Julien : Non, je ne crois pas à la magie, j’ai le droit. Je ne vois pas de domaine scientifique qui soit né de l’étude des systèmes organisés qui émergent sans cause, aléatoirement. Je ne connais pas de loi ou principe scientifique traduisant le phénomène de l’apparition spontanément d’une organisation.
Oh, vous n'avez jamais entendu parler de la physique des systèmes auto-organisés ? Ilya Prigogine (prix Nobel 1977), Stuart Kauffman, ça vous dit quelque chose ? Non ? C'est un domaine d'étude très sérieux et en pleine expansion (Prigogine et Kauffman - les plus en vue parmi beaucoup d'autres chercheurs venus de la thermodynamique, de la physique, de la chimie, de la biochimie... - ont écrit plusieurs livres et de nombreux articles (vous savez, les articles scientifiques, ces affreux tracts de propagande intégriste...) sur ce sujet).
Platecarpus : J'apprécie votre façon de noter « hasard » entre guillemets. Parce que vous savez très bien que l'évolution ne se fait pas au hasard.
Julien : Non, vous êtes loin de la réponse !
Parce que vous, vous la connaissez ? Vous ne comprenez même pas les bases de la théorie de l'évolution (je vous rappelle que vous m'avez sorti que la sélection naturelle était un phénomène aléatoire) mais vous êtes au courant du dernier mot à ce sujet ?
Les mutations se font réellement au hasard.
Et ne sont pas le seul moteur de l'évolution. Rien de plus déterministe que la sélection naturelle. Quant à l'origine de la vie, c'est encore un point obscur, mais désolé pour vous, la physique des systèmes auto-organisés se débrouille très bien sans intelligence extérieure.
J’ai simplement de la difficulté à dire « le hasard a fait ci ou n’a pas fait cela », parce que le hasard n’est pas qqchose, c’est l’inexistence d’une cause. Quand on parle d’évolution, on est contraint à mettre des guillemettes un peu partout.
Le hasard est l'inexistence d'une cause ??? Donc quand un dé tombe sur 6, l'événement qui se produit est dépourvu de cause, c'est ça ?
Non, plus sérieusement, hormis en mécanique quantique, le hasard ne correspond pas à l'inexistence d'une cause. La définition de Cournot ("le hasard est le produit de la rencontre de plusieurs séries causales indépendantes") est à ma connaissance plus valable.
Par contre, quand vous dites que Dieu n'a pas été créé et est situé hors du temps, c'est vous qui prônez l'acausalité. Pas l'évolution. Ne confondez pas.
Platecarpus : Plus étonnant encore : leur code génétique est différent de celui du reste de la cellule.
Julien : Étonnant ! On passe au prochain scoop.
Un scoop ? Vous voulez que je vous sorte des découvertes en biochimie que j'ai faites moi-même, peut-être ?
Apparemment, vous n'aimez pas qu'on vous rappelle les données de base de la biologie cellulaire. Probablement pas parce que vous les ignorez (si vous lisez réellement les manuels de niveau deuxième année que vous citez à tout bout de champ, vous devez bien être au courant), mais probablement parce que vous vous êtes déjà donné assez de mal pour oublier qu'ils s'intègrent parfaitement au cadre de la biologie évolutive.
Par ailleurs, vous avez le droit de ne pas trouver ça étonnant, mais je crains que vous ne soyez le seul. Le code génétique est exactement le même pour tous les êtres vivants de la planète, à l'exception des mitochondries. Dites-moi, comment expliquez-vous ça par votre "intelligence créatrice" ? Les voies du Seigneur sont impénétrables, c'est ça ?
Julien : C’est la confusion totale ! La manière dont fonctionne les mitochondries est que leur ADN est séparé et différent de celui de la cellule, vous dites !?!?
Non, leur code génétique est différent. Je crois que vous confondez code et programme génétique. Ce n'est pas la même chose : le premier désigne la correspondance codons<->acides aminés. Or, cette correspondance n'est pas totalement identique dans les mitochondries par rapport aux gènes nucléaires : le code est différent (le programme - le génome - l'est bien sûr aussi, mais ça, c'est trivial).
C'est bien une différence de fonctionnement, puisque les protéines chargées de relier les ARN de transfert aux acides aminés ne fonctionnent pas de la même manière dans les mitochondries. C'est une donnée qu'il est possible de comprendre si on part du principe que les mitochondries sont des symbiontes extérieurs qui se sont progressivement intégrés à la cellule.
