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J. Brissonnet psychanalyse et science partie1


Postée par Georges-André , Jan 17,2000,23:40 Index  Forum

Il y a quelques années un professeur de philosophie de l'université Laval a publié un texte(1) très insultant à propos des Sceptiques du Québec. Le vieux professeur y faisait beaucoup d'affirmations qu'il n'avait pas vérifiées à propos de notre groupe. Il se trompait et les portes-paroles de Sceptiques de l'époque ne se sont pas gêné pour lui dire qu'il aurait du vérifier ses informations avant de dire des bêtises(2,3). Parler pour ou contre quelque chose que l'on ne connaît pas bien c'est s'exposer à faire des erreurs.

Comme notre ami Gaël le soulignait plus bas, il n'est pas nécessaire de connaître à fond une pseudo-science pour la critiquer. Il suffis d'en bien connaître un seul aspect, un fondement, et de démontrer qu'il y a une erreur à l'évidence. Mais attaquer quelqu'un ou quelque chose à partir d'allégations qui ne lui appartiennent pas, ce n'est pas faire du scepticisme. C'est simplement parler à travers son chapeau.

J'ai visité le fameux site de Jean Brissonnet sur "Divan le terrible". Le texte est long et très inégal. Je m'attendais à des erreurs à propos de la psychanalyse. Il y en a quelques une mais moins que je ne l'avais craint. Il y a, à tout le moins, un effort de documentation que je ne rencontre pas souvent dans ce genre de texte.

Ma grande surprise viens du fait que ce que semble le moins connaitre notre collègue Brissonet, ce sont les recherches en psychologies fondamentales qu'il défend pourtant comme scientifiques. Les pires allégations concernent la schizophrénie. Mais quel est l'état actuel de la recherche sur cette question?

Les symptômes de la schizophrénie sont connus depuis le début du siècle. Cependant, un raffinement important a été popularisé par les travaux de Andreasen(4,5) qui distingue les symptômes positifs excédentaires (hallucination, délire) des symptômes négatifs défici- taires (apathie, anhédonie, etc..) de cette maladie. Le modèle dichotomique s'est imposé progressivement parce que les résultats empiriques de la recherche témoignaient de sa pertinence(6). Ce succès a même conduit des équipes(7)à réanalyser les résultats de leurs recherches longitudinales et rétrospectives à la lumière du nouveau modèle. La relecture a montré que le partage des échantillons de sujets schizophrènes transformait des données vaguement significatives en résultats plus éloquents. Les deux groupes (négatif et positif) se distinguent radicalement en ce qui regarde leurs comportements prémorbides. Ils se distinguent aussi en ce qui regarde l'anatomie et le fonctionnement du système nerveux. Surtout, les FACTEURS DÉVELOPPEMENTAUX suspectés d'être des causes de la schizophrénie sont devenus beaucoup plus évidents. La grande variance observée antérieurement dans leurs recherches étiologiques étant signi- ficativement réduite lorsque les sous-groupes étaient distingués. En d'autres termes, les facteurs étiologiques ne seraient pas les mêmes dans ces deux sous-types. Beaucoup de recherches indépendantes(8,9,10,11)supportent directement et indirectement cette interprétation. Cette distinction s'est d'ailleurs révélée si fructueuse en recherches qu'elle a été adoptée par APA et est maintenant introduite dans le DSM-IV. Les recherches plus récentes montrent que le modèle dichotomique ne suffit pas à expliquer la grande diversité des données dans les différents champs de recherche(12,13). Mais, l'idée de considérer les schizophrènes comme une population hétérogène s'est imposée et de nouveaux modèles, plus complexes, sont en développement (14,15,16).

Quoi qu'il en soit, les schizophrènes partagent un certain nombre de caractéristiques. Premièrement, les études post mortem du cerveau de sujets atteints de schizophrénie (17,18,19,20) et les recherches utilisant les méthodes modernes d'imagerie cérébrale (21,22 voir:18; 23,24,25) convergent pour montrer que le cerveau des schizophrènes présente de nombreuses anomalies anatomiques. Deuxièmement, les auteurs de ces recherches suggèrent que ces anomalies proviennent probablement de perturbations précoces du développement du foetus ou du nourrisson25 . Ils rejoignent en cela les auteurs de recherches longitudinales et rétrospectives7,9,26,27,28,29,30 qui observent que les enfants qui développeront la schizophrénie à l'âge adulte présentent très tôt d'importantes différences neurofonctionnelles et comportementales avec les sujets qui ne développeront pas la schizophrénie. Ils rejoignent aussi les auteurs de recherches comparatives qui montrent que les schizophrènes présentent beaucoup plus de petites anomalies physiques d'origine précoce que leurs correspondants non schizophrènes31,32,33.

