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Re:Re:Re:Belshatsar


Re: Re:Re:Belshatsar -- Emmanuel
Posted by Gaël , Jan 22,2001,04:41 Index  Forum

Emmanuel : “L’hypothèse de R.Dougherty n’est certes pas étayée par des preuves et seul Hérodote parle de Nicotris. Je ne sais pas quelles sont les sources d’Hérodote quant à l’existence de cette Nicotris mais le fait qu’elle ne soit pas mentionnée dans les tablettes contemporaines ne signifie pas qu’elle n’a pas existé.”

Hérodote décrit pendant 3 pages le règne de Nitocris, cela suffit pour disqualifier cette histoire. Nitocris fait de grands travaux pour protéger la ville, car elle a peur des mèdes : comme, déjà sous Nabonide, l’empire mède n’existait plus, cela signifie qu’Hérodote se trompe de reine ou d’époque. Dans ma version des oeuvres d’Hérodote, le commentateur précise que celle que Hérodote nomme Nitocris est en réalité la reine Naquia, qui regna 130 ans avant Nabonide...
Bref, Hérodote est la seule source pour Nitocris, et il a fait une erreur : cette reine n’a jamais existé à l’époque de Nabonide. Oublions donc cette histoire, Belshazzar n’est pas le petit-fils de Nebukadnezzar.


Emmanuel : “De plus, Nabonide avait une bonne raison de se marier avec une fille de Neboukadnetsar pour légitimer son accession au trône.”

Pure spéculation, qui est en contradiction avec les faits pour deux raisons :

1- Nabonide n’avait aucune légitimité et ne cherchait pas a en avoir : il s’est mis à dos tout Babylone en rejetant les dieux ancestraux pour imposer le culte unique de la Lune, ainsi qu’en réduisant à l’esclavage et en massacrant des populations entières. C’est un usurpateur haï par le peuple et ce n’est pas épouser la fille d’un de ses prédecesseurs qui va y changer quoi que ce soit.

2- De toute façon, si jamais Nabonide avait épousé une fille de Nebukadnezzar dans le seul but de légitimer le coup d’état par lequel il accède au trône, logiquement cela se serait fait au plus tôt à l’époque où Nabonide est devenu roi, certainement pas avant. Or Nabonide devient roi en 553, et laisse Babylone à Belshazzar à partir de 549. Si Belshazzar est le fils d’une fille de Nebukadnezzar, il a donc au mieux 3 ans quand il devient régent, et 13 ans lors de la chute de babylone. C’est totalement absurde, donc faux.


Emmanuel : “Je savais que cette hypothèse était mal étayée et j’aurais peut-être dû l’appuyé d’avantage que par un “ Il semble que … “ pour vous éviter autant de recherches, je suis désolé.”

Elle n’est pas mal etayée : elle n’est simplement pas etayée du tout, et totalement illogique. Seul le refus de voir la bible contredite vous empêche de le voir.


Emmanuel : “Une autre hypothèse suppose que Neboukadnetsar n’était le “ père “ de Belshatsar que quant au trône, dans le sens ou il était un des rois qui l’avaient précédé. De manière comparable, les Assyriens utilisaient l’expression “ fils d’Omri “ pour désigner un successeur d’Omri (6ème roi d’Israël). Yehou (autre roi d’Israël), qui n’a pas de lien de parenté avec Omri (selon des sources bibliques), est appelé “ fils de Humrî “ sur l’obélisque noir de Salmanassar III (Textes du Proche-Orient ancien et histoire d’Israël, par J. Briend et M.-J. Seux, Paris, 1977, p. 88).”

Une unique référence sur un obélisque ne permet pas de conclure que c’était une coutume établie. L’assyrien qui a fait cette inscription a très bien pu se tromper, comme Daniel s’est trompé. Les assyriens n’étaient pas obligés de connaître avec exactitude les histoires de famille des rois d’israël.
Cet inscription étant la seule qui permette de soutenir cette hypothèse, cette soi-disant “coutume” est bien mal étayée par les faits. Vu le très grand nombres d’inscriptions diverses sur rois et princes de cette région que l’on possède, si c’était réellement une coutume et non une erreur du scribe, on connaîtrait plus d’un exemple de cette coutume.

