Suivi

Sélection naturelle : que disent les faits ?


Re: Re:Réponse à Julien sur la sélection naturelle -- Julien
Posté par Platecarpus , Jan 14,2003,17:01 Index  Forum

>Votre exemple est mal choisi puisqu’il la réaction immunitaire comporte plusieurs phases très complexes où différentes protéines et cellules « communiquent » ensemble.

En effet. Mon message visait explicitement la phase de production des anticorps - et pas une autre.

>De plus, les protéines anticorps sont formées à l’intérieur de certaines limites (famille des immunoglobulines). Voilà pourquoi le calcul n’est pas bon ; les séquences sont énormément limitées au départ.

Tout à fait. Ce que vous n'avez pas saisi (bien que ce soit explicite dans mon message), c'est que ces aussi la raison pour laquelle votre calcul n'est pas pertinent.

J'ai considéré que les lymphocytes produisaient n'importe quelle combinaison de 1400 acides aminés au hasard. Ce n'est évidemment pas du tout ce qu'ils font : en réalité, ils font subir quelques mutations à une partie d'une protéine préexistante (c'est pourquoi mon "calcul délibérément absurde n'était pas valable). C'est également exactement comme cela que fonctionne les mutations soumises à la sélection naturelle : il s'agit de légères variations autour de séquences préexistantes, et pas du tout de génération au hasard de séquences entièrement nouvelles. C'est donc aussi la raison pour laquelle votre calcul (qui calcule le nombre de combinaisons de 1000 nucléotides possibles) n'est pas recevable : l'opposition que vous me faites (et qui explique pourquoi notre système immunitaire fonctionne réellement) est aussi l'une des nombreuses failles de votre "calcul". C'est précisément pour la mettre en évidence que j'ai proposé cette démonstration qui, si elle était plus visiblement absurde, l'était pour les mêmes raisons que la vôtre. Vous n'avez donc compris ni le but ni l'intérêt de ce petit détour par les anticorps.

Un mot cependant sur l'emplacement des mutations au niveau des anticorps : en effet, certaines parties des anticorps mutent très régulièrement (les parties variables) tandis que d'autres le font beaucoup plus rarement (les parties invariables). Je ne vois pas en quoi cela change quoi que ce soit à mon analogie, d'autant plus que l'on a constaté que le même principe était vrai de toutes les mutations : certains gènes mutent aussi beaucoup plus souvent que d'autres.

Quoiqu'il en soit, ces différences mineures ne changent rien à ma démonstration : les lymphocytes T produisent les anticorps par mutations des séquences préexistantes, l'évolution fait de même pour modifier les génomes. Le mécanisme (sélection des variants aléatoires les mieux adaptés) est exactement le même - et les calculs bidons utilisés pour réfuter l'un peuvent être aussi utilisés pour réfuter l'autre, ce qui montre bien pourquoi ils ne sont pas recevables : ils font justement abstraction de cette sélection si importante.

>Faux, le système immunitaire n’agit pas au hasard, c’est bien pourquoi on réussi à survivre. Un tas d’intervenants (phagocytes, protéines de reconnaissance, lymphocytes, …) coordonnent leurs actions et communiquent chimiquement. Tout ça est programmé donc fait appel à un concepteur intelligent pour son origine.

Pas plus qu'un anticorps "parfaitement adapté" à l'antigène d'un agent infectieux ne fait appel à un agent intelligent pour son origine. Le penser consisterait à commettre, à un niveau inférieur, l'erreur que vous commettez avec les organismes vivants : vous observez qu'ils semblent avoir été faits en vue d'un but et concluez qu'il y a nécessairement eu un concepteur intelligent. Vous ne pouvez vous le permettre qu'en négligeant le principal mécanisme naturel capable de fabriquer des structures semblant avoir été conçues intelligemment, en l'occurrence la sélection naturelle.

>La sélection naturelle se « sait pas » ce qu’est « avantageux » avant que le gène n’accomplisse une fonction.

Jusqu'ici, nous sommes d'accord. Or, tous les gènes accomplissent une seule et même fonction - se répliquer.

>Si le gène n’accomplit aucune fonction, aucune condition de l’environnement ne peut sélectionner la mutation.

Nous sommes encore d'accord. Il est nécessaire que le gène code pour une protéine pour que cette dernière puisse être avantagée - ou non - par la sélection. A long terme, le critère sera toujours le même : augmenter la capacité de son porteur à produire des descendants.

> Dans MON calcul, il est question de NOUVEAU gène apportant à l’espèce un nouveau caractère morphologique. Il n’est pas question de la modification d’un gène actif mais du dédoublement d’un gène restant inactif le temps de subir assez de mutations afin de coder pour un nouveau caractère.

Vous confondez tout. Tout le monde est d'accord depuis... eh bien, depuis qu'on sait qu'il existe des gènes inactifs, pour dire que ceux-ci ne sont pas soumis à la sélection naturelle. Par conséquent, l'ajout d'une nouvelle fonction ne pourra guère se faire que par duplication et modification d'un gène déjà actif - dont l'évolution sera susceptible d'être guidée par la sélection.

Vous avez donc tiré sur un épouvantail, et raté votre véritable cible : la théorie de l'évolution n'a jamais prétendu qu'un gène non-codant pouvait évoluer de manière à acquérir une nouvelle fonction. Cela supposerait qu'il existe une quelconque entité téléologique capable de "guider" l'évolution du gène jusqu'à ce qu'il soit bon à faire quelque chose (et ce sans qu'il ne l'ait accomplie une seule fois), ce qui nous ferait basculer en pleine pseudo-science. Ce sont bien entendu les gènes codants qui, en mutant, sont susceptibles de générer de nouvelles fonctions. Cela a déjà été observé, et pas seulement dans le cas des moustiques.