La schizophrénie reposerait donc sur des atteintes organiques déterminantes pour le reste du développement du sujet et pour la survenue des symptômes caractéristiques de cette maladie. Ces résultats devraient donc orienter tout plan de prévention vers les causes précoces de ces lésions puisqu'une fois le cerveau atteint, le mal est fait et les possibilités d'intervention préventives se réduisent sensiblement.

LA CLIENTÈLE À RISQUE

Les études de familles34,35,36,37, les études d'adoptions38,39,40 et les recherches sur les jumeaux41,42 laissent peu de doute sur le rôle des facteurs génétiques dans l'occurrence des troubles du spectre schizophrénique et de la schizophrénie. L'hérédité jouerait parfois un rôle indépendamment des facteurs environnementaux mais plus généralement, elle entrerait en interaction avec l'environ- nement pour provoquer les lésions qui conduiront à la schizophrénie. Il est peu probable que les gènes impliqués soient les mêmes chez tous les schizophrènes. Il n'est pas certain non plus que la présence d'une vulnérabilité génétique soit une condition indispensable au dévelop- pement de la maladie. Par contre, il est bien établi que la plupart des schizophrènes ont hérité génétiquement d'une vulnérabilité à cette maladie.

Bien qu'inéchangeable en sa substance, l'existence d'un facteur héréditaire est une contrainte qui peut se tourner à l'avantage d'un programme de prévention primaire. Les facteurs héréditaires autorisent, en effet, l'identification d'une population à haut risque. Par exemple, alors que le risque de schizophrénie est de 1% dans la population en général, il monte à 16 % chez les enfants de mères schizophrènes45 . Cette segmentation de la population pourrait permettre de concentrer l'énergie des programmes là où elle a le plus de chance d'avoir un impact. C'est la stratégie adoptée depuis longtemps par la recherche. Les connaissances acquises sur ce terrain sont transférables dans un programme de dépistage et elle devrait constituer la première étape d'une bonne stratégie préventive29.

Les études de jumeaux nous apprennent cependant autre chose. Un jumeau identique (monozygote) n'a environ que 50% de chance de développer la maladie si son semblable est atteint, bien qu'ils aient tous deux le même bagage génétique43,44. Ce fait montre à lui seul que, dans beaucoup de cas, l'hérédité n'agit pas seule. D'autres facteurs viennent nécessairement s'additionner aux gènes pour provoquer les lésions cérébrales et la maladie.

FACTEURS PRÉNATAUX

Avant même que les soupçons relatifs à la période prénatale ne soient clairement formulés, des recherches avaient montré que les schizophrènes nés à la fin ou durant la saison hivernale étaient significativement plus nombreux que ceux nés à d'autres périodes48,49 et ce particulière-ment dans l'hémisphère nord. On compterait aujourd'hui plus de 250 études à travers le monde portant sur cette seule question50 . Cette constatation invitait les chercheurs à identifier le rôle pathogène de facteurs saisonniers.

Une des hypothèses soumises à l'enquête fut la possibilité qu'un agent infectieux vienne perturber le développement foetal. Au Minnesota, Watson et al. (51) furent parmi les premiers à mettre la schizophrénie en relation avec la survenue de grippe. Avec des raffinements métho-dologiques, les membres de l'équipe de Mednick52 vérifièrent le même lien entre une épidémie de grippe (Influenza type A2) survenue à Helsinki en 1957, et le nombre de schizophrènes nés durant cette période. Ils conclurent que l'exposition de la mère à un virus durant le second trimestre de sa grossesse augmentait significativement le risque que son enfant développe une schizophrénie à l'âge adulte. Plusieurs équipes indépendantes (voir: 18 & 53) ont ensuite vérifié la régularité de ce lien dans différents pays et pour d'autres périodes de l'histoire. Peu d'équipes ont eu des résultats non significatifs et la réanalyse ciblée des données d'une de ces équipes 54 par Mednick & al. (55) a finalement confirmé le lien entre une exposition au virus pendant le troisième trimestre de la grossesse et la survenue de la schizophrénie.