D’autre part, je pourrais comprendre qu’on donne parfois à Belshazzar le titre de “fils de Nebukadnezzar”, si Belshazzar avait eu un peu de respect pour ce dernier. Mais Belshazzar et son père ont tout fait pour briser les coutumes de leurs ancêtres et détruire leur religion : dans ces conditions je ne vois pas comment on pourrait considérer Belshazzar comme un “fils de Nébukadnezzar”.

Là aussi, tout va à l’encontre de cette hypothèse.


Emmanuel : “Je ne croie pas que le fait de passer directement de Neboukadnetsar à Belshatsar soit un élément qui indique que Daniel ne connaissait pas les rois intermédiaires. Peut-être que, tout simplement, aucun événement important à relater (pour Daniel) ne s’est produit durant cette période.”

Quand on lit objectivement Daniel, sans connaître l’histoire, tout laisse croire que Belshazzar est roi est succède directement à Nebukadnezzar, qui serait son père. Vous rendez-vous compte le nombre d’arguments tordus et mal (ou pas du tout) étayés qu’il vous faut pour réussir à soutenir le contraire ?


Emmanuel : “De plus, un détail indique que Daniel connaissait l’existence de Nabonide. En
effet, lorsque Belshatsar est terrifié par l’écriture sur le mur, il offre la troisième place dans le royaume à celui qui saura la déchiffrer (Da 5:7). Cette offre indique que les deux premières places étaient déjà occupées. En effet, elles l’étaient par Nabonide et par Belshatsar. Comment expliquer autrement ce détail ?”

C’est simple : la seconde place pouvait être occupée par n’importe qui d’autre que Daniel ne puisse remplacer. Je ne sais pas, un ministre, un grand prêtre, ou la reine par exemple (la manière dont elle fait irruption pendant un festin en Daniel 5:10 pour donner des conseils à Belshazzar, prouve l’importance de son statut). Ce pouvait être aussi Nabonide, d’accord : mais comme celui-ci n’est mentionné nulle part et que nous avons tout lieu de croire que Daniel ignorait son existence, nous n’avons aucune raison particulière de supposer que ce doive être lui plutôt que quelqu’un d’autre.


Emmanuel : “Quant à l’argument sur le contexte de l’utilisation du mot “ père “, je ne le trouve pas convainquant. Le contexte permet-il vraiment de dire que le mot “ père “ est utilisé dans sa définition la plus restreinte ?”

Oui. Ces passages sont très convaincants, par exemple :
(Daniel 5:2-3) : “Belshazzar, animé par le vin, fit apporter les vases d’or et d’argent que son père Nebukadnezzar avait enlevés du temple de Jerusalem”
(Daniel 5:11, discours de la reine) : “Aussi le roi Nebukadnezzar, ton père, le roi, ton père, l’établit chef des magiciens...”

Qu’on puisse éventuellement qualifier dans un cadre officiel Belshazzar de “fils de Nebukadnezzar”, comme on donne un titre, c’est un peu absurde (pour les raisons déjà mentionnées), mais pas totalement impossible. Par contre que la reine parle par deux fois de Nebukadnezzar comme le père de Belshazzar, ou que le narrateur dise “son père Nebukadnezzar” ça n’a pas de sens, ça ne s’apparente pas à un titre, c’est très visiblement une erreur du rédacteur qui pense vraiment que Nebukadnezzar est le père de Belshazzar.


Emmanuel : “Pour Daniel et ses contemporains, il est bien connu que Belshatsar n’est pas le fils de Neboukadnetsar donc il peut utiliser le mot “ père “ au sens large car le sens du mot est évident pour lui et ses contemporains.”

