Ton argument en 3 parties:
1- Denis:"On essaie de quantifier le quotient des "valeurs" d'un homme moyen et d'un individu (moyen) de l'espèce X. On note par N le nombre d'individus de l'espèce X qu'il faut pour équivaloir un seul humain."
K: Dans le mille! C'est bien ce calcul, cette quantification de la vie humaine sur une échelle mesurée en vie animale qui m'a fait dresser les cheveux sur la tête.
Je t'ai fait une fleur en transposant un modèle qualitatif en modèle quantitatif. En principe, je n'aurais pas eu le droit de faire ça. Pour transposer du qualitatif en quantitatif, il faut réduire l'objet à une seule de ses dimensions, une de ses dimensions qui se quantifie. Je peux par exemple réduire l'homme à son poids. Dans ce contexte, ça prend à peu près 2 gros chiens pour faire un homme. Tu comprends qu'en réduisant un homme à son poids, on perd sa substance essentielle. Je crois que tout objet peut être techniquement quantifié en acceptant dans sacrifier la substance. Mais la substance est-elle quantifiable? Je ne crois pas! C'est ce que j'ai voulu te faire sentir par mon N= l'infini.
Mais continuons d'analyser ta démonstration...
2- Denis: "...selon ta solution, il existe un "temps critique" T tel que N(t) = l'infini (si t > T) et N(t) = 1 (si t < T). Il y aurait une discontinuité (un saut brusque de l'infini à 1) quand t traverse la valeur critique T. En mots, ce T est l'âge du "premier homme".
Essayons de mettre la loupe mentale sur l'espèce XT, celle où (selon toi) N(t) tombe brusquement de l'infini à 1. Le père était 100% bête et le fils est brusquement 100% homme. C'est bien ça? Je t'ai bien interprété? C'est bien une conséquence nécessaire de ton modèle qualitatif?"
K: Oui, c'est logique! C'est une nécessité qui découle du risque que j'ai pris en transposant mon qualitatif en quantitatif.
Il y a pourtant de petites difficultés qui s'inscrivent dans ce pivot de ton argument. Tu transposes mes propos dans la sphère de l'évolution. Par cette procédure tu veux mettre en lumière une incongruité de mon modèle ("la place ou sa coince", comme tu dis). Mais la transposition dans la sphère de l'évolution pose des problèmes particuliers : D'abord, celui du critère. À partir de quel critère établit-on que l'homme arrête d'être un préhomme et devient un homme? Je ne crois pas que personne ait trouvé une réponse satisfaisante à cette question. On n'a pas à notre disposition de préhommes pour faire une étude comparative. On n'a que des bouts d'os enterrés depuis pas mal de temps. Les critères actuellement en vigueur sont donc des critères arbitraires, choisis temporairement sur une base anatomique, par simple commodité.
Dans ton argument, tu me prêtes un critère que je n'ai pas choisi : le temps "T". Il y a certainement un temps T où le préhomme arrête d'être un préhomme et devient un homme, mais le temps n'est qu'une coïncidence. L'homme n'est pas un homme à cause du temps, mais à cause de ce qui fait sa substance. C'est plutôt là qu'est la limite de mon modèle. C'est là que mon modèle coince. Je suis bien incapable de te dire à partir de quel critère je pourrais établir qu'un préhomme est devenu un homme au sens moral.
Ensuite, la transposition évolutionniste pose le problème du status moral des préhommes. Les préhommes sont-ils des animaux au même titre que ta chatte? Je crois comprendre que c'est sur cette ambiguïté que tu puises tes munitions. Tu cherches une échelle de continuité de "valeur" entre l'animal et l'homme dont les préhommes seraient les échelons intermédiaires. En régressant dans l'évolution on en arriverait à une unité fondamentale à partir de laquelle mesurer la valeur de l'homme en unité animale. C'est très ingénieux intellectuellement. Il y a différentes façons pour moi de contourner la difficulté. Je choisis la plus simple (va voi plus loin ...)
3- Denis: "Là où je prétends que ta théorie coince, c'est sur les différences qu'il y a entre ton premier homme et son père. Je prétends que si on allait les chercher tous les deux (disons par magie, au même âge) et si tu pouvais les étudier à ton goût, tu serais absolument incapable de dire qui est le père (avec N = l'infini) et qui est le fils (avec N = 1). Penses-tu vraiment que tu pourrais les distinguer? Comment?"
K: En pratique, non! En théorie, oui!
En pratique, je ne peux pas parce que je ne dispose pas du critère me permettant de distinguer le préhomme de l'homme. En théorie, par contre, je puis imaginer que les formidables moyens que tu mets à ma disposition (faire venir des préhommes par magie) me permettraient de développer un critère objectif et non arbitraire pour effectuer la distinction.
Pour finir, je t'ai ouvert une belle porte en transposant mon modèle qualitatif en modèle quantitatif. Sur le forum on ne fait que s'amuser, mais ce genre d'exercice comporte un danger. Le danger de quantifier est le danger de commencer à établir des comparaisons entre les individus.. Eu égard aux conflits qui animent continuellement les rapports humains, cela ouvre la porte à la discrimination. Nous somme chanceux de ne pas pouvoir nous reproduire avec d'autres espèces animales. Cela nous donne un critère contemporain pour établir facilement et clairement la distinction entre les animaux et les êtres humains et pour concevoir des lois qui protègent tous les êtres humains, sans distinction, contre les discriminations les plus odieuses.
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