Ces recherches présentent d'importantes limites méthodologiques. La plus importante est qu'elles portent sur de vastes populations exposées à des épidémies sans vérifier spécifiquement si les mères de schizophrènes avaient effectivement contracté le virus. La seule exception est la récente réanalyse que Mednick & al. (55) ont fait de leur échantillon. Leurs nouveaux résultats montrent que les mères infectées par le virus au deuxième trimestre représentent 86,7% de leur échantillon de schizophrènes contre seulement 20% pour les deux autres trimestres. L'hypothèse de Mednick est que le virus, ou la réponse de défense immunitaire de la mère, interfère à une étape critique de l'organisation du système nerveux central du foetus.

La possibilité que la réaction immunitaire de la mère puisse être mise en cause a conduit des chercheurs du Danemark à vérifier l'effet d'une autre réponse immunitaire sur l'incidence de schizophrénie. La compatibilité sanguine entre la mère et son foetus est un facteur connu pour solliciter les réponses immunitaires de la mère lors de grossesses successives. Hollister & al. (56) ont examiné l'incidence de schizophrénie dans un échantillon de 1,867 sujets de sexe masculin divisés suivant leur compatibilité sanguine avec leur mère. Les chercheurs ont montré que le risque de schizophrénie était presque trois fois plus élevé chez les sujets ayant un facteur Rhésus différent de celui de leur mère que chez ceux ayant un facteur Rhésus compatible. Comme ce phénomène ne s'observait pas chez les aînés mais seulement chez les rejetons ultérieurs de la mère, les données supportaient l'hypothèse d'une interférence directe ou indirecte de la réaction immunitaire de la mère sur le développement nerveux foetal.

Tous ces résultats confirment un lien entre une infection ou une réaction immunitaire de la mère et la survenue de la schizophrénie, mais pas nécessairement un lien causal. À propos des interférences virales, Kendell & Kemps (57) ont soutenu que le virus lui-même n'était peut-être pas en cause mais que l'infection pouvait être simplement un indicateur de la présence d'un stress psychologique qui rendrait la mère plus vulnérable à la maladie. Selon eux, le stress psycho-logique pourrait être le facteur actif réel. Cette hypothèse ne s'applique pas au facteur Rhésus et ne tient pas non plus vraiment avec le facteur viral. En effet, si seul le stress interférait, la différence apparaîtrait seulement entre les enfants de mères infectées et ceux de mères non infectées. Or, les données sont saisonnières et se vérifient aussi, au sein de toute une population, lorsque l'on compare les périodes d'épidémie aux périodes non épidémiques. Le virus n'est peut-être pas l'agent direct, mais son addition au système augmente réellement le risque de schizophrénie indépendamment de facteurs psychologiques.

L'hypothèse psychologique tient mieux pour nuancer d'autres facteurs explorés par la recherche. Un de ces facteurs récemment mis en évidence est le rôle de la malnutrition de la mère pendant sa grossesse. Pour vérifier cette hypothèse, Suzzer & al. (58) ont comparé l'incidence de schizophrénie chez des sujets adultes nés pendant une famine survenue dans les villes de l'ouest du Netherland durant la Seconde Guerre mondiale, avec l'incidence dans une population comparable née à une époque où il n'y avait pas de famine. Encore une fois, les résultats étaient concluants. Ici, l'hypothèse d'un stress psychologique est plus facile à soutenir que dans le cas des épidémies virales parce qu'un état de famine dans une communauté est une source de stress psychologique beaucoup plus évidente que ne peut l'être une simple épidémie de grippe.

