"Il faut supposer bien plus de choses, alors que les ressemblances dues aux liens de parenté sont une évidence. Vous ne croyez pas?"
C'est une hypothèse, pas une évidence. Je suis de l'avis de Johnson qui pense qu'il y a confusion entre affinités entre les espèces et descendance avec modification. Les premières ne prouvant pas la seconde.
"L'analogie est moins trompeuse que vous croyez car vous parlez de physique newtonienne alors que je parlais de relativité einsteinienne; les pommes qui tombent ne soutiennent pas particulièrement la relativité."
L'analogie est trompeuse au niveau de l'observation. J'ai bien écrit (c'est de Johnson), nous observons directement que les pommes tombent lorsque nous les lâchons, mais nous n’avons jamais observé directement d’ancêtre commun pour les singes et les hommes modernes.
"Vos limitations micro-/macro-évolution sont des barrières pûrement rhétoriques dans le sens ou rien ne les justifie."
Rien ne justifie non plus le contraire à part la philosophie uniformitariste. Johnson prend pour exemple les différences entre la physique newtonienne, la relativité et la mécanique quantique qui montrent (je n'ai pas de compétences en la matière pour tenter de développer la pensée de Johnson) ce qu'une telle supposition aurait d'arbitraire.
"J'ai une remarque générale: à cause de la manière dont vous présentez les choses, il est difficile de savoir ce qui est de Gould, ce qui est de Johnson et ce qui est de vous. Pourriez-vous, s'il-vous-plaît m'aider à retracer qui a dit quoi."
A partir de l'endroit où j'ai écrit "suite du résumé", il n'y a rien de moi et les paragraphes entre guillemets sont de Gould.
Suite du résumé (en fait je n'ai pas résumé par craintre d'omettre une pensée importante) :
Gould et Futuyma indiquent eux-mêmes comment répondre à cette question. De l’époque de Darwin jusqu’à aujourd’hui, les biologistes évolutionnistes ont cru q’une ascendance commune se reconnaissait par l’homologie, notamment au niveau du développement embryonnaire. Si les caractères homologues sont les vestiges d’un ancêtre commun, on doit pouvoir les rattacher à des parties embryonnaires communes. Inversement, si l’on peut montrer que des parties qui apparaissent comme homologues dans les organismes adultes se sont développées très différemment dans l’embryon, on a la preuve qu’elles ont évolué séparément, et qu’elles ne sont donc pas héritées d’un ancêtre commun. Cette notion de la correspondance entre homologie dans les formes adultes et embryonnaires semblait si incontournable que Darwin, dans la 6ème édition de l’Origine des espèces définit l’homologie comme : « la relation entre les parties qui résulte de leur développement embryonnaire correspondant. » Les gènes étaient inconnus à l’époque de Darwin, mais dans la même logique, les biologistes modernes supposent que des développements embryonnaires similaires dans deux espèces sont eux-mêmes contrôlés par des gènes homologues.
La définition de l’homologie par Darwin reflétait la croyance, largement répandue chez les évolutionnistes, qu’il existe une relation profonde entre l’ontogenèse et la phylogenèse – c’est-à-dire entre le développement embryonnaire d’un organisme et son histoire évolutive. Ce concept est exprimé par la loi « biogénique » d’Ernst Haeckel : « L’ontogenèse récapitule la phylogenèse. » Le fait que les embryons repassent par des formes ancestrales – par exemple, que le fœtus humain passe par les étapes du poisson et du reptile – n’a jamais été clairement établi, et les embryologistes ont finalement mis cette loi de côté. Néanmoins, ce concept était tellement plaisant du point de vue théorique qu’il fut présenté à des générations d’étudiants en biologie comme un fait établi. Gould se rappelle avoir appris la formule durant ses études, cinquante ans après que la science l’eût enterrée.
Bien que la loi de Haeckel ait été discréditée, une autre interprétation entre ontogenèse et phylogenèse survit sous le nom de loi de Von Baer. Cette hypothèse soutient que les ressemblances entre embryons reflètent les niveaux de classification biologique, de telle sorte que tous les vertébrés, par exemple, se ressemblent dans les premiers stades de leur développement, mais se différencient de plus en plus lorsqu’ils se rapprochent de leur forme adulte. L’affirmation de Futuyma citée plus haut résume la loi de Von Baer (avec de forts relents de la loi de Haeckel). Darwin lui-même avait démontré ce point avec son éloquence habituelle. Déclarant que les faits de l’embryologie « ne cédaient la place à aucun autre » par leur importance dans sa théorie, il faisait remarquer que l’embryon est « une image plus ou moins obscurcie du géniteur [l’ancêtre] (dans sa forme adulte ou larvaire) de tous les membres de la même classe. » Toute exception à cette règle de la ressemblance des embryons dans leur premières étapes, croyait Darwin, pouvait s’expliquer comme des adaptations, survenues au stade larvaire, à des environnements différents. Puisqu’une larve doit se battre pour sa nourriture, et survivre à ses prédateurs, elle peut être modifiée par la sélection naturelle, même si les étapes ultérieures ne sont pas modifiées.
