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Re:Malentendu


Re: Malentendu -- Jean-Francois
Postée par Georges-A. , Jan 30,2000,20:24 Index  Forum

JF:«L'imposture réside dans le fait de présenter quelque chose comme un outils thérapeuthique alors qu'il n'en est rien. »

Que voulez-vous dire par là? Que la psychanalyse n'est pas un traitement? Qu'elle n'est pas un traitement aussi efficace que les psychanalystes le prétendent? Que la psychanalyse n'est pas efficace du tous?

PREMIÈRE POSSIBILITÉ: LA PSYCHANALYSE N'EST PAS UN TRAITEMENT
Vous n'êtes pas un imbécile et il ne peut pas y avoir de doute sur les prétentions de la psychanalyse à être un traitement. Votre jugement doit donc nécessairement reposer sur autre chose.

DEUXIÈME POSSIBILITÉ: LA PSYCHANALYSE EST MOINS EFFICACE QUE LES PSYCHANLYSTES LE PRÉTENDENT
Je suis dans le milieu psy depuis des lustres et je n'ai jamais entendu quelqu'un se vanter d'avoir de grands résultats (ni en psychanalyse ni dans aucun autre type de traitements d'ailleurs). Il faudrait donc que vous me montriez où des psychanalystes auraient prétendus être plus efficace qu'ils ne le sont en réalité et avec des "références claires et solides", pour reprendre une expression qui vous ai cher. Sur ce point, les Cinq psychanalyses de Freud ne vous serons d'aucun secourt. Freud ne parle pas des résultats positifs de l'analyse dans ces cinq cas. Il travaillait au développement d'un traitement expérimental et était très indulgent avec les résultats modestes qu'il obtenait.


TROISIÈME POSSIBILITÉ; LA PSYCHANALYSE N'A PAS DU TOUT D'EFFET THÉRAPEUTIQUE.
Pour des raisons épistémologiques, les psychanalystes ne sont pas très portés sur les mesures expérimentales. Malgré cela, l'efficacité de la psychanalyse a été évalué dans de nombreuses études comparatives et elle fait encore régulièrement l'objet d'études de ce genre (par exemples: Bateman A & al, 1999; Piper WE & al, 1998,1999). Comme toutes les formes de thérapie, la psychanalyse fait rarement des étincelles, mais il y a qu'en même presque toujours un effet positif. Aussi positif que l'approche béhaviorale par exemple. Dans une méta-analyse de 22 études comparent thérapie béhaviorale et psychanalytique, Grawe & al. (1994: voir Tschuschke V. & al 1998) avaient cru pouvoir conclure que l'approche béhaviorale faisait généralement mieux que la psychanalyse. Une reprise récente (Tschuschke V, et al 1998) de cette méta-analyse dans un contexte plus sévère montre que les deux types de traitement sont à égalité. Faire aussi bien que les behavioristes c'est bien non? À moins qu'eux aussi ne soient des imposteurs?

Permettez moi de vous paraphrasier en soulignant que dans le cas des études sur l'efficacité des traitements, plus encore que dans le cas de l'étiologie des maladies mentales, "le sujet reste ouvert?" À la lumières des faits mis en valeur par la recherches, il serait imprudent d'affirmer que La psychanalyse est inefficace.

JF: «Le délire, dans le fait de prendre certaines observations fortement entâchées de subjectivité pour des règles universelles.»

Le terme "délire" ne définit pas une activité cognitive consistant à tirer une généralité à partir d'un cas particulier. Le terme juste serait alors "induction" dans le meilleur cas, "généralisation hâtive" dans le pire. Un délire se définit plutôt comme un "trouble mental caractérisé par la confusion des idées et centré sur un thème : grandeur, persécution, culpabilité, jalousie" (Larouse). Dans la tradition allemande, que je préfère de loin, on parlerait plus spécifiquement encore d'un trouble du contenu de la pensée charactérisé par la centration sur une idée prévalante irréductible par la logique.


JF: «Par contre-peut-être contrairement à Gaël qui est celui qui a accolé directement les termes d'imposture et de délire à la psychanalyse en tant que tel -, je crois que la psychanalyse a eu une importance mais qui est depuis longtemps dépassée. Non par les théories qu'elle a apportée mais parce qu'elle a provoquée un intérêt scientifique indéniable sur le fonctionnement du cerveau.»

La psychanalyse est également à la base de recherches dont le statut scientifique ne fait pas de doute. Par exemple, presque toutes les catégories nosographiques du DSM-IV sont inspirées par la psychanalyse ancienne (Freud, Abraham,Fénichel)ou moderne (Malher, Kernberg). Les hypothèses interprétatives inspirant les recherches empiriques sur Rorschach, TAT, Hand Test sont également d'origine psychanalytique. Si on ajoute les hypothèses étiologiques et les hypothèses pour le développement d'outils de prévision du risque de récidive criminel, les hypothèses initiales des recherches sur la dépression et sur l'anxiété ... çà fait une longue liste ... non?

