Les éléments génétiques nécessaires à la fixation de l'azote existaient sans doute bien avant l'appariton des légumineuses sur terre. Comment se sont-ils retrouvés dans une bactérie qui vit en association avec ce groupe de plantes, nul ne le sait, mais on peut imaginer des scénarios qui sont possibles. Rhizobium a peut-être acquis ces gènes par un transfert horizontal, chose courante chez les bactéries. C'est ce que suppose l'article que j'avais mentionné dans un autre message (Séquençage de Sinorhizobium meliloti) puisque la plupart des gènes liés à l'association sont regroupés sur deux plasmides, structures génétiques qui peuvent se transmettre d'une bactérie à l'autre. On sait aussi qu'il a dû y avoir partage de gènes entre la plante et la bactérie au cours de l'histoire de leur association. Agrobacterium, une bactérie parasite des plantes très proche de Rhizobium est reconnue pur insérer certains de ses gènes dans le génome de la plante hôte (on l'utilise en génie génétique pour cette propriété).
Rhizobium était peut-être aussi à l'origine une bactérie fixatrice d'azote vivant librement dans la rhizosphère. Comme toutes ces bactéries, elle fixait l'azote pour répondre à ses propres besoins en acides aminés. D'ailleurs, je ne suis pas certain que Rhizobium n'utilise pas, comme vous l'affirmez, l'ammoniaque qu'elle produit pour synthétiser ses propres acides aminés. La plante lui offre surtout l'environnement anaérobique nécessaire au bon fonctionnement de l'enzyme responsable de la fixation (la nitrogénase). La bactérie trouve dans la plante une source de carbone lui fournissant de l'énergie et l'anaérobie nécessaire au bon fonctionnement de sa nitrogénase. La plante, elle, profite de l'aubaine de cette source d'ammoniaque.
Je ne prétends pas savoir en détail comment s'est établie cette symbiose, comment s'est développée, étape par étape, la communication chimique entre la plante hôte et la bactérie. Je dis simplement que la chose est possible, qu'elle a pu commencer d'une façon très simple et se complexifier avec le temps par coévolution jusqu'à atteindre le niveau actuel d'intégration entre les deux partenaires. On ne peut pas parler de complexité irréductible puisque chacun des deux partenaires peut vivre sans l'autre et qu'on peut imaginer des étapes intermédiaires plus simples et viables à la mise en place de cette symbiose.
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