Et alors ? C'est de plus en plus fort, ce que vous nous dites ! Ce n'est même plus "vous n'avez pas donné votre référence", c'est "dans ma référence à moi [Pour la science, magazine de vulgarisation] ils n'en parlent pas ! Donc ça ne doit pas être un bon exemple."
>L’auteur, Christian de Duve semble un « plus que calé » sur le sujet (biochimiste, prix Nobel, auteur de plusieurs travaux sur la cellule et son origine).
Oui, c'est ça... Dans le petit monde de la biologie de l'évolution, Christian de Duve fait plutôt figure de marginal (il croit à un "progrès inhérent" à l'évolution et est membre de l'UIP, une organisation qui prône le concordisme entre foi et données scientifiques). Son prix Nobel, il l'a reçu (et parfaitement mérité) pour la découverte des lysosomes - qui représentait effectivement un travail remarquables (les lysosomes, Julien, sont des organites de la cellule eucaryote bourrés d'enzymes digestives). Mais c'est très loin d'être un grand ponte en ce qui concerne l'origine de la cellule eucaryote - pour ça, il n'arrive pas à la cheville de Lynn Margulis, par exemple.
>Ce n’est pas que vous avez tort sur l’existence d’eucaryotes sans mitochondrie, mais il faudrait les nommer et nous informer là dessus.
"Ce n'est pas que j'ai tort" ! Oui, encore heureux. J'ai donc la grande joie de vous annoncer l'existence de la petite Pelomyxa palustris, dépourvue de mitochondries. C'est bien, comme ça ?
>J’imagine que les biochimistes ont des raisons de ne pas retenir comme ancêtre potentiel ces eucaryotes sans mitochondrie dont vous parlez.
Ce ne sont pas des "ancêtres potentiels" - je ne pense pas qu'ils soient plus primitifs que d'autres eucaryotes, et à mon avis, ils ont même perdu secondairement leurs mitochondries. Cependant, ils prouvent que des stades intermédiaires peuvent exister et existent réellement - donc que la complexité des eucaryotes n'est pas irréductible, et que le gouffre n'est pas si infranchissable que ça.
>Événement 1 : Une mutation survient et elle n’est pas corrigée.
P1 : un nucléotide sur 1 milliard. 10E-9
Mais non ! Les mutations ne se limitent pas un mésappariement d'un nucléotide ! Les études empiriques ont montré que (tout type de mutations confondues) la probabilité pour un gène de muter se situe entre 10E-4 et 10E-6 (cela dépend de la cellule considérée, de ses mécanismes de réparation et du gène en question). Nous avons donc une P1 = 10E-5.
Quant à la probabilité de 10E-4 pour une mutation bénéfique, c'est une estimation "à vue de nez" - la véritable probabilité dépend de beaucoup de facteurs (dont l'environnement) est impossible à évaluer. Mais faisons comme si le chiffre était juste, et calculons notre
P3 = 10E-5 * 10E-4 = 10E-9
Donc un gène mute positivement une fois sur un milliard de duplications. Chaque être humain ayant 30 000 gènes, il existe donc :
N = 6 * 10E9 / 10E-9 * 30 000
soit
N = 6 * 30 000
soit 90 000 êtres humains porteur d'une mutation favorable ! (et ce quelles que soient les circonstances environnementales considérées) En réalité, il y en a plus, car, d'une génération à l'autre, il n'y a pas qu'une duplication de l'ADN : il y en a plusieurs. Comme je ne connais le nombre de divisions cellulaires entre le zygote et la méiose qui donnera les gamètes, je ne peux évaluer le nombre exact de mutations potentiellement favorables (d'autant plus que d'autres paramètres interviennent) - mais je sais déjà qu'il est nettement supérieur à 90 000 (Jean-François connaît peut-être une bonne estimation du chiffre exact ?) Merveilleux, non ?
>Si le taux de mutations (erreur de réplication) était assez élevé pour voir s’accumuler beaucoup de mutations bénéfiques, la population en mourrait.
Pas du tout, la plupart des mutations étant neutres ! En réalité, on considère que chaque être humain est porteur de quelques mutations originales (oui, même vous).
>Quoi ? Des microtubules ou un cytosquelette ?
Des microtubules - ma phrase parlait de ça.
>Justement, vous trouveriez fou de ne pas croire que le cycle de transformation du glucose en ATP (cycle si fondamental) ne soit pas apparu pas hasard à partir d’un endosymbionte (bactérie) ancestral.
Eh oui, je trouve ça fou, puisque d'innombrables procaryotes fabriquent de l'ATP.
> Je suis désolé, je ne crois pas que le hasard ait fait ça.
