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Avis aux nouveaux


Posté par Gaël , Nov 26,2002,04:12 Index  Forum

Fréquentant ce forum depuis plus de 4 ans, j’ai constaté un phénomène récurrent tout à fait intrigant. Il s’agit de l’apparition régulière de fanatiques qui veulent à tout prix nous sortir de l’erreur du scepticisme. Je pense avoir isolé une vingtaine d’éléments caractéristiques de leur argumentation. Evidemment personne n’est suffisamment bête pour correspondre totalement à ce modèle, mais par expérience je considère que si vous vous reconnaissez dans plus de 4 des 20 propositions suivantes, aucune discussion ne sera possible entre vous et les sceptiques car votre mode de pensée est trop différent. Dans ce cas, une bonne idée serait d’abandonner ce forum, au lieu d’y créer des débats de sourds.

1- Ne maîtrisant pas encore la pensée hypothético-déductive, vous devez vous contenter de l’induction. Votre méthode pour convaincre consiste donc à multiplier les exemples, et non à raisonner logiquement.

2- Pour justifier votre inaptitude à la rationalité, vous rejetez volontairement la logique, et élevez l’analogie au rang de mode de pensée supérieur. Ainsi vous reniez 2500 ans d’évolution de la philosophie et de la science, préférant à la raison la pensée « naturelle », celle des primitifs et des jeunes enfants (n’ayant lu ni Piaget ni Levi-Strauss, vous ignorez tout cela).

3- Après avoir multiplié les exemples, votre méthode consistera donc à user de l’analogie pour créer des « théories » pseudo-rationnelles. Celles-ci, étant basées sur des intuitions et des « rapprochements fulgurants », ressembleront à un amalgame boiteux entaché de subjectivité, du moins aux yeux de toute personne qui sait raisonner. Mais pour vous, ces « théories » sembleront naturelles et évidentes (forcément, puisque la base est votre intuition !)

4- Pour appuyer vos idées, vous citerez nombre de scientifiques amateurs, ou d’autres plus qualifiés mais dont les théories sont douteuses, invérifiables, ou très contestées, bref non-reconnues. Ces scientifiques seront pour vous les seuls valables.

5- Tous le reste de la communauté scientifique, vous l’appellerez « la science officielle » et l’accablerez de qualificatifs injurieux ou diffamatoires. Cette étiquette vous permettra de rejeter en bloc tout argument scientifique. Presque toujours, vous ferez appel à Galilée, en faisant l’erreur de comparer la « science officielle » (ou le scepticisme) à l’inquisition, et Galilée à tous les scientifiques rejetés par la « science officielle ». Vous considérerez même cette analogie comme un raisonnement solide !

6- Comme vous ignorez ce qu’est une hypothèse auto-validante, l’opposition de la « science officielle » à vos idées sera pour vous une preuve de la validité de ces idées, et vous en tirerez de la fierté.

7- Continuant dans la redéfinition des termes, vous nommerez la foi « ouverture d’esprit » ; le scepticisme « scientisme borné et sectaire » ; le paranoïaque « génie persécuté » ; le schizophrène et l’hystérique « visionnaire » ou « médium » ; et ainsi de suite.

8- Ne pouvant accepter que les sceptiques aient de bonnes raisons de douter, vous chercherez des raisons psychologiques à leur attitude. Vous imaginerez que ceux-ci ont peur de la vérité, ou qu’ils refusent de voir les faits.

9- Souvent, vous irez même jusqu’à renverser les rôles. Alors que vous avez une foi inébranlable (tandis que le sceptique ne fait que douter et demander des preuves) vous réussirez par un tour de passe-passe à vous présenter comme un défenseur de l’ouverture d’esprit et du « vrai scepticisme » (celui qui remet en question la totalité de nos connaissances scientifiques), et à montrer le sceptique comme quelqu’un de sûr de lui, qui ne doute pas un seul instant ! ! ! Parfois, par des artifices rhétoriques peu glorieux, vous irez même jusqu’à dire que le sceptique est un croyant : quelqu’un qui croit totalement en l’inexistence du paranormal, ou comme quelqu’un qui « croit » au hasard - il est bien entendu naturel de croire plutôt aux signes, aux miracles et à la synchronicité…

10- Quand on vous demandera des preuves de ce que vous avancez, vous tenterez de renverser la situation en prétendant que c’est aux sceptiques de prouver que vous avez tort. Ignorant l’impossibilité logique de prouver la validité d’une proposition négative, vous considérerez même avoir fait usage d’un argument très intelligent !

11- Vous commettrez la même erreur quand on vous demandera de défendre un seul exemple, d’analyser un seul des multiples « phénomènes étranges » que vous proposez : vous vous défilerez, prétendant que c’est aux sceptiques de faire des recherches à ce sujet.