Bien sûr, d'un certain point de vue, ces recherches permettent de "dépasser" la psychanalyse dans la mesure où elles fournissent des informations dont la valeur empirique est plus solide que des études de cas. Par contre, ces recherches n'auraient pas été possibles sans la psychanalyse comme théorie à la source des hypothèses. En effet, la psychanalyse ne propose pas seulement des interprétations spéculatives. Entre bonnes mains cette théorie se transpose souvent assez bien en hypothèses opérationnelles qui peuvent être testés par d'autres sources.

JF:«Et, je n'amène aucun argument particulier, "entre guillemet", du texte de Brissonnet, à l'appui. (Sinon, pour le délire, par exemple: les inférences freudiennes à partir de cas mal diagnostiqués et mal suivis, qu'il résume par: "[l]es cas mythiques de la psychanalyse, qui servent encore parfois de base aux séminaires freudiens, sont de cuisants échecs thérapeutiques"; les affirmations de Dolto sur le lien entre propreté et schizophrénie.)»

En ce qui regarde les cinq psychanalyses, je vous ai répondu plus haut. J'ajouterais simplement que je connais à fond le cinquième cas: le cas Schreber. Schreber est un paranoïaque célèbre qui avait publié une autobiographie. Freud utilise son livre pour illustrer sa théorie de la paranoïa. Schreber n'était pas le client de Freud. Freud n'a même jamais cru que le traitement psychanalytique pourrait jamais être utile aux paranoïaques, ni à aucun autre psychotique d'ailleurs. Quant à Schreber, il est bien l'illustration d'un cuisant échec thérapeutique. L'échec de son psychiatre, un tenant du "neuro" à tout prix. Je trouverais cependant injuste de chercher à discréditer la neuropsychologie et la neuropsychiatrie à partir d'un cas pareil. Une bonne hypothèse n'aboutit pas nécessairement immédiatement sur un traitement efficace. Quand pensez-vous?

Pour Dolto, je ne sais pas. La "grande dame" a peut-être été citée hors contexte. Permettez-moi de lui donner le bénéfice" du doute" jusqu'à ce que je retrouve le livre d'où est tiré cet exemple. Vous affirmer qu'il s'agit du meilleur argument de Brissonnet alors je vais m'appliquer à retrouver le livre et à voir de quoi il est question.

Pour la suite de notre discutions je soulignerais finalement que le terme "psychanalyse" désigne 3 choses distinctes: une méthode de recherche, une méthode de traitement et une théorie de la personnalité (Fénichel, O.,1945). Sauf dans les cas rares où je l'ai spécifié, je n'ai jamais parlé de la psychanalyse que comme théorie de la personnalité. La distinction n'est pas simplement académique. On ne pourrait pas juger de la valeur des travaux de Marie Curie à partir des seuls échecs obtenus durant les premières décennies de traitement en radiothérapie. Curie a pu errer en ce qui regarde l'utilisation potentielle de ses découvertes. Cela n'invalide pas les découvertes elles-mêmes.

Freud cherchait une méthode de traitement. Il n'a pas découvert une méthode très efficace et ses successeurs n'ont pas fait bien mieux. Mais, en mettant en place le cadre thérapeutique de la psychanalyse, Freud a provoqué accidentellement des phénomènes psychologiques qui ne s'observent pas dans la vie courante, du moins pas de manière aussi clair. Ces phénomènes lui sont apparus révélateurs du fonctionnement de l'esprit humain. Freud a tenté de les mettre en ordre dans une théorie de la personnalité relativement cohérente au plan logique. Là est à mon avis la valeur résiduelle de la psychanalyse. La conception très stéréotypée que Brissonnet entretenir à propos de la psychanalyse ne recouvre pas ce champ occupé par la psychanalyse.


Bateman A, et al (1999) Effectiveness of partial hospitalization in the treatment of borderline personality disorder: a randomized controlled trial. Am J Psychiatry, 1999 Oct, 156:10, 1563-9

Fénichel, Otto (1945) La théorie psychanalytique des névrose, tomeI et II, Paris, PUF.

Piper WE, et al; (1998) Interpretive and supportive forms of psychotherapy and patient personality variables. J Consult Clin Psychol, 1998 Jun;66(3):558-67.

Piper WE, et al. (1999) Follow-up findings for interpretive and supportive forms of psychotherapy and patient personality variables. J Consult Clin Psychol. 1999 Apr;67(2):267-73.

Tschuschke V, et al;(1998) [Psychotherapy research--how it should (not) be done. An expert reanalysis of comparative studies by Grawe et al. (1994) Psychother Psychosom Med Psychol, 1998 Nov, 48:11, 430-44



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