Les homéopathes sont déchirés par des débats d'écoles. Ils ne s'entendent pas entre eux sur la manière de prescrire leurs médicaments. Tous cependant s'entendent sur les trois principes (hahnemanniens) à la base de la fabrication des remèdes homéopathiques que sont: la loi de similitude, le principe de dilution et celui de dynamisation. Ces principes sont si importants pour les fondements de l'homéopathie qu'il suffirait qu'un seul soit montré faux pour que tout l'édifice théorique de l'homéopathie s'effondre. Or, les découvertes réalisées par la chimie et la pharmacologie au cours des deux derniers siècles ont montré qu'ils étaient faux tous les trois33,50.
SIMILITUDE
Dans le grand public, on confond souvent l'homéopathie avec la phytothérapie. On croit à tort que les remèdes sont fabriqués à partir de plantes médicinales ayant un effet curatif. C'est une erreur. Hahnemann dénonçait même vivement ces pratiques qu'il qualifiait de médecine "allopathique"22. La loi de similitude hahnemannienne repose sur un principe paradoxal, en contradiction avec la phytothérapie. Les homéopathes croient, en effet, que pour guérir un symptôme, il ne faut pas donner un produit qui le fait disparaître, mais un poison qui provoque le même symptôme. Pour soigner la nervosité et l'insomnie, les homéopathes donnent une substance qui provoque la nervosité et l'isomnie (café). Pour soigner les rougeurs sur la peau, les homéopathes prescrivent une substance qui provoque des rougeurs sur la peau, etc... Ils croient que, chez une personne malade, une substance qui provoque chez vous et moi un symptôme, aura l'effet paradoxal de guérir ce symptôme2,22,53,56. Il s'agit d'une croyance antique qui remonterait à Hippocrate et qui ne se vérifie pas en pharmacologie.
Pourtant, la loi de similitude est énoncée comme un principe universel qui ne souffre pas d'exceptions. "Toute substance" qui provoque des symptômes chez une personne en bonne santé devient automatiquement, pour l'homéopathe, un remède qu'il prescrit pour soigner les mêmes symptômes chez une personne malade. Les homéopathes ne poussent pas leurs recherches plus loin. Ils mettent le remède en marché sans vérifier son efficacité. Cette simplicité
explique le nombre considérable de "médicaments" (plus de 1 163)2 développés par Hahnemann et ses successeurs.
Pour le professeur Robert Goyer, titulaire à la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal, le principe de similitude est malheureusement trop simple pour être vrai. Si les médicaments efficaces ont généralement des effets secondaires, leur toxicité relative n'est pourtant pas en relation linéaire avec leur action thérapeutique. L'aspirine, par exemple, soulage les maux de tête des personnes malades sans pour autant provoquer des maux de tête chez une personne bien portante. Inversement, l'aspirine provoque des brûlures gastriques chez une personne bien portante sans pour autant guérir les personnes souffrant de brûlures gastriques.
Raymond Chevalier, pharmacien et ancien éditeur de la revue Le Pharmacien, est plus cinglant. Pour lui, la loi de similitude, prise dans son sens littéral, est tout à fait invraisemblable. Peut-on croire, écrit-il, qu'une dilution de sucre puisse soigner la carie dentaire sous le seul prétexte qu'il la provoque chez un enfant aux dents saines?15
Dans un ouvrage spécialisé sur la question, le docteur Jean-Jacques Aulas (1993)4 formule le même argument que le professeur Goyer. Il remarque également toute l'expérience accumulée en pharmacologie à cette date contredit cette croyance homéopathique.
C'est sur ce terrain que le coup le plus décisif a été porté contre l'homéopathie. Au début du siècle, un physicien français nommé Jean Perrin est parvenu à développer une méthode permettant de dénombrer les molécules contenues dans la matière et ainsi à
préciser le nombre d'Avogadro. Pour sa découverte, il reçu le Prix Nobel de physique en 192650. Les recherches de Perrin ont été confirmées par de multiples recherches ultérieures. Le calcul des concentrations est devenu la base de la chimie moderne telle qu'on la pratique dans l'industrie et telle qu'on l'enseigne dans les écoles secondaires et les cégeps30.
Cette valeur incontestable permet aux chimistes de compter le nombre de molécules du produit initial qui sont présentes dans les dilutions homéopathiques. Leurs calculs montrent qu'aux environs* de la neuvième dilution (9 CH = 1 X 10-18), le mélange dépasse le seuil mathématique d'une molécule par granule. Au-delà, il n'y a plus suffisamment de molécules. À une concentration de 30 CH, telle que recommandée par Hahnemann, il faudrait théoriquement acheter 1,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000 granules pour trouver une seule molécule du produit original. Pour les chimistes, cette démonstration clôt la controverse puisque, pour eux, il serait absurde d'envisager des réactions chimiques (et donc pharmacologiques) en l'absence des réactifs.
DYNAMISATION
La plupart des homéopathes admettent53 les calculs des chimistes mais ne se laissent pas démonter par cet argument. Pour eux, la présence du produit n'est pas nécessaire puisque le diluant (eau ou alcool) a été "dynamisé".
Ce troisième principe est conçu différemment suivant les écoles d'appartenance des homéopathes. Les homéopathes "vitalistes" (voir encadré) diront que la qualité virtuelle du médicament a été transmise au diluant par les fortes secousses qu'il a reçues22.
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* suivant la masse molaire
Les homéopathes plus matérialistes diront que l'eau a une "mémoire" et que les secousses ont permis à l'eau d'enregistrer le souvenir du produit d'origine. Le souvenir se transmet de molécules d'eau à molécules d'eau. Une petite goutte est ensuite placée sur un granule de sucre. L'eau s'évapore, mais la croyance homéopathique veut que le souvenir demeure inscrit dans le sucre du granule. Les homéopathes vont même plus loin. Dans les documents de la CSN, comme ailleurs, ils affirment que "plus le médicament a été dilué et plus il est puissant"...17
Le professeur Lehn, prix Nobel de chimie (1985), n'a pas hésité devant les journalistes français à qualifier l'hypothèse de la mémoire de l'eau de "délirante"46. Non seulement, elle n'a jamais été démontrée mais elle contredit les observations les plus courantes des chimistes.
Certains sceptiques remarquent, par ailleurs, que le principe de dynamisation porte une contradiction inhérente. Si les molécules d'eau peuvent contenir à elles seules un principe chimique actif du seul fait d'avoir été au cours de leur existence en contact avec une autre substance, on ne pourrait plus présumer que l'eau pure existe.
Or, le processus de dilution proposé par Hahnemann suppose justement l'existence de l'eau pure dans laquelle faire le mélange...
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