L'argument de l'influence des drogues ou autres attaques physiques contre le corps est le seul argument vraiment sérieux, du domaine de la preuve, que je reconnaisse personnellement contre l'hypothèse spiritualiste. Cela, ce sont des faits. On peut disserter à l'infini sur l'existence ou la non-existence de la Corde d'argent (même si Rampa est à l'évidence un fumiste avéré, cette hypothèse, il l'a piquée ailleurs!) puisqu'on n'a aucune preuve expérimentale ni dans un sens ni dans l'autre.
Par contre les bidouillages sur les neurotransmetteurs ou la destruction de zones cérébrales ont montré sans aucune ambiguïté leur efficacité dans la modification du comportement.
Que peut tenter de répondre à cela le pauvre spiritualiste?
Plusieurs possibilités, à mon avis.
La plus matérialiste considère les êtres animés (ceux qui se reproduisent et évoluent) comme des systèmes évolutifs au sens des travaux sur la "vie artificielle" (A.L.) dont les premiers résultats sont quand même impressionnants. Une hypothèse surgit alors dans mon cerveau dérangé par l'abus de thé et de Gauloises : supposons qu'une chose que d'aucun appellent l'esprit puisse exister. Cette chose semble assez complexe a priori. Si elle doit s'appuyer, s'ancrer dans la matérialité, il me semblerait logique que le support doive présenter une complexité minimum, une complexité critique en somme, pour que ce phénomène, l'esprit, puisse se manifester. Une comparaison simpliste, je le crains : essayez de faire tourner Windows 2000 sur un vieux 386/16! Je ne dis pas que c'est strictement impossible, mais ça pose quand même pas mal de problèmes. Un OS donné, viable par ailleurs sur une machine récente, ne saurait tourner sur une bécane qui n'a pas été faite pour cela. Considérant l'esprit comme une sorte de système d'exploitation du corps, on pourrait alors dire que, même si on dispose d'une bécane suffisamment performante pour faire tourner cet OS, si on saccage la moitié de la mémoire ou le contrôleur de DMA, ça ne peut que ne pas fonctionner. Ce n'est pas pour autant que l'OS est inutilisable. Encore une fois, je conçois bien que cette comparaison est simpliste, ce n'est que pour essayer d'illustrer ma pensée.
Seconde possibilité, ce que j'appellerai l'hypothèse tibétaine. D'après ce que j'ai pu en lire, la conception bouddhiste tibétaine de ce que nous appelons l'âme est infiniment plus complexe que ce qu'on en a publié en occident dans les petites revues pseudo-métaphysiques (feue "Planète" par exemple). Pour simplifier, l'âme ne serait pas constituée d'une entité monobloc, mais de composantes, plus ou moins développées, allant dans tel ou tel sens de l'évolution globale de l'être, composantes nommées "namshés" en phonétique latine.
Ce qui va toucher le corps et éventuellement tel ou tel namshé ne touche pas obligatoirement l'ensemble de l'être. Les tibétains (avant la conquête chinoise) considéraient que certaines personnes présentaient toute l'apparence de la vie, bien qu'étant déjà mortes, ce que nous appelons "esprit" par abus de langage dans ce contexte étant déjà "ailleurs", bien que la personne vive, marche, vaque à ses occupations, etc. Je ne dis pas que c'était la position des théologiens de haut niveau, mais c'était une croyance répandue. [Pour plus de détails, et surtout un exposé mieux fait, voir la seconde partie de l'étude d'Alexandra David-Néel, "Immortalité et réincarnation", Plon, 1961, et Ed. du Rocher, 1978, partie consacrée aux conceptions bouddhistes tibétaines en cette matière.]
La troisième hypothèse est celle de la triade corps-esprit-âme. Cette triade, pendant la vie matérielle de l'être, est indissolublement liée (même si on fait appel à la "corde d'argent", il s'agit bien d'un lien). Pour reprendre le parallèle avec l'ordinateur, le corps serait le matériel, l'esprit correspondrait à l'OS qui rend exploitable le matériel, et l'âme à l'ensemble des applications qui, grâce à cet OS et à ce matériel, peuvent tourner sur la machine. Une structure par couches, en somme. Il serait illusoire de séparer une des couches de l'autre, du moins si on veut que les applications continuent de fonctionner. Tout bug, matériel ou logiciel, perturbera donc complètement le fonctionnement global du système, sans pour autant qu'une application donnée soit détruite ni modifiée pour autant. Si mon processeur flambe, par exemple, Word peut parfaitement être potentiellement intact, mais tant que je n'aurai pas remplacé le processeur, tout se passera comme si Word était H.S. De même si Windows plante (cas trop fréquent…), il suffit de le réinstaller pour que ca redémarre (parfois...). Pour poursuivre la comparaison, Word est une application relativement indépendante de la machine, comme l'est l'âme dans l'hypothèse de la transmigration ou de la réincarnation. On pourrait dire, en souriant, que l'âme est "portable"!
Je suis bien conscient des faiblesses de ces hypothèses, qui ne sont que cela et rien de plus. Mais après tout, pourquoi ne pas les exposer, on ne va pas me manger pour autant … Et elles présentent des cas de figure qui contourneraient, au moins dans une certaine mesure, à la fois votre objection, et à la fois la manière dont notre ami Gene voit la "séparabilité" de l'esprit et du corps (pour ce qui est de moi, je préfère la structure en triade, et non la structure dualiste. Mais c'est affaire d'options personnelles), séparabilité qui, à mon avis, ne se manifeste, de toute façon, en aucun cas sauf au moment de la mort physique.
Avec mes amitiés,
Mondreiter
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