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La liberté d'expression, la démagogie et la mort


Posté par Kraepelin (K,Kraepelin), Mar 05,2003,23:32 Index  Forum

Pour relancer ce débat intéressant

La liberté d'expression est une valeur importante. Certaines valeurs sont aussi importantes et même plus importantes qu'elle. Le droit à la vie en est une.

J'encourage mon fils de 9 ans à dire ce qu'il pense, surtout lorsqu'il n'est pas content. Par contre, dans une salle de cinéma, si nous sommes les premiers à découvrir le commencement d'un incendie, je vais sévèrement limiter son droit de crier "AU FEU!"


Les passions primitives

Crier "au feu!", c'est mobiliser une peur viscérale communicative et provoquer un mouvement de panique dans une foule. Le risque de mourir piétiné est plus grand que le risque brûlé ou asphyxié par la fumée. On doit limiter la liberté d'expression si cette liberté met en danger la vie des gens.

Faire appel au feu n'est pas la seule façon de mobiliser des réactions primitives dangereuses et communicatives chez les autres. La démagogie en est une autre. La démagogie désigne l'art qui consiste à exciter et exploiter les passions primitives des masses pour les mettre, au service de son propre agenda politique. Hitler avait bien compris ce principe et avait désigné Goebbel comme ministre de la propagande. Goebbel excellait dans l'art de la désinformation. Il savait quelle fibre exiter dans la population allemande pour la mobiliser dans des conduites qui servaient les fins de l'empire.

Propagande, racisme naturel et racisme programmé.

Le racisme naturel est une bonne mine à exploiter pour un démagogue. La méfiance envers l'autre, celui qui n'est pas pareil, est une méfiance naturelle déjà très dangereuse. Dans son livre sur l'histoire des juifs, Paul Johnson fait une revue de tous les pogromes survenus dans l'histoire de l'Europe des derniers siècles. Il montre que si les juifs avaient la chance d'être les seuls non chrétiens à être toléré dans les villes européennes, ils payaient cet avantage par le fait même d'êtres les seuls étrangers. Chaque fois que survenait une crise et que la populace cherchait des boucs émissaires, on avait toujours sous les mains ces juifs du ghetto qu'on pouvait accuser de TOUT. Johnson montre que même des incidents aussi insignifiants qu'une disparition d'enfant pouvaient finir en razzia sur le ghetto.

Le racisme naturel devient un racisme programmé lorsqu'il est cultivé et mis au service d'une cause. La nation est en désarrois? C'est qu'il y a trop d'étrangers, trop de liberté pour les noirs, trop de tolérance religieuse, trop de tout ce qui n'est pas NOUS! Voter pour un vrai français, pour un vrai américain ou vrai ce que vous voudrez, qui viendra mettre de l'ordre dans la vie sociale, régler le problème juif, remettre les noirs à leur place, jeter ces Arabes à la mer!

La démagogie et la mort

Les politiciens versent souvent dans la petite démagogie. Peu se risquent à la grande parce qu'elle implique un déchaînement de passion difficile à contrôler dans un régime qui n'est pas autoritaire. Mais la démagogie est un pouvoir tentant pour un petit groupe politique de droite qui n'a rien à perdre et qui n'aurait pas de réticence à établir un régime plus musclé.

L'ennui c'est que l'histoire nous montre que la démagogie raciale est une arme mortelle contre ceux qui en sont la cible. Il y a tous les pogromes européens, tous les lynchages américains. Faut-il en nommer d'autres?

La démagogie raciale c'est un danger fatal pour les minorités qui en sont la cible. C'est comme crier au feu pour déchaîner les passions contre des victimes qui ne peuvent généralement pas bien se défendre.

On peut jouer le Voltaire et faire le choix de la liberté d'expression à tout prix. On a beau jeu de prendre des risques quand le risque est pour les autres....

Lorsque le président de la "Ligue des noirs de Montréal" viendra me faire la leçon et m'encourager à respecter le droit d'expression des groupes racistes de notre métropole, je l'écouterais avec intérêt. Je m'interrogerais peut-être sur l'ordre que j'ai mis dans mon système de valeurs. Mais aussi longtemps que celui qui défend la liberté d'expression pour les démagogues racistes qui ne le menacent pas personnellement, je m'interrogerais sur la hiérarchie des valeurs de celui qui ce fait un champion voltairien.




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