Vous croyez ce que vous voulez. Vous avez le droit de dire "je ne crois pas", mais en science, on ne marche pas avec des croyances.
>Pouvez vous me comprendre un peu ?
Mais oui, mais oui, je vous comprends.
>Une bactérie vivant à l’intérieur d’un phagocyte géant serait devenu partie intégrante de ce dernier impliquant sa duplication par la cellule ??? Elle serait devenu sa source d’énergie ? Aurait perdu presque tout son ADN ?
Oui. Au demeurant, on considère que la bactérie à l'origine des mitochondries n'a pas été phagocytée, mais était plutôt du type bactérie infectieuse - capable de s'introduire par elle-même dans une cellule.
>Comme ça, pour le plaisir ?
Non, pas pour le plaisir. Par mutations/sélections.
Considérez le scénario suivant : vous avez une paisible population de micro-organismes, qui se divisent dans la quiétude et la joie caractéristiques de ceux que nul doute n'habite. Mais un terrible danger les guette : en effet, un méchant agent infectieux se prépare à déferler sur les pauvres créatures.
La méchante bactérie pathogène saute donc sur l'occasion, et s'introduit à l'intérieur de nos malheureux unicellulaires - dont la plupart meurent après plusieurs jours de lutte. Certains, cependant, parviennent encore, malgré la présence de l'agent en question, à se diviser - mais lentement, et avec difficulté. Tous les micro-organismes rescapés de la population d'origine sont donc ceux qui, par hasard, bénéficiaient d'une mutation leur permettant de résister à l'envahisseur - mais tous en restent porteurs, donc malades.
Là, un jeu de sélection naturelle se met en place : seuls ceux qui sont capables d'ignorer superbement les pathétiques tentatives de l'agent pathogène pour prendre le pouvoir parviennent à donner un nombre conséquent de descendants. Mieux : certains sont même capables de tirer profit de la présence de cette bactérie qui tuait leurs congénères quelques générations plus tôt. Ceux-là se portent donc très bien, et continuent de se diviser comme si de rien n'était.
Parmi les bactéries, certaines savent plus ou moins tirer profit de leur association avec les micro-organismes devenus résistants. Elles se nourrissent à leurs dépens - ce qui était déjà leur "but" au départ - mais sans les affaiblir exagérement. Il y a donc contre-sélection en défaveur des bactéries qui ont des sursauts pathogènes ou qui ne savent pas plus ou moins vivre en harmonie avec leur ex-proie devenue hôte.
Le même processus se reproduit sur des milliers de générations. Finalement, chacun des deux organismes (hôte+bactérie) parvient si bien à tirer profit de la présence de l'autre qu'une symbiose, maintenue par des réseaux extrêmement complexes d'interactions, s'est mise en place. Les bactéries ont perdu une grande partie de leur patrimoine génétique - tous les gènes codant pour des protéines "inutiles" dans leur état de symbiotes (autrement dit, elles perdent la capacité à fabriquer ce qu'elles trouvent tout prêt chez l'hôte - phénomène extrêmement courant chez les parasites). Mais elles en gardent quelques-uns - ceux, justement, qui permettent aux cellules-hôtes de tirer avantage de leur présence. Finalement, les cellules-hôtes et les ex-bactéries pathogènes ne peuvent plus survivre si on les sépare. Les uns et les autres sont devenus des symbiontes si parfaits qu'on peut même parler d'un organisme unique. Ainsi seraient apparues les mitochondries.
Ce scénario vous paraît-il crédible ?
>Il s’agit des matériaux plus que des structures ou des mécanismes. [qui sont communs aux mitochondries et aux bactéries]
Non. C'est faux. Il n'y a pas que les matériaux qui soient communs aux mitochondries et à certaines bactéries : il y a aussi certains gènes. De plus, les mitochondries ont un unique chromosome circulaire de type procaryote. Le rapprochement est plus que justifié : il est évident.
>Hey ! Vous « over » simplifiez pas un peu là ? La structure, le stockage sont incomparable.
Incomparables ?? Non. Il existe bien quelques différences, mais elles sont minimes. D'ailleurs, il existe des eucaryotes sans histones et des procaryotes avec des chromosomes linéaires.
>Vous êtes d’accord que ces différences sont « profondes », plus, beaucoup plus que les ressemblances que vous avez évoquées ?
Non. Ces différences concernent des structures globales - c'est un niveau d'organisation de la cellule. Si vous descendez au niveau en-dessous (donc au niveau des structures plus fondamentales - donc plus "profondes"), vous vous rendez cependant compte que les structures en question sont formées des mêmes molécules organiques que les procaryotes. Je maintiens donc que les différences entre eucaryotes et procaryotes sont beaucoup plus superficielles que les ressemblances.
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