Avec votre accord, sautons les formalités. Merci.
Vous dites: "Si le modèle théorique veut décrire une réalité physique, il doit être démontrable expérimentalement. Sinon, c'est un joujou spéculatif, ou pire encore..."
Je trouve que votre position manque de "dégradé". Qu'est-ce qu'une démonstration? Vous semblez croire qu'une démonstration, ça existe dans l'absolu. Je vois les choses d'une façon beaucoup moins abstraite. Une démonstration, selon moi, c'est simplement une série d'arguments qui convainct celui qui écoute. Si celui à qui l'on s'adresse le sait déjà, on peut s'acquitter de la démonstration sans avoir à dire un mot. Si celui qui nous écoute n'a pas les pré-requis des pré-requis nécessaires pour comprendre le dixième du commencement de votre preuve (par exemple, s'il s'agit d'un petit bébé chinois et qu'il s'agit de physique nucléaire), je vous souhaite bonne chance dans votre démonstration.
Aussi, quand vous parlez de démonstration expérimentale, il faudrait préciser. Parlez-vous de démontrabilité théorique (mais qui demanderait, par exemple, qu'on construise un radio-télescope grand comme la galaxie) ou de démontrabilité concrète (avec les moyens d'aujourd'hui). Dans ce dernier cas, "démontrable" est à peu près équivalent à "démontré".
J'ai lu récemment quelque chose sur un philosophe grec (j'ai oublié le nom; c'est retrouvable...) qui avait proposé, plus de 20 siècles avant Darwin, une théorie naïve de l'évolution des espèces. Je ne sais pas s'il disposait de fossiles. À coup sûr, il ne connaissait rien en génétique moléculaire ou en datation géologique. Avait-il tort de suggérer l'évolution des espèces? Était-ce une théorie scientifique? Était-elle démontrable?
Je pense que vous préférez parler de "certitude" que de "vérité".
Il me semble qu'il y a plein de sujets "borderline" ou la science ne nous donne pas encore de certitudes (par exemple, l'existence ou pas de vie ou d'intelligences extra-terrestres; en voulez-vous d'autres?). Dans de tels cas, oû on n'a pas vraiment de démonstrations, on en est réduits à se contenter d'arguments. Ces arguments jouent à "souque-à-la-corde" et le côté qu'on juge le plus fort nous paraît moins invraisemblable que l'autre. Le mieux qu'on puisse faire est d'évaluer une probabilité subjective. Moi, c'est comme ça que je fonctionne. Pas vous?
Je suis bien disposé à concéder que quand on arrive à une probabilité subjective aux alentours de 50%, on puisse préférer ne pas se mouiller, ne pas risquer de se tromper, ne pas sortir de la science. Mais quand on arrive à 99% ou à 99.99% de confiance, je pense qu'on serait mal avisé de ne pas avoir d'avis. À partir de quel epsilon considérez-vous qu'une probabilité subjective de 1-epsilon permet de considérer l'affaire démontrée?
Tiens, simplement pour jouer (et seulement si ça vous amuse) à combien évaluez-vous la probabilité que, dans notre galaxie, (hors sustème solaire) rien ne soit plus fort que vous aux échecs (disons, avec 5 ans de pratique...)?
5%? 95%?
Cordialement,
Denis
|