J'espère que cette lettre-ci se rendra. L'incident technique qui a saboté l'autre a creusé un cratère dans nos échanges. Essayons de le remplir.
STÉPHANE: Commerce ÉU-Europe = d'égal à égal (à peu près). A des conséquences négatives et des conséquences positives.
DENIS: Je n'ai rien à reprocher à ta formulation.
STÉPHANE: Commerce ÉU-Mexique +
1) exportations mexicaines: 1a) matières premières / alimentation: oui, esclavage (bin, 14 h par jour accroupi dans un champ ou dans une mine à 1.25$ de l'heure; répression violente; absence de démocratie. C'est quoi ta définition d'«esclavage»?). 1b) produits finis: salaires meilleurs, surtout dans les industries frontalières -- étatsuniennes (et canadiennes, d'ailleurs). La majeure partie des gains retourne aux ÉU, et l'industrie locale fond au soleil ou est de facto paralysée (combien a-t-on construit de voitures canadiennes depuis le pacte de l'auto? Zéro). Les travailleurs sont mieux payés et rejoignent la classe moyenne (mexicaine) ... temporairement. Depuis 2 ans les maquilladoras ferment à la pelle -- on a déjà trouvé moins cher ailleurs. Les travailleurs sont «expendable». Donc oui, ce sont des esclaves. Et maintenant, ce sont des esclaves sans emploi.
DENIS: On dirait que tu penses que le commerce ÉU-Mexique n'a QUE des conséquences négatives pour le Mexique et QUE des conséquences positives pour les EU. Est-ce ta position? C'est ma question #1.
STÉPHANE: 2) importations mexicaines: produits de luxe et produits usinés. Aucun effet sur le travailleur, si ce n'est que de ralentir le développement d'industries locales équivalentes.
DENIS: Moi, je continue à penser que la libéralisation du commerce international mène "naturellement" vers "à travail égal, salaire égal". On n'y est pas encore. Je suppose que le salaire horaire de la couturière du tiers-monde qui travaille pour une entreprise à capitaux étrangers est à mi-chemin (géométrique) entre le salaire horaire de la couturière artisanale de son village et celui de la couturière québécoise. Le développement socio-économique de la planète n'a pas été uniforme. Toutes les planètes habitées ont dû passer par là, je suppose.
Par solidarité humaine, il faudrait accélérer l'implantation du principe ATESE (à travail égal, salaire égal). Pour ça, il faudrait des syndicats transnationaux (puisque les employeurs le sont). D'après toi, un syndicat transnational des couturières pourrait-il fonctionner? C'est ma question #2.
Aussi, selon toi, quel salaire horaire devrait-on donner à un illuminé à la Kalashnikov qui se charge de bousculer, sur la rue, les dames dont la burqa a des trous plus grands que ce qu'autorise le dernier décret? C'est ma question #3.
Une anectote (lointainement liée à notre sujet): Il y a 3 jours, après une petite neige (~10 cm), "Ding! Dong!". Ç'était un garçon de 8~9 ans qui me proposait, pour $1, de déblayer mon chemin jusqu'au trottoir. Je lui ai proposé $2 s'il faisait aussi les 5 marches et le petit balcon. Contrat verbal. Après 10 minutes, re-Ding!Dong!. Je lui ai donné $3 et tout le monde était content. Qu'aurais-je dû faire? a) lui donner $20? b) ne pas contracter et pelleter moi-même? c) ce que j'ai fait? d) autre réponse.
Je n'en fais pas une question à numéro.
A-t-il été mon esclave? (pas de numéro non plus).
STÉPHANE: Malgré tout, je ne dis pas qu'il ne doit pas y avoir de commerce entre les pays industrialisés et les pays «en voie de développement» (euphémisme courant; ils se développent parce que plus de gens en mangent, et plus de gens en mangent parce qu'ils se développent...).
DENIS: Ta formulation imagée ne manque pas de punch. Ni de puissance évocatrice. Il faudrait vraiment accélérer l'implantation de l'ATESE. C'est ma thèse. Mais, pour y arriver, il faut impérativement trouver réponse à la question #3.
STÉPHANE: Je n'ai pas de solution miracle à proposer, et de toute façon on est en plein débat idéologique alors je suppose qu'on en sortira jamais,...
DENIS: Moi non plus. À part promouvoir l'ATESE, contrer l'explosion démographique et combattre le méga-terrorisme, je n'ai pas de solution miracle à proposer. Aussi, je pense qu'il faudrait essayer de défaire l'amalgame "justice-solidarité-charité". Tiens. Grosse Question #4. Fais-tu cet amalgame?
STÉPHANE: Il faudrait avant tout s'assurer de réaliser que tout n'est pas au mieux dans le meilleur des mondes et que le capitalisme c'est pas une oeuvre de charité. Il y en a qui se font fourrer à répétition et il faudrait peut-être se pencher sur la question.
DENIS: Tout à fait d'accord. Je n'aurais pas mieux dit ça. Reste à voir s'il faut niveler par le haut, par le bas, ou par le milieu.
STÉPHANE: Par ailleurs, comment peux-tu suggérer que les seules institutions à peu près démocratiques dont nous disposons (les gouvernements) renoncent à avoir un mot à dire sur la façon dont le commerce international s'effectue? Bizarre, pour quelqu'un qui s'est fait défenseur de la démocratie dans le monde.
DENIS: Il faut trouver un juste milieu entre l'overregulation (sclérosante) et l'underregulation (sauvage). Ces choses relèvent de l'ONU. Ils ont déjà plein de comités planchant sur l'explosion démographique. Il leur en faudrait d'autres pour aider à opérationaliser l'ATESE et à défaire l'amalgame de ma question #4.
Cordialités,
Denis
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