Cette affirmation découle logiquement de la compréhension darwinienne de l’homologie. Si les similitudes héritées d’une forme ancestrale peuvent être imputées à des processus communs d’évolution et à des gènes communs, il est logique de s’attendre à ce que ces caractéristiques ancestrales soient générées très tôt dans le développement embryonnaire. Les différents organismes d’un même groupe (comme celui des vertébrés) doivent débuter leur vie comme des organismes relativement semblables, puis développer leurs caractéristiques divergentes plus tard. Tout comme la loi de Haeckel, cette théorie est tellement séduisante qu’elle a été enseignée à des générations d’étudiants en biologie comme s ‘il s’agissait d’un phénomène évident et vérifié.
Malheureusement, les faits ne s’accordent pas vraiment avec ce préjugé théorique. Loin d’apporter la confirmation simple que Futuyma suggère, les modèles embryonnaires introduisent une énigme monumentale. Il est vrai que les vertébrés passent tous par un stade embryonnaire où ils se ressemblent, mais ils se développent jusqu’à ce stade de manière très différentes. Après qu’un œuf de vertébré ait été fécondé, il passe par un schéma de division cellulaire caractéristique de sa classe : les poissons suivent un schéma, les amphibiens un autre, les oiseaux un autre, et les mammifères un autre encore. Les différences ne peuvent pas être expliquées comme des adaptations larvaires, puisque ces schémas précoces se produisent avant même que la larve ne se forme : ils ne sont donc apparemment pas exposés à la sélection naturelle. En fait, on ne peut accorder la théorie de Darwin aux faits de l’embryologie qu’en ignorant ces premiers stades du développement, alors que, selon Darwin, c’était précisément ces premiers stades qui étaient les plus significatifs !
Les stades ultérieurs de développement embryonnaire s’accordent mieux aux attentes darwiniennes que les stades initiaux. Les ressemblances entre les structures osseuses des membres des vertébrés semblent suggérer une origine commune. Comme Gould le demande si éloquemment, comment peuvent-ils se ressembler s’ils ne descendent pas d’un ancêtre commun ? Mais dans une perspective darwinienne, la continuité généalogique devrait être reflétée par la continuité dans le développement. En d’autres termes, les similitudes dans les structures des membres adultes devraient découler d’une répétition des mêmes schémas ancestraux de développement des membres de l’embryon. Malheureusement, des comparaisons détaillées du développement des membres chez les poissons, les oiseaux, les amphibiens et les mammifères montrent que cela n’est pas le cas. Au contraire, les cellules embryonnaires qui formeront les membres possèdent des schémas de division, de bifurcation et de production de cartilage qui diffèrent d’une espèce à l’autre et ne se conforment pas aux prédictions de la théorie de la descendance commune. En se basant sur des critères embryologiques, les similitudes entre les membres des vertébrés ressemblent plus à des analogies qu’à des homologies, et ne renforcent pas l’affirmation de Gould selon laquelle ces variations seraient héritées d’un ancêtre commun.
Ainsi, il est bien connu que des embryons de vertébrés se développent suivant des chemins séparés, pour converger, dans leurs apparences, vers le milieu de leur développement ; ensuite, ils divergent de nouveau jusqu’à générer en fin de compte (de manières différentes) des structures osseuses similaires dans leurs membres. Certes, on conçoit que les darwinistes trouvent des moyens de mettre leur théorie en conformité avec ces faits déroutants, puisqu’ils supposent a priori que la théorie est vraie. Ce n’est pas la question qui nous intéresse maintenant. Ce qui est remarquable, c’est que les données de l’homologie et de l’embryologie ont été présentées comme des confirmations directes du « fait de l’évolution », alors que ce n’est pas du tout le cas. Si l’embryologie est le meilleur guide vers la généalogie, comme le pensait Darwin, le guide semble nous dire que les vertébrés ont des origines multiples et n’ont pas hérité leurs similitudes d’un ancêtre commun.
A suivre ...
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