Je pensais que la MANIÈRE dont FONCTIONNE les mitochondries est de réutiliser l’énergie libérée de l’oxydation des glucides, acides gras et acides aminés pour l’investir dans la production de molécules d’ATP.
Bien sûr qu'elles le font. Est-ce que ça les empêche d'avoir un mécanisme de traduction de l'ADN différent ? Ca ne fait pas partie de leur fonctionnement, ça, peut-être ?
Julien : Et non, complètement dans le champs. Ce sont les principes de thermodynamique qui nous permettent d’étudier les voies métaboliques, pas l’évolution, quelle idée !!
Vous savez qu'il arrive que plusieurs disciplines soient utiles pour en éclairer une autre ? C'est le principe d'interconnection des sciences dont je parlais l'autre jour. (A moins que votre phrase ne soit à prendre au second degré. Mais à force, j'avoue que j'ai du mal à savoir quand vous êtes sérieux et quand vous plaisantez).
Julien : Vous jonglez avec les mots. Le rôle du mitochondrie est de produire de l’énergie et je le comprends en analysant le cycle de l’ATP et en constatant l’utilité des molécules d’ATP dans les réactions biochimiques au sein de la cellule. Je ne vois pas où l’évolution ou même la création m’aide à faire ces constats dans cet UNIQUE exemple que vous avez donné.
Non, mais je constate que le code génétique des mitochondries est différent de ceui du génome nucléaire (et du code génétique universel). Et c'est incompréhensible si on ne fait pas référence à l'émergence des mitochondries (car ça n'apporte aucun avantage fonctionnel).
Euh, … le « comment » de **l’existence** demeure philosophique et non nécessaire à la compréhension et la description. D’ailleurs vous n’avez pas le MOINDREMENT donné d’arguments démontrant que l’évolution sert réellement à tout comprendre et à tout décrire en biochimie puisque cette dernière repose sur l’évolution et qu’elle s’effondrerait sans l’évolution … Vous avez évité mes questions sur les propriétés des enzymes et le transfert de l’information qui sont deux points cruciaux en biochimie.
Evidemment, si vous restez dans les généralités de votre manuel de base(le seul bouquin de biochimie que vous ayez lu, peut-être ?), pas besoin de faire appel à l'évolution. La même chose est vraie de tout le reste de la biologie : les manuels de base ne mentionnent pas l'évolution (ou très peu : même les auteurs des manuels de base en paléontologie ont déjà assez de mal à inculquer les grandes divisions taxonomiques et l'échelle géologique aux étudiants pour ne pas s'embarrasser de notions ardues comme l'évolution).
Mais dès que vous entrez un peu plus dans les détails, il y a beaucoup de biochimistes qui travaillent sur l'origine et l'évolution de leurs objets d'étude. Et oui, certaines particularités moléculaires de la cellule ne sont compréhensibles qu'en regard de l'évolution (le code génétique des mitochondries n'est qu'un exemple parmi d'autres - la versatilité de l'ARN ou de l'hémoglobine en sont aussi). De la même manière, le simple fait que l'organisation et le fonctionnement cellulaires de base soient identiques dans l'ensemble du vivant ne peut être correctement interprété qu'au regard du fil conducteur qui unit toute la biologie - la parenté des espèces (et certainement pas un hypothétique "Concepteur commun" imaginaire).
Platecarpus : La symbiose amibes/bactéries infectieuses n'est pas un système ultra-complexe ? Si. Est-il le fruit d'une intelligence créatrice ? Non, puisqu'on l'a vu apparaître en laboratoire.
Julien : Vous pourriez nous dire où vous avez pris ça, merci. Avec plus d’information en main, j’imagine que le tableau n’est pas aussi beau que vous le laisser paraître, comme d’habitude.
Vous avez la mémoire courte. J'ai donné les références de cet exemple : Jean-François est allé vérifier, et il a posté un message pour confirmer que le résumé que j'en faisais était conforme aux faits. Par ailleurs, vous pouvez trouver mention de cette expérience y compris dans des manuels universitaires en microbiologie (si si, c'est dingue, hein ?). Personne ne vous a empêché d'aller vérifier : c'est d'ailleurs à votre demande que j'ai donné mes références. Visiblement, vous ne l'avez pas fait ; si votre seule base de raisonnement est votre imagination (« avec plus d'information en main, j'imagine que le tableau n'est pas aussi beau que vous le laissez paraître »), pas étonnant que vous continuiez à débattre bien que vous ayez perdu depuis longtemps déjà là-dessus.