Non : dans la bible quand le mot “père” est utilisé son sens est toujours évident à un endroit ou un autre du texte même. Dans les citations que vous donnez dans votre avant-dernier message, c’est déjà évident. Si vous voulez absolument soutenir que dans Daniel “père” n’est pas utilisé litteralement, vous devez trouver dans la bible un passage qui soit réellement comparable à ce que l’on lit en Daniel 5:2,11; car les exemples que vous m’avez donné n’ont rien à voire.

Le même défi avait été lancé dans la Skeptical Review au théologien qui défendait la même interprétation que vous. Il a été incapable de répondre à ce défi. Il n’y a pas de passage comparable dans la bible, qui est pourtant riche en généalogies. Cela prouve que votre interprétation n’est appuyée sur rien, et vu les évidences en sens contraire, on peut affirmer qu’elle est fausse.


Emmanuel : “Pour le livre apocryphe de Baruch, je ne sais pas quelle valeur historique
on peut lui accorder mais je vais me renseigner.”

Peu importe la valeur historique du livre de Baruch. Il n’a pas plus de valeur que la bible. Mais il prouve que les juifs du IIème siècle av. J.C. croyaient que Belshazzar était le fils de Nebukadnezzar, donc cette erreur était naturelle de la part du rédacteur de Daniel, qui écrit à cette époque.


Emmanuel : “Je ne voie pas ce qui empêche Daniel de considérer Belshatsar comme un roi
et donc de compter les années par rapport à lui. Son père lui avait délégué
son autorité pendant son absence, il avait donc un pouvoir considérable.

Mais pas les pouvoirs d’un roi. La chronique de Nabonide précise que les cérémonies religieuses n’ont pas eu lieu pendant 10 ans, parce que le roi était absent. Les cérémonies ne pouvaient avoir lieu en son absence.
Belshazzar n’était pas roi mais régent, les documents babyloniens d’époque basent la chronologie sur la date d’accession du roi Nabonide, jamais sur celle de Belshazzar.
Daniel peut, pour simplifier les choses, qualifier Belshazzar de roi, même si c’est une erreur. Par contre il ne peut pas faire l’erreur de dater les évènements à partir des années de “regne” de Belshazzar.

Le système de datation par années de regne est très commun dans le monde entier, et il est destiné à être pratique. Si certains scribes s’amusaient à dater les évènements non du roi en place mais du gouverneur local ou du régent, ce ne serait pas pratique du tout et engerderait toutes sortes de confusions. Si vous voulez légitimer cette hypothèse, trouvez-moi un seul texte de l’antiquité du proche et moyen-orient où la chronologie n’est pas établie à partir du roi en place. Sans ça, vos spéculations resteront, comme elles le sont depuis le début de votre réponse, totalement infondées.


Emmanuel : “Conclusion provisoire : Avec ces éléments je ne prouve rien mais je ne croie pas que l’on puisse conserver cette accusation comme une preuve que le livre de Daniel est une falsification. Qu’en pensez-vous ?”

Je pense que tous ces élements forment un faisceau de preuves extrêmement fortes montrant les erreurs historiques du livre de Daniel. Vous ne pouvez combattre ces preuves qu’à coup d’hypothèses ad hoc qui sont toutes très mal (ou pas du tout) étayées.

Comme vous partez du préjugé que la bible est infaillible, vos arguments vous paraissent raisonnables.

Mais pour quelqu’un d’objectif, qui part du principe que jusqu’à preuve du contraire la bible est un livre aussi faillible que n’importe quel autres, l’ensemble de vos arguments au sujet de Belshazzar parait franchement absurde. Tout comme, pour faire coller la prophétie à l’histoire, vous êtes obligé de modifier nombre de dates historiques qui ne semblent pourtant faire l’objet d’aucune contestation chez les historiens; vous vous trouvez aussi obligé, pour faire coller le récit de Daniel à l’histoire, de faire nombre de suppositions gratuites et parfois en contradiction avec des connaissances bien établies.
Ne voyez-vous pas que d’accepter de voir que la bible est faillible, est une hypothèse bien plus simple, plus logique et plus économique ?

Gaël


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