Au niveau psychologique, finalement, il faut souligner qu'un stress violent chez la mère est un facteur qui a été étudié spécifiquement. Huttunen & Niskanen (59) ont montré que les foetus qui en étaient à leur deuxième mois de développement, au moment où leur mère apprenait que leur mari était décédé à la guerre, avaient un taux de psychose plus élevé (schizophrénie comprise) que les foetus de mères qui apprenaient la nouvelle à un autre moment du développe-ment. L'étude de Huttunen & Niskanen (59) ne contrôle cependant pas les autres facteurs potentiellement pathogènes. Nous savons, par exemple, qu'un deuil provoque une dépression du système immunitaire (60,61,62). Il est possible et même vraisemblable que les mères de sujets schizophrènes aient été plus vulnérables à des agents infectieux à cause de l'état dépressif provoqué par le deuil et que ce soit l'agent infectieux qui soit en cause. La seule façon de départager ces deux hypothèses serait de reprendre l'étude en contrôlant le facteur "infection". Dans la même veine, une recherche plus récente portant sur une cohorte de 11,017 sujets conduisait l'équipe de Myhrman & al. (62b) à observer que les mères de sujets schizophrènes adultes avaient manifesté une plus forte proportion de grossesse non désirée au 6e et 7e mois de leur grossesse que le groupe de comparaison. Encore une fois, en absence de contrôle des com-portements associés, plusieurs interprétations peuvent être données à ce résultat. L'hypothèse d'une interférence psychologique demeure cependant au centre des questions.

En résumé, une infection virale ou un autre stress physique sollicitant le système immuni-taire de la mère pendant le second trimestre de la grossesse est très fortement suspecté d'aug-menter le risque qu'un bébé, prédisposé génétiquement, développe une schizophrénie à l'âge adulte. Une malnutrition et un violent stress psychologique survenant au même moment pour-raient aussi être des causes environnementales pathogènes, mais sans que l'on puisse encore bien les départager. Ce que tous ces facteurs ont en commun, cependant, c'est de mettre en cause le second trimestre du développement foetal. Cette convergence invite à penser que le second trimestre est une période de vulnérabilité critique pour la survenue ultérieure de la schizophrénie chez les personnes génétiquement prédisposées à développer la maladie. Comme le remarque certains auteurs 29, à ce stade de la recherche, les indices convergeant vers le second trimestre sont suffisamment bien documentés pour commander des politiques préventives auprès des femmes enceintes à haut risque.

FACTEURS LIÉS À L'ACCOUCHEMENT

Les premières études ayant montré les liens entre la schizophrénie et les difficultés survenant pendant l'accouchement sont les études longitudinales et rétrospectives. Un modèle du genre est l'étude de l'équipe du Copenhagen High Risk Project. En 1962, cette équipe a recruté 207 adolescents issus de mères schizophrènes. Les chercheurs ont évalué soigneusement leurs sujets et leurs parents et ont effectué des mesures physiologiques de réactivité du système nerveux autonome. Surtout, l'équipe disposait des fiches obstétriques (standardisées et très détaillées au Danemark) complètes des sujets. En réévaluant leurs sujets après 10 ans et 30 ans (entre 1972 et 1974, puis vers 1989), l'équipe a pu identifier ceux qui étaient devenus schizophrènes et chercher les facteurs distinctifs que présentaient ces adolescents par rapport à ceux qui ne sont pas devenus schizophrènes. Les résultats ont montré que plusieurs facteurs précoces étaient statistiquement liés à une augmentation du risque de schizophrénie. Les difficultés survenues durant l'accou-chement (delivery complications) en faisaient partie. Leurs résultats7,63 montrent que chez un sujet à plus haut risque génétique (dont le père est aussi schizophrène), les problèmes de grossesse et d'accouchement multiplient par sept le risque de développer une schizophrénie à prédominance de symptômes. La plus intéressante mesure de cette équipe est cependant la comparaison entre le nombre d'incidents obstétricaux chez des sujets schizophrènes, des sujets normaux et des sujets du spectre schizophrénique. Le groupe où le moins d'incidents de problèmes d'accouchement étaient observés était celui des sujets du spectre 63 . Ces résultats suggéraient qu'un accouchement particulièrement facile était un facteur de protection contre la schizophrénie pour des sujets ayant une prédisposition génétique à développer la maladie.

Malheureusement, dans ce genre d'étude comme dans les suivantes, les incidents d'accouchement sont généralement évalués par des scores globals qui ne distinguent pas bien chaque incident spécifiquement et qui calculent aussi simultanément les incidents survenant pendant le développement foetal (pregnancy) et ceux survenant pendant l'accouchement lui-même (delivery) et après la naissance (neonale period).

