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Re:Pour Platecarpus


R: Pour Platecarpus -- André
Posté par Platecarpus , Jan 26,2003,16:42 Index  Forum

>Une seule petite mutation ne pourrait-elle pas suffire?

En effet. Ma phrase était surtout valable pour les changements "radicaux" - c'est à dire l'élaboration de nouvelles fonctions très complexes, impliquant l'apparition d'une structure optimale. Mais il est exact que des changements de fonction plus petits ont lieu en une seule mutation.

D'ailleurs, chez les organismes pluricellulaires, on sait que les plus petits changements moléculaires peuvent avoir les conséquences phénotypiques les plus énormes s'ils touchent certains gènes. Il suffit de substituer un seul nucléotide dans le génome d'une drosophile normale pour obtenir un individu sans tête mais avec deux abdomens placés symétriquement de chaque côté du thorax (inutile de dire que l'embryon n'est pas viable).

Autrefois, on considérait que ce type de changements dramatiques n'avait pas pu jouer de rôle important dans l'évolution. Fisher, qui était généticien et mathématicien, en avait fourni une démonstration merveilleuse dans les années 30 : les seules mutations à prendre en compte pour l'évolution étaient celles qui aboutissaient à de petits changements. Ce sont l'immense majorité des mutations - et il est toujours vrai que dans la plupart des cas, c'est une accumulation de petits changements qui est à l'origine des transformations évolutives.

Ceci dit, les choses sont devenues un peu moins claires récemment. Ca fait moins de vingt ans qu'on s'intéresse sérieusement aux relations entre biologie du développement et évolution, et il semble de moins en moins impossible que de vastes mutations homéotiques aient pu jouer un rôle important lors de rares épisodes de l'évolution. Par exemple, on sait que les insectes, qui n'ont pas de pattes sur l'adbomen, descendent de crustacés qui en avaient au contraire plusieurs paires. Le registre fossile documente relativement bien cette transition mais, curieusement, il ne montre pas de régression progressive des pattes abdominales. Cela ne signifie pas qu'il est incomplet : en réalité, on a montré très récemment qu'une seule mutation avait suffi à faire disparaître les pattes abdominales. Plusieurs données laissent penser qu'un mécanisme analogue a permis l'apparition des ailes des insectes (à partir de structures respiratoires qui ne sont présentes qu'à l'état larvaire des espèces aptères) et qu'il suffit d'un décalage dans l'expression de deux gènes Hox pour transformer une nageoire de poisson crossoptérygien en patte de pré-amphibien. Dans les deux cas, l'absence de transition fossile avait conduit à incriminer l'imperfection des données paléontologiques, alors que c'étaient les conceptions génétiques qui étaient fausses.

Mais ces exemples restent relativement isolés. Pour des raisons probabilistes simples (il est plus facile de gravir progressivement les collines du paysage adaptatif que de sauter n'importe où en espérant atterir sur le sommet d'un pic plutôt qu'au fond d'une vallée), l'accumulation de petites variations, chacune accomplissant une légère étape du changement de fonction, reste le mécanisme prédominant. Il a été observé à d'innombrables reprises, alors que les mutations homéotiques avantageuses (et même tout simplement viables) se comptent sur les doigts d'une main. Ensuite, dans de nombreux cas, le registre fossile montre bien l'apparition progressive de structures complexes (l'exemple classique est celui de l'oreille moyenne des mammifères, dont les trois petits osselets proviennent de la mâchoire des reptiles) montrant bien que le nombre de mutations requis était important.

--modified at Sun, Jan 26, 2003, 16:53:36

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--modified at Sun, Jan 26, 2003, 17:11:32


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