J'espère que nos amis du forum ne m'en voudront pas d'avoir utilisé leur espace pour ce message personnel, mais il était important que je sois sûr qu'au moins mes remerciements vous parviennent.
Je ne vais évidemment pas passer sans suggérer quelques mots sur le thème en cours : le silence. D'autant que c'est lui que, pour ma part, j'avais choisi de guetter, ce qui supposait que je commence par me taire moi-même. J'ai entrepris d'imprimer tous les messages de l'un des fils de débat, pour essayer de comprendre l'histoire de ce segment de conversation, et il me semblait qu'ou bien la conversation ne continuerait qu'en abandonnant les questions abordées, ou bien s'éteindrait au moins provisoirement. Je n'ai pas encore pu conduire sérieusement l'analyse de ce corpus -- dans les limites bien sûr de mes possibilités d'analyse-- mais il est clair que j'ai toujours eu l'intention de soumettre mes conclusions au forum si conclusions il y a.
Ce sentiment, ou cette hypothèse, venait en gros de la considération suivante, qui sans doute doit beaucoup à une manie, voire une déformation, personnelle. Il s'agit du rapport entre le global et le détail. Pour ma part, je ne sais pas penser sans passer sans cesse de l'un à l'autre , et il me semblait que nos débats privilégiaient les idées générales, en évitant passablement de décortiquer jusqu'à pressurage les éléments précis , localisés, particuliers, avec lesquels pourtant l'idée générale est construite. Peut-être puis-je risquer de le dire autrement -- mais il faut l'avouer, c'est l'un de mes thèmes de travail-- : beaucoup de synthèses et peu d'analyses.
Cette dernière formulation me donne l'occasion d'un clin d'oeil en direction de Gaël : l'herméneutique chez Mircea Eliade, auteur qu'il apprécie tant , ainsi que son ami de jeunesse Emil Cioran , revendique explicitement l'excellence de ce type de construction intellectuelle - en ce milieu synonyme de spirituelle -- méprisant passablement les analyses -- les analystes ne sont que des tâcherons de la pensée, pourrait-on dire, des cueuilleurs de faits à déposer dans le chaudron alchimique de l'herméneute...mais je me laisse aller , stop ! -- qui élimine au maximum , entre la sensation l'intuition et la synthèse, l'étape intermédiaire de l'analyse.
Il se trouve qu'à mon premier contact avec le forum, il m'avait semblé que de l'attitude de Gaël il devait être possible d'aboutir à l'univers éliadien, et c'est en fait, au début, ce que je voulais vérifier : je fais ce genre d'expérience chaque fois que c'est possible, un DEA récent - en dépit de mon grand âge-- et un doctorat en cours ayant utilisé l'univers éliadien comme zone principale d'exploration. L'expérience fut concluante, Cioran et Eliade sont vite intervenus.
Ceci peut introduire un second élément pouvant conduire au choix du silence, mais ce second élément est tout aussi susceptible que le premier de n'être qu'un travers personnel. Il se trouve que suite aux circonstances qui m'ont fait rencontrer les éliadiens, cette étude de Mircea Eliade , et zones plus ou moins voisines, s'inscrivait pour moi dans le thème général d'une tentative de décryptage de quelques mécanismes de l'horreur. C'est trés certainement ce qui fait que je suis mal à l'aise devant un certain dilettantisme , ou détachement aristocratique, lorsque je crois, à tort ou à raison, que nous nous situons au coeur de cette réalité. Mais peut-être que j'exagère, et que tout simplement je ne suis plus capable de considérer que le penseur puisse être plus important que l'objet pensé.
Ne suis-je pas déjà trop long ?
Alors pour conclure en revenant sur le terme même de sceptique, il me semble que le scepticisme se présente parfois comme une zone de facilité, lorsqu'il est choisi pour , passant par la juste relativisation des vérités, se dévoyer vers la dispense d'avoir à chercher du vrai .
Allez, soyons un peu verbeux-pompeux : même l'incapacité à énoncer des vérités ne dispense pas de chercher à devenir vrai . Autrement dit, pour moi le scepticisme de méthodologie systématique ne réduit en rien , -- et en fait tout au contraire--, l'exigence éthique .
On l'aura noté, il y a contradiction apparente dans mon penseur-objet pensé--devenir vrai . Pas du tout, si on rejoint Gaston Bachelard dans la dialectique objet-sujet mise en oeuvre par le super-rationalisme, comme il disait .
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