C’est un exemple hors contexte, moi j’aborde le sujet des nouveaux caractères, pas l’amélioration des caractères existants.

C'est le même. La notion de "caractère" est très utile, mais elle n'a pas de définition pratique simple : si le même caractère est présent en deux exemplaires (cas typique des gènes dupliqués), y a-t-il un ou deux caractères ? Et si l'un des deux duplicata mute mais pas l'autre, doit-on parler de deux caractères (alors qu'il ne s'agit parfois que d'un seul acide aminé de différence dans une protéine) ou de deux copies légèrement différentes d'un seul ? Plutôt le second, à mon avis.

Ceci dit, après deux mille ans, une fois que les deux caractères (les deux copies du gène dans l'exemple que j'ai proposé) sont devenus radicalement différents et accomplissent des fonctions distinctes, doit-on continuer à dire qu'il n'y en a qu'un ? Certainement pas. Alors, où se situe la frontière ? La réponse est simple : il n'y en a pas. Il n'y a pas de différence entre amélioration de caractères existants ayant été dupliqués et apparition de nouveaux caractères : c'est le même mécanisme (ou plutôt, l'un permet l'autre).

>Pas dans mon exemple, vous êtes en dehors du contexte. J’ai choisi pour mon exemple une bactérie. Les bactéries doivent acquérir des nouveaux gènes pour aboutir aux eucaryotes (dans le merveilleux conte de l’évolution).

Je suis d'accord.

>Ces gènes devront codés des caractères « inconnus » aux bactéries.

Je suis toujours d'accord.

>Ce sont des gènes totalement nouveaux.

"Totalement" ? Il n'existe aucun mécanisme capable de créer ex nihilo des gènes totalement nouveaux. Or, l'évolution, en tant que théorie scientifique, doit se limiter aux mécanismes connus. En l'occurrence, ça l'arrange : les duplications et mutations de gènes sont des mécanismes connus, vérifiables et vérifiés.

J'ai soulevé le problème de la notion de "nouveau" caractère - qui est bien entendu une des innombrables limites abstraites que l'esprit humain tente maladroitement de placer sur le continuum concret du monde vivant. Elle n'a pas de définition empiriquement opérationnelle (pas plus que la notion de "fonction" ou de "partie"), parce que tout caractère "nouveau" a commencé par être "ancien" et que la limite entre les deux est mouvante et floue.

>Si vous restez dans le contexte (pourtant clair) vous reconnaîtrez que le brassage des bases est totalement aléatoire.

Non, puisque le gène est question existe déjà et code pour une protéine. Toute modification de cette protéine susceptible d'améliorer la bactérie en question (qu'il s'agisse d'ajout, de retranchement ou de substitution d'information, là n'est pas le problème) sera conservée par la sélection naturelle. Le gène en question doit évidemment s'exprimer - sans quoi le brassage des bases est effectivement impossible.

Voilà, un autre exemple hors contexte. Le gène existe et sa fonction est DÉTECTABLE par la sélection naturelle. MOI, j’aborde le contexte où un caractère est complètement inexistant au départ. Vous savez ce que veut dire « nouveau » ? Entre la bactérie et l’eucaryote il y a du NOUVEAU, n’est-ce pas ?? Ainsi de suite, …

Je ne sais pas si vous avez remarqué, j'ai dit que la fonction était "pratiquement inexistante". Si vous préférez, je peux dire "nulle" : il n'existe aucun gène susceptible de lutter contre l'insecticide. Si un gène dupliqué, en mutant, acquiert la capacité de lutter (même très faiblement) contre l'insecticide, il sera favorisé. Que cela l'empêche d'accomplir sa fonction originelle n'a aucune importance, puisqu'il a justement été dupliqué. Il y a donc eu apparition d'une nouvelle fonction, là où il n'y en avait aucune (ou une autre, bien différente).

J'ai l'impression que vous pensez à la sélection naturelle en termes de téléologie - comme s'il s'agissait d'un agent intelligent capable de "faire la liste des fonctions" et de les "détecter" une par une. C'est amusant, mais très éloigné de la réalité. Dans la réalité, il n'y a qu'un fait : les êtres vivants ont des gènes, et tout gène qui améliorera la capacité de l'être vivant à survivre et à se reproduire se répandra. Que ce soit de telle ou telle manière (quelle que soit la "fonction" accomplie par le gène au niveau de l'organisme), cela ne change rien. Il peut même y avoir glissement de fonction (je vous en ai déjà donné plusieurs exemples concrets) : la fin est toujours la même.

Le problème le plus évident que vous avez avec l'évolution semble donc être que, très simplement, que vous n'y connaissez rien. Votre exemple totalement non-opérationnel sur "le gène non-codant évoluant de manière aléatoire qui devrait produire un nouveau caractère" le démontre superbement : vous avez inventé un mécanisme à la fois impossible et inexistant, là où il en existait un à la fois bien plus efficace, logique et observé dans la nature comme en laboratoire - puis vous l'avez superbement réfuté. Le problème, c'est que vous n'avez fait qu'abattre le château de cartes que vous aviez vous-même patiemment monté. Pendant ce temps, l'édifice solide de la théorie de l'évolution est resté debout.


Suivi