12- Méprisant la démarche analytique, aimant les généralisations hâtives, vous prétendrez de toute façon qu’il ne sert à rien d’analyser chaque exemple, que les preuves sortent de l’accumulation d’éléments. Incapable de comprendre que la quantité ne fait pas la qualité, vous prétendrez que les sceptiques ne connaissent pas assez la question dans sa globalité pour s’exprimer.

13- Sommé de citer vos sources, vous ne vous exécuterez pas.

14- Si vous le faites quand même, et qu’on critique le caractère douteux de ces sources, vous soutiendrez qu’il n’y a pas de fumée sans feu, que la rumeur informe mieux que les sources officielles. Evidemment, vous ne connaissez rien à la sociologie, et ignorez donc que le taux de véracité des rumeurs tourne autour de 3%.

15- Si vos sources sont des témoins, et qu’on les rejette par principe sur la base du fait qu’un témoignage ne peut en aucun cas être considéré comme une preuve, vous prétendrez qu’on refuse d’étudier les faits ou qu’on insulte les témoins.

16- Mettant la subjectivité sur un piédestal et rabaissant l’objectivité chère aux scientifiques, vous considérerez au contraire que le témoignage, étant subjectif, nous révèle forcément une part de la réalité. Aussi ignorant en psychologie qu’en sociologie, vous ne savez évidemment pas que de nombreux psychologues ont étudié le témoignage, et montré à quel point il peut être sujet à d’énormes biais, à quel point il est difficile de trouver in témoignage juste.

17- Pour défendre la subjectivité, vous utiliserez la mécanique quantique, sans rien comprendre à ce que vous direz. Vous aimez disserter de l’influence de la conscience de l’observateur sur le déplacement des électrons. Si on vous fait remarquer que c’est là une interprétation rejetée par la quasi-totalité des physiciens, votre conviction sera renforcée par cette opposition de la « science officielle ».

18- Désormais fier de votre incompétence scientifique, vous utiliserez abondamment la mécanique quantique, la théorie du chaos, le théorème de Gödel ou tout autre théorie que vous ne comprenez pas, comme base théorique de nombreux phénomènes paranormaux.

19- Quand on vous montrera vos nombreuses erreurs de raisonnement, vous tirerez fierté de notre incapacité à comprendre votre méthode.

20- Quand on vous fera remarquer que votre méthode n’est pas valable et rend toute discussion impossible, vous conspuerez les sceptiques pour leur attitude bornée.

Celui qui correspond plus ou moins à ce modèle arrivent souvent ici en postant d’interminables messages très confus, bourrés d’affirmations gratuites. La plupart du temps au bout de quelques semaines ou quelques mois, après s’être fait ridiculiser, il repart la queue basse, prétendant qu’il n’a jamais cherché à nous convaincre, que de toute façon lui il connaît la vérité et ça lui suffit ; voire même qu’il n’est là que pour s’amuser en lisant les erreurs des sceptiques. Le tout sera généreusement enrobé d’insultes.
Il apparaît donc vite évident qu’il n’est là que pour faire passer sa frustration sur les sceptiques, et que la discussion ne l’intéresse pas. Il ferait alors mieux d’abandonner ce forum avant même de commencer à y poster, car nombre d'autres sont passés avant lui, avec les mêmes croyances, les mêmes attitudes, la même « méthode » et les mêmes insultes. Personne ici n’a envie de lire une énième fois la même argumentation fumeuse.

Pour ceux à qui il reste un soupçon d’esprit critique, et qui veulent réellement comprendre certaines raisons du scepticisme, je conseille la lecture de « La réalité de la réalité - confusion, désinformation, communication », du psychologue P. Watzlawick.
Un ouvrage qui décrit quelques-uns des biais fondamentaux de la pensée et de la communication, ceux qui peuvent engendrer des croyances ou une vision du monde un peu tordue voire totalement « psychotique ». Par exemple la tendance à préférer les explications complexes (même si elles sont fausses) aux explications simples (même quand on a pu vérifier qu’elles étaient justes !). Il y a aussi la tendance à imaginer un ordre caché derrière des événements entièrement dus au hasard, ou encore la facilité avec laquelle nous adoptons des hypothèses auto-validantes, renforcées par chaque nouvelle tentative de réfutation. Et bien d’autres tares propres à l’intuition, dont nous sommes tous victimes, et qu’il faut combattre pour pouvoir prétendre réfléchir correctement. Le tout est bien entendu appuyé sur la description de nombreuses expériences réalisées par des psychologues.

Pour les paranoïaques qui croient que les « sceptiques » ne lisent que de la « littérature sceptique » écrite par eux et pour eux, et qui constitue leurs « textes sacrés », bases de leur « croyances » : je précise que ce livre n’est pas de la « littérature sceptique », la critique du paranormal n’est pas son propos. C’est un ouvrage de psychologie très connu et étudié dans pas mal d’universités (notamment en communication).


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