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spiritualité et vide


Re: Re:Re2:Sujets intéressants -- Korg
Postée par Stéphane , Jun 26,2000,09:50 Index  Forum

Moi j'ai été d'accord avec Trudeau seulement une fois: les optimistes sont des idiots. Malgré tout, il me semble que plusieurs sceptiques prennent un point de vue exagérément pessimiste ou alarmiste face à la prétendue montée des croyances farfelues. Quand tu dis que les gens sont de moins en moins capables de différencier une anecdote d'une preuve empirique scientifique, je pense assitôt qu'on ne dispose justement pas de preuve à cet effet, et donc que c'est une conclusion prématurée.

Effectivement, le nouvel-âge monte, les «spirituants» pullulent, et le discours de Gene ici montre bien à quel point leur language peut être à la fois parfaitement vide et évocateur en utilisant un certain nombre de phrases-clefs et tout un tas d'images flatteuses et/ou rassurantes (mais as-tu entendu une messe dernièrement? Peut-être ne te souviens-tu pas de ce qui y est dit). Pourtant, il ne faut pas supposer que les années 50 (par exemple) étaient des modèles de rationalité scientifique. Si on fait jouer à l'envers le ruban de «l'effritement du dogme religieux» on ne se retrouve pas avec une société rationnelle, mais bien avec une société où la croyance est logée si profondément et organisée si solidement qu'elle semble absoluement indispensable, et ainsi disparaît du radar. Et à mon avis cette catégorie de croyance paraît moins frivole seulement parce qu'elle a une tradition plus longue et qu'à force de se la faire rabâcher on s'y est habitué.

Évidemment, à bien des niveaux c'étaient des années où l'activité scientifique n'était pas simplement valorisée mais bien vénérée. Ceci est probablement un élément qui semble positif à première vue, mais en fait ce fut extrêmement dommageable. On se trouvait alors à respecter d'avantage l'autorité scientifique que la démarche qui la supportait, et ainsi on se lançait aisément dans des politiques «scientifiques» bien au-delà de ce que la réalité des connaissances scientifiques permettait. Bon, j'avoue que ceci à été ajusté de façon exagérée et que maintenant on élabore des politiques sans aucun égard à la science; on a tellement annoncé et redouté la mort du droit face à la science dans les années 60-70 (je pense à Foucault par exemple) que la vapeur s'est renversée et que le discours des «droits» (pas tout à fait la même chose, mais enfin) a étouffé toute connaissance scientifique. C'est un autre extrème parfaitement stupide, mais je ne crois pas que se soit plus dommageable pour la société.

Je dirais donc qu'il n'y a pas forcément de montée des croyances, ni des croyances farfelues, mais peut-être une montée des croyances éphemères et «paresseuses» au niveau pratique. L'ère du Verseau est l'ère de la spiritualité de consommation. Mais: ceci fait ressortir davantage la totale vacuité intellectuelle de ces systèmes, et pas seulement pour les sceptiques. (Attention, attaque d'optimisme:) En effet, je crois que la complète interchangeabilité d'idées parfaitement opposées est ce qui cause la fameuse «crise spirituelle» dont on entend toujours parler (qui est un concept ridicule en soi, mais enfin): on s'aperçoit que les croyances sont vides de sens, tout en croyant toujours qu'elles sont essentielles à la vie humaine. À mon avis c'est un pas dans la bonne direction. Il ne reste plus qu'à cesser de croire à la croyance ;-).

Enfin, tout ceci n'est que spéculation, mais je l'offre tout de même pour tenter de démontrer qu'une autre interprétation est possible.


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