Dans leurs revues respectives sur cette question, McNeil (64) et Machon & Mednick (18) observent que plusieurs recherches portant spécifiquement sur cette question ont ensuite documenté les soupçons. Par ailleurs, la tomographie cérébrale a montré que plus les incidents obstétricaux étaient nombreux dans l'histoire d'un sujet schizophrène, plus il avait de chance de présenter des anomalies cérébrales (Voir: 29,64).

Une autre limite de ces études est cependant de ne pas permettre de départager les rôles respectifs des incidents obstétricaux et du risque génétique. Dans sa revue de la question, McNeil (64) montre que les incidents obstétricaux peuvent tout aussi bien être indirectement provoqués par les facteurs héréditaires que s'additionner à eux ou être des causes indépendantes de schizophrénie pour des sujets qui ne présentent pas de risques génétiques au départ. McNeil (64) montrait cependant que plusieurs arguments militant en faveur de l'hypothèse additive puisque les facteurs obstétricaux les plus significativement liés à une augmentation du risque sont les incidents d'accouchement qui s'accompagnent d'une privation d'oxygène chez le nourrisson. La comparaison entre jumeaux discordants et concordants quant à la maladie suggère cependant que les facteurs obstétricaux ne jouent un rôle additif que dans le cas des jumeaux discordants. McNeil & al. (65) suggèrent que chez les jumeaux concordants, le facteur génétique serait plus puissant et provoquerait peut-être à lui seul la maladie sans l'addition de facteurs environnementaux. Nous remarquons cependant que dans leurs données, les incidents de grossesse (pregnancy) des jumeaux concordants sont, en valeur absolue, plus élevés que pour les jumeaux discordants bien que le nombre de sujets ne conduisent pas à des différences significatives. Il pourrait donc aussi être possible que les incidents de grossesse soient les facteurs clés chez les concordants, d'où leur plus faible représentation dans les incidents d'accouchement.

Le partage de la pondération entre les facteurs génétiques, les facteurs prénataux et les incidents d'accouchement n'est pas encore complété. Par contre, on peut déjà identifier clairement que les incidents d'accouchement sont des facteurs qui augmentent le risque de schizophrénie chez un nombre important de sujets génétiquement prédisposés à cette maladie. Inversement, un accouchement particulièrement facile apparaît comme un facteur de protection pour des personnes génétiquement fragiles.

FACTEURS NÉONATAUX

Les facteurs néonataux sont rarement étudiés séparément des autres facteurs obsté-tricaux. Dans leurs recherches, McNeil & al. (65) décrivent des incidents directement reliés à la grossesse et à l'accouchement tels que le poids à la naissance et les longs délais d'accouchement.

Les recherches les plus avancées actuellement sont celles conduites sur des modèles animaux. La recherche consiste à provoquer des lésions spécifiques du cerveau à des périodes de temps précises suivant la naissance et de vérifier ensuite l'incidence de ces lésions sur le développement et le comportement du cobaye (65b,65c,65d ). Il ressort clairement de ces recherches que le moment où survient la lésion est déterminant sur le comportement de l'animal à l'âge adulte. Cette constatation suggère que, durant les tous premiers jours du développement d'un bébé animal, se produisent des processus critiques pour le développement du cerveau. Si ces processus sont interrompus par des lésions, les conséquences s'observent de manière spécifique jusqu'à un âge avancé. La généralisation de modèles animaux à l'être humain est hasardeuse mais ces recherches soulèvent des questions pertinentes pour une intervention préventive.

Une recherche66 récente sur les circonstances de la naissance de 11,017 sujets adultes a montré que les sujets contractant un virus alors qu'ils étaient nourrissons avaient de plus fortes chances de développer une schizophrénie ou une autre forme de psychose à l'âge adulte. Il y a un intéressant parallèle entre ces résultats et les recherches sur les modèles animaux.