Ça dépend, moi je parle surtout de systèmes organisés. Comparer des cristaux avec des organismes vivants est de la pure folie. Je ne sens pas le besoin de répondre à de telles niaiseries.
Magnifique argument ! Ce que vous appelez des "niaiseries" est le fait de plusieurs spécialistes de chimie organique et de la croissance des cristaux (Arthur Graham Cairns-Smith, Leslie Orgel...) qui ont effectué de nombreuses expériences pour mettre en évidence la capacité des cristaux d'argile à se reproduire, à muter et à suivre la sélection naturelle. C'est un champ de recherche très actif ; Cairns-Smith a publié plusieurs livres à ce sujet (y compris à des éditions universitaires).
En tout état de cause, personne ne nie que ces découvertes prouvent définitivement que l'apparition spontanée de systèmes organisés ayant des caractéristiques proches de celles des êtres vivants est un fait. Je pense que vous devriez écrire aux revues ayant publié leurs articles, aux éditeurs ayant diffusé leurs livres et aux auteurs en exigeant en droit de réponse et en écrivant : « Ce que vous dites est de la pure folie. Ce n'est même pas la peine que je me justifie à l'aide d'arguments, tellement ce que vous dites est niais. » Vous verrez bien s'ils acceptent.
Platecarpus : Le problème de description des systèmes biochimiques **se passe très bien de l'évolution** (pas besoin de savoir comment ce qu'on observe est arrivé là pour en faire une description précise ou une photographie).
Julien : Subtilement, vous progressez.
J'ai ajouté juste après que la description n'est pas tout en biochimie. Il faut aussi la compréhension - et c'est celle-là qui ne se passe pas de l'évolution. Bruno (auquel je fais plus confiance que moi sur ce sujet, dont il est spécialiste) ne dit pas autre chose.
Platecarpus : Cohérent et logique, c'est à dire créé ?? Vous nous les ferez toutes. Un cristal aussi est cohérent et logique, et il n'a pas été créé pour autant.
Julien : Quelle réponse brillante ! Le copié-collé Talkorigins. Le cristal est un « système » ordonné. La cellule, elle, est organisée, je veux dire que des parties différentes interagissent et que des fonctions résultent de ces interactions.
Retirez un élément de la cellule et vous diminuez la cohérence. Brisez un cristal et la cohérence (l’arrangement atomique) reste la même. Est-ce qu’on est d’accord ?
C'est vrai d'un cristal standard, très simple. Ce n'est pas vrai de la majorité des cristaux, plus complexes, chez lesquels on observe plusieurs parties à l'arrangement atomique différent : il y a des dislocations vis, des parties où certaines espèces chimiques sont remplacées par d'autres, etc. Ce sont ces particularités qui donnent lieu à quelque chose qui rappelle la transmission héréditaire chez certains cristaux - et qui en fait d'authentiques systèmes organisés.
Votre contre-argument est à peu près aussi valable que : "La cellule n'est pas un système organisée ! Brisez la macromolécule d'ADN, et l'arrangement en double hélice reste le même". Bien sûr que c'est le cas : simplement, réduire tout cristal quel qu'il soit à un arrangement atomique répétitif l'est autant que de réduire une cellule à son ADN.
Julien : « Si vous comparez une protéine avec N’IMPORTE QUELLE autre protéine (de ce génome) [contrairement à deux gènes pris au hasard] qui a un nombre d’acides aminées semblable, vous vous rendez compte qu’à la base (fréquence des acides aminées) la divergence est profonde. C'est-à-dire que la protéine ayant la fréquence d’acides aminées la plus proche est à en moyenne 40 acides aminés de différence. On ne parle pas de l’ordre des acides aminés encore !!
J'ai déjà donné mes contre-exemples de familles de gènes : les gènes Hox devraient suffire (il y en a évidemment beaucoup d'autres ; c'est, je le répète, une règle générale).
Ces gènes-là montrent exactement ce à quoi nous devons nous attendre si ces gènes sont issus de la duplication d'un gène ancestral : de longues séquences communes (évidemment, des gènes s'étant "séparés" évolutivement depuis plus longtemps peuvent tout à fait avoir des séquences très différentes. J'ai déjà expliqué en quoi cette donnée n'est pas un argument anti-évolution à : l'évolution, à long terme, permet parfaitement une large divergence des séquences, et ce malgré le faible ratio séquences utiles/séquences possibles).
(la suite est dans le message intitulé "deuxième partie")
--modified at Thu, Feb 13, 2003, 15:11:51
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