Tu dis : "«dignité humaine» est encore plus mal foutu que «gauche», comme concept."
Flûte. Maudits mots flous. Y a-t-il un seul mot (hors des sciences ou des trivialités quotidiennes) qui soit assez bien défini qu'on puisse l'utiliser sans avoir à l'entourer d'une grappe de guillemets? Ou sans avoir à fouiller jusqu'au bout toutes les nuances des nuances en jeu? Y en a-t-il un seul? Lequel?
Que penses-tu, par exemple, des mots liberté, justice et religion, pour n'en nommer que trois parmi des milliers. Sont-ils mieux foutus que gauche ou que dignité humaine? A-t-on le droit de les utiliser sans guillemets?
STÉPHANE : "...pourrait-on identifier un continuum de «respect de la dignité humaine» entre l'Alliance, le parti conservateur, le parti Libéral et le NPD? Certainement que non. Il n'y a aucune corrélation entre la classification typique des partis politiques canadiens et la dignité humaine."
Tu as raison. Le paramètre "dignité humaine" est mauvaise boussole dans ce cas où la dispersion est faible. Mais je persiste à penser que, pour les cas extrêmes de "non promotion de la dignité humaine", on trouvera peu de régimes que tu considérerais de gauche. Par exemple, si je te dis que, dans le pays P, au temps T, l'esclavagisme était de rigueur, je pense que tu aurais du mal à admettre qu'il s'agissait d'une société de gauche.
STÉPHANE : "...dans les pays où on n'a pas respecté la dignité humaine, y a-t-il une prépondérance de systèmes politiques typiquement identifiés comme étant de gauche ou de droite? Pas vraiment."
O.K. Tu marques encore un gros point. Sous Staline (ou Mao, ou Pol Pot), les dissidents étaient pas mal maganés dans leur dignité humaine. Pourtant ces société (au moins aussi mafieuses et autoritaires que le Chili de Pinochet) se prétendaient de gauche. C'était peut-être simplement de la fausse représentation. Ils ne défendaient que quelques valeurs de gauche sans les assumer toutes. En particulier la tolérance.
Tout ça me force à rectifier le tir. "Promouvoir la dignité humaine" est loin d'être le critère de classement idéal. Je pense que c'en est un parmi d'autres, comme "tolérer une opposition pacifique" ou "valoriser la liberté d'opinion", par exemples.
STÉPHANE : "Bon, si j'étais acculé à un mur et devais défendre ma vie en crachant une différence généralisable qui pourrait servir de fondation à la dichotomie gauche-droite, je dirais, l'attitude face au changement (démographique, historique, scientifique, économique, social, moral)."
Ton critère a beaucoup de bon sens. Selon mes calculs, c'est le quatrième ou le cinquième. Je pense bien que si on évaluait le Chili de Pinochet et, disons, la Suède des années '80, selon ces 5 critères, la Suède gagnerait 5-0. Si on le faisait pour tous les pays on pourrait obtenir une sorte de palmarès.
Ton critère (bien craché ;-)) de l'attitude face au changement, à lui seul, ne me paraît pas complètement "fool proof". J'imagine que, dans les années '30, les nazis avaient une attitude très positive, face aux changements en cours dans leur société. Tu penses qu'ils avaient "froid aux yeux" face au changement?
Tu parles de "changement vers l'arrière" (et donc, implicitement, de changement vers l'avant). C'est peut-être là qu'il faudrait diriger la "loupe mentale". Comment distinguer l'avant de l'arrière.
Moi, je suis tenté de voir ça sous l'angle de l'adoucissement progressif (historique) des moeurs. Depuis Adam et Ève (façon de parler), l'adoucissement progressif des moeurs a traversé plusieurs étapes (dans l'ordre ou dans le désordre):
- L'abolition du cannibalisme.
- L'abolition de l'esclavagisme.
- L'abolition de la peine de mort.
- La laïcisation de la société.
- Le droit de vote universel.
- La libéralisation de l'euthanasie.
- ...
L'avant et l'après n'ont de sens que si on se réfère à une sorte de "progrès naturel" dans l'adoucissement des moeurs menant au plus grand bonheur de tous (et, en particulier, des plus malheureux). Ou à peu près.
Dans ce sens, je vois mieux la pertinence de considérer le "progressisme" comme une valeur de gauche, ce qui me causait encore problème il y a deux jours à peine.
STÉPHANE : "Je répète que dans les faits la dicho brouille les cartes et n'aide en rien l'analyse."
Je suis moins radical que toi. Comment veux-tu analyser quoi que ce soit si on ne peut rien opposer à rien? Si on se contente de rester dans un grand flou "holistique" et informe. S'il est abusif de raisonner en termes de "zéro ou un", ça n'interdit pas de raisonner en termes de "de zéro à un". Ou, à tout le moins, d'essayer.
STÉPHANE : "...le mouvement anti-globalisation: droite ou gauche? Le mouvement environnementaliste: droite ou gauche?"
À vue de nez (et sous toute réserve), je dirais que le mouvement anti-globalisation est "70% gauche et 30% droite", que le mouvement environnementaliste est "95% gauche et 5% droite" et qu'Al Qaeda est "10% gauche et 90% droite".
Évidemment, je ne prétends pas que ces évaluations sont précises à 5%-près 19 fois sur 20. ;-)
Denis
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