L'INSTABILITÉ FAMILIALE

Ce sont, encore une fois, les recherches longitudinales qui ont mis en évidence le rôle pathogène de l'instabilité familiale. Dans leur étude originale7, l'équipe du Copenhagen High Risk Project (CHRP) a montré qu'une sévère instabilité dans l'environnement éducatif familial précoce multipliait par cinq le risque de développer une schizophrénie à prédominance positive chez les sujets présentant un risque génétique. De plus, lorsque la présence de prédispositions génétiques était vérifiée (hypothétiquement), par l'occurrence d'une hypersensibilité du système nerveux autonome, l'addition du facteur "instabilité familiale" multipliait le risque par huit.

La définition que l'équipe du CHRP donne de la "sévère instabilité de l'environnement éducatif familial précoce" est cependant très "opérationnelle". Dans leur index d'instabilité, les auteurs ne retenaient que les événements matériellement documentables et exceptionnellement stressants pour un jeune enfant tels que: une séparation mère-enfant ou père-enfant de plus de 1½ an; une institutionnalisation de plus de 1½ an; une expérience d'au moins deux déménagements de foyer.

En analysant une cohorte de 9,125 enfants nés au Danemark, Barr & al. (Voir: 29) ont vérifié cette observation sur une plus grande échelle. Les enfants ayant expérimenté une séparation avec la mère durant les premières années de leur vie avaient un plus grand risque de développer la schizophrénie à l'âge adulte si, bien sûr, ils étaient prédisposés génétiquement à la maladie. Il faut souligner que, pour les autres enfants (sans prédispositions génétiques), l'expérience de séparation avec la mère augmentait le risque d'hospitalisation à l'âge adulte et de désordre de personnalité non psychotique.

L'effet pathogène de la séparation semble cependant pouvoir être neutralisé par des mesures préventives. En reprenant les données de l'étude du CHRP, Walker & al. (67) ont montré que les enfants à haut risque séparés de leur mère, mais qui étaient placés en foyer nourricier ("foster care)" ou chez d'autres membres de la famille ("care of relatives)", avaient un moindre risque de devenir schizophrènes que ceux placés en institution. En d'autres termes, si une séparation précoce est un facteur de risque, un "placement adéquat", au contraire, constitue une protection mesurable contre la maladie pour les enfants à risque.

Il y a tout lieu de croire que c'est LA STABILITÉ ET LA QUALITÉ DE LA RELATION AFFECTIVE QUI CONSTITUE ICI UN FACTEUR DE PROTECTION. Cette interprétation est alimentée par l'étude du CHRP qui montre que les enfants élevés par des mères schizophrènes socialement dysfonctionnelles ont plus de risque de développer la maladie que ceux élevés par des mères ayant plus d'habiletés29. Dans une autre recherche, Burman & al.(68) montrent aussi qu'une fois adulte, les sujets schizophrènes témoignent de beaucoup moins de satisfaction face à leurs relations familiales précoces que les sujets à haut risque qui n'ont pas développé la maladie. Bien que dans ces cas, les facteurs héréditaires ne sont pas contrôlés par le cadre de recherche, des études d'adoptions69 viennent confirmer cette interprétation. Elles montrent que LES ENFANTS À RISQUE PRIS EN CHARGE PAR DES FAMILLES ADOPTIVES FONCTIONNELLES ONT UN BIEN MOINDRE RISQUE DE DÉVELOPPER LA MALADIE QUE LES ENFANTS À RISQUE PRIS EN CHARGE PAR DES FAMILLES ADOPTIVES "PERTURBÉES". Ici pas d'interférence génétique entre le comportement des parents et l'hérédité des enfants.

Par ailleurs, on savait déjà par les études de Vaugh & Leff (70) que la qualité de la communication dans une famille, mesurée par une échelle de qualité des émotions exprimées (EE), était un facteur de rechute pour les sujets ayant la maladie. Il est intéressant de constater que le même phénomène semble aussi jouer un rôle étiologique dans le développement précoce et dans le déclenchement initial de la maladie. Une vaste étude sur l'étiologie de la maladie mentale (UCLA Family Project), une équipe californienne a montré que le manque d'habilités des parents à établir et maintenir une complicité avec leurs adolescents et une attitude affective négative, critique, intrusive et culpabilisante étaient des facteurs associés à un plus grand risque de développer la maladie71. Une revue récente de cette question effectuée par Miklowitz (72) va dans le même sens.

