non comme nos "frères inférieurs" (j'aime beaucoup le regard que porte Saint François sur les animaux) mais comme des êtres égaux à nous, bien que totalement différents, on constate que les habitudes se prennent vite, que ce soit pour la distribution de nourriture, les habitudes et petites manies que chaque cavalier a lors du pansage, du sellage, etc, ou même de la direction initiale qu'on prend lorsqu'on part en rando depuis le "camp de base". Ainsi, l'ordre dans lequel on prend les pieds d'un cheval donné pour lui curer les sabots prend vite l'air d'une routine. Ainsi du fait de se mettre en selle à droite ou à gauche. L'usage veut qu'on se mette en selle à gauche, mais en terrain varié, c'est parfois peu pratique. J'avais donc habitué ma jument à accepter sans étonnement l'une ou l'autre manière. De même avait-elle très vite appris à boire dans mes mains à un robinet, ce qui est parfois là encore bien pratique. Nous étions partis, avec des chevaux ayant eu des trajectoires totalement diffférentes, sur l'idée que ce qui manquait, c'était un langage commun dans un couple donné cheval-cavalier, et que si chaque cavalier faisait l'effort, avec son cheval, d'établir un tel langage, tout se passerait sans problème. Il semblerait que, pour nous, ça ait marché. Nous avons constaté aussi que, comme il fallait s'y attendre, ces langages n'avaient qu'un tronc commun assez réduit, d'un couple à l'autre. Mon langage ne marchait pas avec le cheval de ma fille, et réciproquement. Mais les deux langages étaient assez complexes pour que, lorsque nous sortions enssembles, nos chevaux effectuent exactement, et simultanément, ce que nous attendions d'eux. Il existait un autre langage, celui des chevaux entre eux. Mais c'est une autre histoire. (J'ai omis de préciser, veuillez me pardonner: lorsque je parle de langage, je devrais plutôt parler en termes de transmission fiable et répétable d'informations, via une liaison bidirectionnelle). Pour ce qui est des différences de comportement, nous en avons eu un joli exemple, un jour, au bord d'un ruisseau dont les berges étaient pentues, et en travers duquel était posée une grosse pierre plate (de largeur 60 cm environ). Nous avons mis pied à terre et les avons laissés libres de traverser selon la méthode de leur choix. Une des juments est descendue posément et précisément dans l'eau, remontant toujours aussi calmement la berge opposée. Le cheval de ma fille s'est littéralement laissé tomber dans l'eau et a ensuite "pédalé" pour remonter. Ma jument est venue devant la pierre plate, et l'a sautée, retombant à côté de moi à me frôler. Ces chevaus étaient hébergés et restaient constamment ensembles, se connaissaient bien, et avaient, comme nous le souhaitions, gardé et même développé leur personnalité propre, adoptant des stratégies individuelles bien différenciées lorsque placés devant un même obstacle. Plus intéressant: ma jument avait longtemps travaillé en club lorsque je l'ai achetée. Le moniteur qui s'en occupait, devenu depuis un ami, la connaissait bien, et a noté de considérables modifications de comportement et de caractère, en 4 mois passés chez nous. Lorsque je parlais des "rites", je pensais aussi à des rites qui leur sont propres, celui de la toilette réciproque par exemple. Vous constaterez, si vous les observez assez longtemps, que parfois ils se mordillent la crinière, hors de toute saison sexuelle, et d'une manière qui semble leur procurer un plaisir certain. Ce rite s'est un jour produit avec ma jument. J'étais accroupi devant elle, et elle a commencé à me mordiller doucement les cheveux, comme elle aurait fait avec un congénère. J'avoue en avoir été très ému, car je l'ai pris, à tort ou à raison, pour une marque d'affection et d'acceptation comme membre de leur "troupeau", si restreint fût-il. Des exemples de ce genre, il y en a littéralement des dizaines, qui seront rassemblés, si tout se passe bien, dans un bouquin dont nous avons le projet, mon ami prof d'équitation et moi, lui étant sous-maître de manège de Saumur, et moi l'autodidacte complet en la matière. Je ne sais pas si cela entre dans le sujet sur lequel René voulait avoir nos avis, mais si ça peut apporter quelque chose... Allez, je ne vous embête pas plus et vous adresse mes amitiés, Mondreiter