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Re: Par qui ? -- F. Tremblay
Posté par Platecarpus , Aug 20,2002,15:26 Index  Forum

Il faut évidemment que vous vous souveniez que, pour un créationniste, le mot "prouver" n'a pas le même sens que pour nous.

La preuve de "l'impossibilité de l'abiogenèse" tient en trois volets pour le créationniste lambda, tous trois aussi farfelus les uns que les autres :

Premier chant : Les expériences de Pasteur, montrant que la génération spontanée est impossible - autrement dit, que des bactéries ne se forment pas spontanément dans un peu d'eau : il faut qu'elles proviennent d'autres bactéries, qui elles-mêmes, etc. Les créationnistes essaient souvent de faire croire que l'abiogenèse est l'équivalent de la génération spontanée, donc qu'elle est impossible. En réalité, il y a beaucoup de différences entre les deux : la génération spontanée était censée avoir lieu dans l'eau pure - alors que l'abiogenèse, elle, nécessite un mélange beaucoup plus riche (et l'apparition préalable de molécules organiques : acides aminés, sucres...). L'abiogenèse est censée avoir commencé avec des structures très simples (semblables aux coacervats qui se forment spontanément quand on synthétise des molécules organiques en laboratoire) qui ne seraient devenues des cellules modernes qu'après une longue sélection cumulative s'effectuant sur de nombreuses mutations ; la génération spontanée, elle, est vue comme un mécanisme instantané - l'émergence ex nihilo de petits micro-organismes dans de l'eau distillée en quelques heures. Rien ne saurait être en réalité plus éloigné de l'abiogenèse, et l'amalgame entre les deux est très malhonnête.

Deuxième chant : les calculs probabilistes. Ils calculent la probabilité qu'une molécule organique très complexe (idéalement, telle ou telle protéine connue ou un brin d'ADN) se forme spontanément par hasard, en une seule étape. Ces probabilités sont très faibles - mais elles ne valent rien, car le hasard qui est à l'oeuvre dans l'évolution n'est justement pas "en une seule étape" : c'est un hasard maîtrisé, canalisé, sculpté par la sélection naturelle. Le hasard est le matériau brut, et la sélection est le sculpteur, si l'on veut. Calculer la probabilité que l'ADN ou une cellule vivante se forme par seul hasard en faisant abstraction de la sélection est comme calculer les chances pour qu'une pierre quelconque ait par hasard la forme de la vénus de Milo en oubliant le sculpteur : un non-sens.

Troisième chant : Les expériences. On n'a jamais pu fabriquer de cellule vivante, ni d'ADN, ni d'ARN - pas même une seule nucléotide, c'est dire ! Les évolutionnistes citent souvent deux arguments pour contrer cette affirmation : pour que l'abiogenèse ait eu lieu, il a fallu du temps, beaucoup de temps - des millions de fois plus que nous n'en avons avec nos expériences ; de plus, les conditions qui règnent de nos jours sont différentes de celles qui prévalaient dans la Terre primitive. Si nous n'avons ni le temps, ni le matériau nécessaires, alors quoi d'étonnant à ce que nous n'arrivions à rien ?
Ces objections sont valables, mais il ne faut pas en oublier une troisième : nous n'arrivons pas à rien. Nous synthétisons sans problème des bases, des sucres, des phosphates (les trois types de "briques" de l'ADN et de l'ARN), des lipides et même des "proto-protéines" (ou protéinoïdes). De plus, quand on synthétise ces molécules, elles ont spontanément tendance à s'organiser en petites structures sphériques - les vésicules ou coacervats prébiotiques dont j'ai parlé plus haut. Celles-ci possèdent une "membrane" dont la constitution est identique à celle des véritables cellules et possède exactement les mêmes propriétés. En les faisant baigner dans d'autres molécules organiques synthétisées, on voit émerger un proto-métabolisme stupéfiant - les vésicules prébiotiques ont même la capacité de se répliquer et de "muter", exactement comme le font les cellules vivantes. Leur capacité à subir des mutations a un autre avantage : puisqu'elles varient spontanément, les vésicules prébiotiques peuvent être soumises à la sélection naturelle. En fait, elles rappellent de manière frappante certaines petites bactéries quand on les observe au microscope - et, au bout de quelques jours, on voit effectivement apparaître des "vésicules mutantes" plus efficaces que les autres, qui sont favorisées par la sélection naturelle.
Maintenant, imaginons ce que donnerait le même mécanisme opérant à l'échelle des millions, des milliards d'années : est-il exagéré de supposer qu'une structure ressemblant à une des bactéries connues aujourd'hui puisse finir par émerger ? Il a été montré que les différents "stades intermédiaires" entre la vésicule et la cellule étaient fonctionnels : même sans ADN, on sait qu'une cellule dont le métabolisme et l'hérédité seraient basées sur le seul ARN auto-réplicateur (ou ribozyme) serait déjà très efficace. Bien sûr, celui-ci n'est pas apparu en premier : il est issu d'une longue sélection au sein des vésicules prébiotiques - et c'est en évoluant que les "cellules à ARN" ont fini par donner naissance aux cellules à ADN, ARN et protéines que nous observons aujourd'hui.

Si l'on considère ces faits, il est tout simplement faux de dire que l'on n'est "arrivé à rien" en matière de chimie prébiotique. Les résultats obtenus sont au contraire sans ambigüité.

Les arguments des créationnistes se situent aussi à d'autres niveaux : il y a leur recyclage de la deuxième loi de la thermodynamique, selon laquelle un système fermé sans apport d'énergie évolue spontanément vers la désorganisation. Les créationnistes suppriment les mots "fermé" et "sans apport d'énergie" pour dire que "tout système évolue vers la désorganisation", ce qui est évidemment faux. Ils affirment aussi qu'aucun système organisé n'émerge spontanément ce qui est totalement faux - les systèmes auto-organisés (cristaux, structures dissipatives...) qui émergent spontanément ne suffiraient pas à eux seuls à prouver l'abiogenèse, mais ils sont très efficaces pour disqualifier les affirmations erronées des créationnistes.

Enfin, leur dernier argument est : une citation extraite d'un Pour la science de 1977. Inutile de préciser ce que ça vaut...


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