Il est malheureux de constater que les facteurs affectifs environnementaux de la petite enfance n'aient pas fait l'objet de plus de recherches subséquentes puisqu'il semble que ces facteurs ont une incidence réelle sur le développement de la maladie au moins en ce qui regarde les schizophrènes à prédominance de symptômes positifs.
CONCLUSION PROVISOIRE

Pour en revenir à notre collègue Brissonnet, il affirme:


"Bien entendu une telle méthode postule la psychogenèse des troubles mentaux, sans laquelle elle serait dénuée de sens. Or, on a parlé plus haut de l'autisme et l'on sait, par exemple, que la concordance de la schizophrénie chez les jumeaux monozygotes est de 28%(16) et que toutes les études montrent que les facteurs environnementaux qui interviennent par ailleurs sont principalement de nature biologique (problèmes à l'accouchement, carences nutritionnelles, infections, etc.) et non socioculturelle(17). Ce qui rend caduc l'espoir de guérison par la psychanalyse.
En un mot, on peut dire que la psychogenèse des maladies aliénantes est une contre vérité."

Les deux auteurs qu'il site "E.F. Torrey, Schizophr. Bull. 13, 477, 1987. Et S. S. Kety et al, Arch. Gen. Psychiatry, 51, 442, 1994." sont paradoxalement des auteurs qui, nous l'avons montré plus haut, ont affirmé des choses très différentes dans des publications ultérieures.

Par ailleurs, plus la recherche avance plus les résultats semble confirmer cette conclusion, ;a savoir que les maladies mentales ont aussi et même parfois principalement une origine psychogénique. Je vous trouverais d'autres publications qui vont dans le même sens si vous en avez besoin.

Finalement, en ce qui regarde la recherche fondamentale en psychiatrie, je vous conseille mieux que Jean Brisette. Je vous recommande MEDLINE sur le site de la Bibliothque Nationnale des État unis.

1) TOURNIER F. (1992) La critique vitriolique d'un philosophe. Québec Sceptique no 26 p.16-17.

2) LAFLEUR C (1993) Si seulement l'«antisceptique» avait pris la peine de s'informer! Québec Sceptique no 26 p.18

3) THIRIARD P. (1993) Pourquoi un philosophe attaque-t-il les Sceptiques du Québec? Québec Sceptique no 26 p. 19.

4) ANDREASEN NC (1982a) Negative Symptoms in Schizophrenia: Definition and Reliability. Archives of General Psychiatry, 39, 784-88.

5) ANDREASEN NC (1982b) Negative vs Positive Schizophrenia: Definition and Validation, Archives of General Psychiatry, 39, 789-794.

6) ANDREASEN NC; FLAUM M; SWAYZE VM & al. (1990) Positive and negative symptoms in schizophrenia: a critical reappraisal. Archives of General Psychiatry, 47, 615-21.

7) CANNON TD; MEDNICK SA; PARNAS J (1990a) Antecedent of Predoninantly Negative and Predominantly Positive-Symptom Schizoohrenia in High-Risk population. Archives of General Psychiatry, 47, 622-32.

8) GUPTA S; RAJAPRABHAKARAN R; ARNDT S & al. (1995) Premorbide adjustement as a predictor of phenomenologie and neurobiologie indices in schizophrenia. Schizophrenia Reserche, 16(3) 189-97.

9) ALAGHBAND-RAD J; HAMBURGER SD; GIEDD JN & al. (1997). Chilhood-onset schizophrenia: biological markers in relation to clinical charactéristics. American Journal of Psychiatry, 15(1), 64-68.

10) BREKKE JA; RAINE A& THOMSON C (1995). Cognitive and psychophysiological correlates of positive, negative, and disorganized symptôms in teh schizophrenia spectrum. Psychiatry Research, 57, 241-50.

11) SHIOIRI T; SOMAYA T; MURASHITA J & al. (1997). Multiple regression analysis of relationship between frontal lobe phosphorus metabolism and clinical symptoms in patients with schizophrenia. Psychiatry Reserche, 76 (2-3), 113-22.

12) ARNDT S; aLLIGER RJ; ANDREASENC (1991) The distinction of positive and negative symptms: the failure of a two-dimensionale model.


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